News - 30.04.2021

Représentation de la diaspora tunisienne en Italie: Perplexité, questionnements et nécessité d'une réponse urgente

Représentation de la diaspora tunisienne à l'étranger: Perplexités & questionnements, nécessité d’une réflexion

Par Mohamed Adel Chehida  - Le dernier acte terroriste perpétré par un tunisien à Rambouillet devrait interpeller à plus d'un titre, toute la diaspora tunisienne en Europe. La filière terroriste tunisienne est une réalité inquiétante qui assombrit davantage l'avenir de la diaspora tunisienne à l’étranger et son rapport à la mère-patrie en particulier.

L’exploitation de ces drames, la stigmatisation de toute une communauté par la droite et l’extrême droite européennes prolifèrent en l’absence de vis-à-vis crédibles.

Faut-il à ce stade souligner que l'encadrement et l'accompagnement des jeunes générations nées ou ayant vécu en Europe est pour le moment le plus souvent assuré par des mouvements à connotation religieuse ?  Ces jeunes en mal d’intégration, souvent en proie à de graves crises identitaires et dont l’avenir semble de plus en plus incertain, sont des proies faciles.

Les torts sont partagés. En ce qui me concerne, en tant que président d'une association de tunisiens résidents en Italie, je souhaite livrer un message et attirer l'attention sur les dérives qui caractérisent depuis dix ans, l'activisme aussi bien associatif qu'individuel au sein de la société civile tunisienne en Italie!

Toutes les causes des dérives observées sont difficiles à cerner mais sont indéniablement la reproduction à l'identique des tiraillements politiques qui s’observent en Tunisie, de l’affairisme, du clientélisme, bref d’une évidente médiocrité de la vie politique. 

Il faut rappeler, à ce sujet, que l'effritement du tissu associatif en Italie est dû principalement à cette reproduction des mêmes fractures politiques et sociales observées en Tunisie et qui n’ont fait que s'accentuer davantage depuis 2011.

D'autre part, face à l'impossibilité légale d'entreprendre des activités politiques en Italie, les divers protagonistes et certains représentants de partis politiques ont contourné cette difficulté en créant des associations factices pour leurrer les autorités italiennes!

Nombre de représentants actuels des tunisiens à l’étranger sont le fruit de ces manœuvres. Ils suscitent perplexité et indignation, au regard de l’instrumentalisation de la représentation parlementaire, au profit des agendas de partis tunisiens dont ils sont devenus les concessionnaires.Dans le meilleur des cas, ils sont absents ou pire ils agissent au détriment des intérêts de la diaspora.

Tenant compte de la vulnérabilité caractéristique de la diaspora tunisienne en Italie, il est légitime de s’inquiéter ! Des milliers de personnes sont manifestement abandonnées à leur sort par un système de représentation défaillant et des institutions incapables de remplir leur rôle.

Je pense évidemment à la grande majorité des familles tunisiennes résidents en Italie, dignes et humbles qui arrivent à survivre tant bien que mal, grâce à un dur et honnête labeur pour assurer à leurs enfants un accès à cet ascenseur social que représente l’éducation et dont ils ont été privés dans leur pays d'origine.

Beaucoup de questions  appellent urgemment des réponses et en premier lieu celles s'agissant des responsabilités et de la prévention.

Il faudra au préalable surmonter le premier écueil, à savoir qui est les intervenants, partenaires et institutions qui doivent agir?

Quels sont les interlocuteurs qui devraient être associés à une refonte sur le moyen et long terme des paradigmes liés à la politique migratoire et aux politiques d'intégration ciblant surtout les jeunes générations ainsi que les nouveaux immigrés?

Quelles sont actions préventives qui pourraient être envisagées en Italie ou en Europe afin de valoriser le multiculturalisme auprès des jeunes tunisiens en leur donnant des outils culturels et historiques qui peuvent les prémunir contre les dogmes et l’ignorance dont souffre une bonne partie des familles tunisiennes immigrées en Italie?

Quel est le rôle qui pourrait être attribué au patrimoine mnémonique et culturel italo-tunisien?

Beaucoup de repères culturels et historiques  pourraient être puisés dans un tel patrimoine, comme dans d'autres référentiels ancrés dans les valeurs spécifiques à la dimension méditerranéenne de la Tunisianité.

Ces pistes pourraient soutenir l'effort de réconciliation identitaire des jeunes avec la patrie d’origine, en leur offrant une alternative aux rejets dont ils sont victimes sur les deux rives de la méditerranée. L’ignorance et la frustration sont le terreau exploité par les islamistes.

Toujours est-il que de telles actions nécessitent des institutions tunisiennes fonctionnelles, capables de mobiliser leurs ressources diplomatiques et consulaires, prêtent à dialoguer en parfaite intelligence aussi bien avec l'élite de la diaspora, les institutions italiennes que l’ensemble des TRE!

Force est de constater que tel n'est pas le cas pour le moment, au vu de la crise politique que vit au grand jour la Tunisie et au profil des élus !

D'où l'urgence de la nécessité d'une prise de conscience de la gravité de cette situation.

La responsabilité d'une telle prise de conscience devrait donc être partagée entre les autorités tunisiennes représentées par les missions consulaires et diplomatiques, la société civile tunisienne et les autorités italiennes.

En guise de conclusion, je reprendrais un avertissement adressé aux occidentaux par l'écrivain Amin Maalouf, dans son essai " Le dérèglement du monde": « Je l’écris sans détour, et en pesant mes mots : c’est d’abord là, auprès des immigrés, que la grande bataille de notre époque devra être menée, c’est ici qu’elle sera gagnée ou perdue. Ou bien l’Occident parviendra à les à les rallier aux valeurs qui sont les siennes mais universelles, faisant d’eux des intermédiaires dans ses rapports avec le reste du monde ; ou bien ils deviendront son plus grave problème. »

Agissons donc, avant qu'il ne soit trop tard et faisons en sorte que les immigrés soient perçus comme une chance pour l'occident et non une menace!

Docteur Mohamed Adel Chehida
Président de l'association des tunisiens en Italie (ATI-Associazione Tunisini in Italia)