News - 23.04.2021

Tunisie: Et si les fleurs étaient la solution à nos problèmes?

Tunisie: Et si les fleurs étaient la solution à nos problèmes?

Par Ridha Bergaoui - Depuis quelques années, le Tunisien subit d’importantes pressions psychologiques. La dictature, la révolution, les crises (sanitaire, économique et politique), le chômage, la détérioration continue du pouvoir d’achat et les prix sans cesse croissants, ont fini par saboter et anéantir le moral du Tunisien. Il est devenu déprimé, de plus en plus susceptible, rebelle, coléreux et brutal.

Un climat de tension, de conflit et de guerre

Des scènes de violence éclatent partout dans la rue, dans les administrations où le citoyen doit faire la queue et respecter les consignes sanitaires contraignantes, sur les plateaux télévisés… L’enceinte du parlement est devenue une véritable arène où les parlementaires se défoulent et font preuve de violence verbale et physique, de masochisme, de régionalisme, de machiavélisme, d’opportunisme, d’arrivisme, d’égoïsme et bien d’autre maux. Des attaques et des mots grossiers et orduriers sont proférés sans aucun respect ou scrupule ni retenue. Ces débats houleux sont transmis en direct à la radio, la télévision et rapportés par tous les média et les réseaux sociaux. Les scènes les plus « hard » sont reprises et les médias en profitent pour monter des tables rondes, des discussions pour les commenter de long en large. La situation  est critique et certains parlent d’assassinats politiques (des parlementaires ont été sérieusement menacés) et même d’un risque de guerre civile si cette animosité et cette violence se prolonge.

Cette ambiance d’agressivité et de violence a fait clore chez le citoyen une sensation de haine et de dégoût face à la classe politique, responsable à ses yeux de la situation catastrophique, de la faillite du pays et de tous ses malheurs. Les principes de tolérance, du respect de l’autre et du vivre ensemble, de débat d’idées, de discussions saines … sont absentes et se perdent complètement.

Comme la violence est contagieuse, on la retrouve partout : dans  les établissements éducatifs, les dispensaires et hôpitaux, dans la rue, les administrations et les lieux publics et bien sûr au sein même de la famille.

Par ailleurs, tous les spécialistes sont unanimes pour affirmer que le stress est mauvais pour la sante. Il est à l’origine de diverses pathologies cardiovasculaires et psychologiques. Il accélère même le vieillissement et mène au suicide et à la mort.

Un remède infaillible, la thérapie par les fleurs

Il est bien connu que la verdure détend, permet d’éliminer le stress et nous donne une charge d’optimisme et d’énergie positive. La vue des fleurs a un effet spectaculaire, les couleurs et les odeurs ravivent les bons souvenirs, le rêve et la positivité.

Les fleurs ont été utilisées depuis très longtemps pour exprimer les sentiments d’amour, de tendresse, de fidélité et de satisfaction. Les fleurs sont utilisées lors de nombreuses occasions heureuses comme les mariages, les réunions importantes… Les palais, les hôtels de luxe sont livrés en fleurs pour embellir l’entrée, les lieux communs et même les chambres. Le bouquet de muguet est un accessoire indispensable pour célébrer la fête du travail du 1er mai. Pour honorer quelqu’un on lui offre un bouquet de fleurs. En toute occasion, offrir des fleurs faites toujours plaisir. On offre aussi des fleurs en rendant visite à proche malade pour lui souhaiter bon rétablissement. Les fleurs peuvent également exprimer la tristesse et sont utilisées en occident lors des enterrements ou visite des cimetières.

Plus particulièrement chez nous, le bouquet de jasmin symbolise la fraternité, l’amitié, la cordialité, l’affection. Il est également le symbole de la douceur de vivre, de la tolérance  et bien d’autres sentiments positifs qui sont des valeurs traditionnelles de notre société et les bases de notre culture. C’est pour ces raisons que la révolution pacifique de 2011 a été nommée « révolution du jasmin ».

Afin de remonter le moral des tunisiens et les sortir de leur état actuel de déprime, il est possible de profiter des effets positifs de la verdure et des fleurs comme thérapie alternative aux soins psychiatriques. Pour cela il faut en mettre partout, à commencer par l’ARP.

Les fleurs pour calmer le jeu à l’ARP

Le climat austère et la fouille systématique des sacs à l’entrée de l’ARP, pour tous ceux qui entrent dans le bâtiment, avec en plus les agents de police et de sécurité, donnent une impression d’hostilité, de méfiance, de froideur et met la pression sur les parlementaires et les fonctionnaires.

Pourquoi ne pas commencer par placer une hôtesse à l’entrée du parlement munie d’un plateau de bouquets de jasmin et en remettre un à chaque député qui pénètre dans l’enceinte du bâtiment ? Cela permettra de faire tomber la pression pour ceux qui sont de mauvaise  humeur et d’être encore plus agréable  pour ceux qui le sont moins.

Mettre des fleurs (fleurs coupées et des pots de fleurs)  partout dans les salles de réunions, dans les couloirs et les annexes, mettre un grand bouquet avec une belle composition florale au milieu de la table du président et pourquoi pas un petit vase avec une fleur devant chaque député ?

Demander aux caméramen chargés de transmettre les débats et des reportages à l’ARP de braquer fréquemment, et surtout à chaque début d’incident, leurs caméras en direction des fleurs pour que le téléspectateur ne verra que les fleurs même si les paroles sont de mauvais goût et non les scènes de violence.

A coté des plantes et des fleurs, ajoutez  des tableaux de nature morte, de paysage et même des extraits du Coran et des paroles du Prophète ainsi que des vers de poètes connus invitant à la tolérance et à la bonne parole.

