News - 05.05.2021

Décès de Mongi Ellouze : la gauche tunisienne perd l’une de ses figures emblématiques

Décès de Mongi Ellouze : la gauche tunisienne perd l’une de ses figures emblématiques

Grand de taille, le front largement dégarni avant que les cheveux se fassent de plus rares, Mongi Ellouze qui vient de s’éteindre, mardi soir chez-lui à Tunis, est une figure emblématique de la gauche tunisienne émergée dans les années 70. Dès son âge, avec son frère Ridha, tous deux encore lycéens à Sfax, il s’était engagé dans l’action militante au sein de la gauche. La ville, nourrie des projections-débats de films au ciné-club, offrait à la génération montante un terreau fertile de confrontations idéologiques, souvent enrichie par des enseignants coopérants français. Dans cette génération de rupture, Aziz Krichène, assigné à résidence dans sa ville natale, Hatem Zghal,  Fathi Triki, Ridha Zouari, Nouri Bouzid, Fethi Mseddi, Raouf Ayadi, les frères Elleuch, Ezzeddine Hazgui, Ali Mhadhebi, Mohsen Marzouk, Moncef Dhouib, Mohamed Damak et d’autres jeunes virevoltants alternent débats, rédaction et distribution de tracts, et mobilisation des ouvriers. Perspectives, El Amel Ettounsia, Echooola, Parti Ouvrier communiste tunisien et autres : les structures sont multiples, la gauche est unique.

Rapidement, la répression s’est déclenchée. Arrestations, tortures et lourdes peines de prison, avec mise sous écrous dans des conditions inhumaines dans le sinistre pénitencier de Borj Erroumi à Bizerte. Mongi Ellouze sera de ceux-là. Parmi le peloton de tête. Dès février 1972, il sera parmi les premiers étudiants arrêtés. Relâché, il sera repris un an plus tard, en 1973, dans une grande rafle étendue à près d’un millier de militants de la gauche. Traduit en justice, en août 1974, dans le fameux procès des 201 accusés, il écopera de six ans et 4 mois de prison qu’il purgera pour la plupart à Borj Erroumi.

Ni la torture subie, ni la prison endurée, ne viendront à bout de l’engagement de Mongi Ellouze. A peine remis en liberté, il replongera dans la lutte. Son choix se portera sur le Rassemblement socialiste progressiste (RSP) fondé le 13 décembre 1983 par notamment Ahmed Néjib et Issam Chebbi, et Maya Jeribi. Il en deviendra l’un de ses premiers dirigeants et prendra en charge la rédaction en chef du journal Al Maoukef, assisté en cela par Rachid Kechana. Pendant plus de 25 ans, il s’acquittera sans relâche de cette tâche, parallèlement à une intense contribution aux activités du parti. Le harcèlement des autorités, les interdictions de parutions et les multiples brimades endurés ne feront qu’attiser l’ardeur de Mongi Ellouze et de ses camarades. Leur ultime arme de résistance n’était que des grèves de la faim, répétées.

Lorsque le RSP décidera lors de son 4ème congrès tenu à Sousse en 2006 de prendre la dénomination de Parti Démocrate Progressiste (PDP), Mongi Ellouze en sera élu secrétaire-général adjoint. Maya Jeribi était alors hissée au secrétariat général. Elle trouvera en lui un camarade de lutte racé et dévoué qui apportera une substantielle contribution aux travaux de la Haute Instance Ben Achour, dont il était membre. Tout comme aux débats, menés au lendemain de 2011, en prévision du congrès de 2012, marqué par la nouvelle dénomination Al Jomhoury et l’arrivée en son sein de nouvelles tendances

 

Il avait manqué de très peu à Mongi Ellouze pour se présenter aux élections de l’Assemblée nationale constituante, de 2011. Par inattention, il n’avait pu présenter au tout dernier moment, sa carte d’identité, requise pour les formalités d’usage. Sans s’en paraître abattu, il continuera à jouer un rôle utile au sein du parti. C’est ainsi qu’il participera activement au premier dialogue national de 2013 et fera partie du comité de rédaction du Document de Carthage, issu du Dialogue initié par Béji Caïd Essebsi, l’été 2016.

Considéré parmi les têtes pensantes d’El Jomhoury, Mongi Ellouze était resté jusqu’au dernier souffle, fidèle à ses idéaux, et à ses camarades.