L’effet sur les parlementaires serait certainement grand dans la mesure où ils pourront travailler dans un climat plus agréable et dans une ambiance cordiale et amicale. L’effet sur le citoyen sera encore plus important et il ne sera que plus confiant dans ses représentants qui sont sensés travailler dans l’intérêt du pays et du citoyen et non passer leur temps à se chamailler et s’agresser mutuellement.

Des fleurs partout

Au président de la république à l’occasion la plus proche (le premier mai par exemple) d’inviter le deux présidents (de l’assemblée et du gouvernement) et leur offrir un bouquet de jasmin ou de muguet à l’entrée du palais en signe de paix pour leur montrer ses bonnes intensions et son désir de faire la paix et de travailler, ensemble chacun selon ses attributions constitutionnelles, pour redresser la situation catastrophique dans laquelle se trouve le pays. Cela va certainement apaiser les esprits et dissiper de nombreux malentendus.

Idem partout dans les administrations (même dans les locaux de la police) et les lieux publics. Des fleurs, des plantes et de beaux tableaux de paysages  partout pour égayer ces lieux généralement tristes et lugubres. Cela va permettre d’adoucir les mœurs des citoyens, les faire rêver un moment, contribué à alléger leurs souffrances et les aider à écourter leurs attentes, dans des files des guichets, parfois interminables.

Les municipalités doivent faire un sérieux effort pour embellir la ville, mettre des pots de fleurs, nettoyer et entretenir les places et les espaces verts. Inviter les commerçants, les cafés et les responsables des bâtiments publics (agences bancaires, locaux de la poste, Steg, Sonede… et autres) à décorer les bâtiments et placer des plantes et des fleurs partout. Cela permettra aux clients d’être de bonne humeur, plus calmes, plus agréables et au personnel d’être plus aimable, plus serviable et plus efficace.

Il est sûr que certains vont détruire ces équipements et les vandaliser, voler les fleurs et les pots. Cela n’est nullement grave, il faut tout simplement les remplacer. Changer le comportement et la mentalité des gens est un travail laborieux et de longue haleine. Le Tunisien est heureusement compréhensif, connu plutôt pour être pacifique et calme.

D’autres propositions

Toujours pour renforcer cet état d’esprit et de combattre la morosité et la déprime  collective, il est possible de faire d’autres suggestions :

Organiser des floralies nationales dans plusieurs villes

Renforcer et soutenir la « fête des roses » de l’Ariana, qui a déjà des traditions et une longue expérience dans le domaine

Organiser une journée nationale des fleurs où les municipalités,  les Ministères de l’Environnement et de l’Agriculture distribuent gratuitement aux visiteurs des plants et des pots de fleurs

Organiser une foire dont le thème serait les plantes, les fleurs et les jardins avec la contribution de tous les acteurs (pépiniéristes, paysagistes, entreprises de jardinage, commerçants de semences, de produits et de matériel de jardinage…)

Lancer des émissions à la télé et la radio pour parler des fleurs, comment s’en occuper et les entretenir…

Encourager les entreprises (moyennant un rabais sur les impôts par exemple) à réserver une part de leur budget à l’entretien et l’embellissement de l’espace

Organiser des concours, des ateliers de peinture ou de confection de compositions florales…

Moyennant un peu d’imagination, il est possible de trouver de nombreuses idées intéressantes. La contribution des associations (environnementales, les amis du Belvédère…) et la société civile à coté des municipalités et des organismes publics officiels est primordiale. Une large campagne de sensibilisation sera nécessaire pour avoir la participation et l’adhésion de tous.

Prendre soin de notre environnement est une opération rentable

Développer la tendance de prendre soin de l’environnement, respecter et cultiver des plants et des fleurs est très important. Entretenir les jardins et espaces verts, placer des pots de fleurs bien garnis et bien entretenus, des tableaux de paysage et de nature morte ainsi que des fleurs coupées partout permettent non seulement d’embellir les places, les administrations et lieux publics  amis également de remonter le moral des gens et les aider à être plus positifs pour affronter les crises et les difficultés vécues de tous les jours.

Ceci va permettre également de créer des entreprises et de nombreux emplois dans le domaine du paysage, des fleurs et du jardinage. Cela va également encourager l’installation de fleuristes et développer la culture des fleurs dans le pays. 

Des moyens financiers sont certainement nécessaires pour concrétiser cette vision et ce programme. Il faut surtout de la bonne volonté, de la motivation, de l’endurance et de la patience. Il faut également de la mobilisation et de la sensibilisation pour avoir l’adhésion et la contribution de tous. Cela vaut la peine pour sortir le Tunisien de son état de déprime. Cela peut avoir aussi des retombées économiques intéressantes soit directement soit indirectement puisque cela va permettre d’avoir d’une part des citoyens en bonne santé et positifs et d’autre part de faire des économies de santé publique de frais de soins psychiatriques.

Conclusion

La Tunisie passe par un moment critique et difficile. Le Tunisien est épuisé, au bout et déprimé. Si l’Etat est incapable de le soutenir matériellement, en ces temps de crise économique, il faut au moins le soutenir psychologiquement. La verdure, les plantes en général et les fleurs ont un effet favorable sur le mental et permettent d’évacuer le stress et d’adoucir les mœurs.

Certains penseront certainement que je divague, que je rêve et que c’est absurde et ridicule tout cela. Effectivement, face aux catastrophes et aux crises que nous sommes en train de vivre, le rêve est peut-être tout ce qui nous reste pour nous en sortir de l’état catastrophique de notre vécu quotidien, sur tous les plans y compris au niveau psychologique et mental. Les fleurs ont effectivement ce pouvoir magique de nous faire rêver et nous faire sourire. Profitons-en.

Ridha Bergaoui
Professeur universitaire