News - 24.03.2021

Doing Business 2022: Comment améliorer le classement de la Tunisie dans ce rapport de référence publié par la banque Mondiale?

Doing Business 2022: Comment améliorer le classement de la Tunisie dans ce rapport de référence publié par la banque Mondiale?

Donnez –nous un aperçu général sur le Rapport «Doing Business»

Le rapport « Doing Business » est une publication phare de la banque mondiale où elle établit le classement depuis 17 ans, d’environ 190 pays par rapport à la facilité de conduire des affaires. Ce classement annuel est la résultante d’une étude approfondie de 10 domaines d’activité à savoir:

1- Création des entreprises

2- Obtention des permis de construire

3- Raccordement à l'électricité

4- Transfert de propriété

5- Obtention de prêts

6- Protection des investisseurs minoritaires

7- Paiement des taxes et impôts

8- Commerce transfrontalier

9- Exécution des contrats

10- Règlement de l'insolvabilité

Le rapport « Doing Business » est devenu au fil des ans, un outil de référence pour les investisseurs à travers le monde pour choisir le meilleur pays pour leurs investissements.

On est encore au mois de Mars 2021 et le rapport « Doing Business 2021 » n’a pas encore été publié. Pourquoi ce retard?

Effectivement « Doing Business 2021 »  est censé être publié en octobre 2020 mais il a été retardé pour la première fois depuis 17 ans puisque la Banque Mondiale s’est rendue compte qu’il y a des irrégularités dans les données de certains pays. Un audit approfondi a été engagé depuis et nous attendons encore les résultats.

Ceci aura certainement un impact sur le classement de plusieurs pays puisqu’il y aura des ajustements rétrospectifs des données.

Est-ce que la Tunisie est concernée par ces irrégularités?

Dieu merci, la Tunisie n’est pas concernée par ces irrégularités. Tous les experts et contributeurs Tunisiens à « Doing Business » ont toujours fait preuve d'une honnêteté intellectuelle dans leurs différents échanges avec la banque mondiale. L’objectif n’est pas de maquiller la situation mais plutôt de trouver des solutions permanentes qui pourraient nous faire avancer dans ce classement mondial tout en le méritant.

D’ailleurs cet esprit de changement et d’amélioration nous a permis pour deux années consécutives, d’améliorer notre classement mondial dans « Doing Business » 2020 en passant de la 80ème à la 78ème position tout en améliorant notre score de 66.11/100 à 68.7/100.

En tant qu’expert et contributeur dans l’élaboration de ce rapport, comment peut-on améliorer le classement de la Tunisie?

Quand on examine les 10 domaines d’évaluation du rapport « Doing Business » nous constatons que le nombre de procédures, le temps et les coûts sont les premiers critères d’évaluation auxquels s’ajoutent parfois la qualité de la réglementation et l’efficacité du contrôle. Il en résulte que l’amélioration du classement doit obligatoirement résulter d’un écourtement des délais et/ou d’économies de temps et/ou de réductions des coûts.

La particularité toutefois, du rapport « Doing Business » est que l’effort national au niveau d’un pays donné doit dépasser l’effort fourni par les autres pays. C’est-à-dire il ne suffit pas de réduire les délais ou procédures de votre pays mais il faut que cette réduction soit plus importante que celle des autres pays en lisse.

Si nous examinons les procédures actuellement en place sur la majorité des domaines d’évaluation du rapport « Doing Business », nous constatons que nous avons beaucoup de procédures qui nécessitent des déplacements physiques et des va-et-vient avec l’administration en charge (Création des entreprises, Obtention des permis de construire, Raccordement à l'électricité, Transfert de propriété, Obtention de prêts, Commerce transfrontalier…etc)
La Tunisie avec son bon équipement en infrastructure IT et de connexion, avec les bases légales déjà existantes, peut facilement digitaliser plusieurs procédures et améliorer son classement dans tous ces domaines. Ce n’est pas difficile il suffit d’avoir une volonté pour le faire.

La Tunisie est classée au TOP 20 dans la « Création des entreprises », est-ce qu’on peut encore améliorer notre classement?

Sur le volet « Création des entreprises » la Tunisie était classée à la 100ème position dans le rapport « Doing Business-DB 2018 » et s’est retrouvée à la 63ème  position dans le rapport DB 2019 puis à la 19ème position dans le rapport DB 2020. Ceci est la résultante de grands efforts fournis par une équipe jeune, dynamique et motivée au sein du ministère du développement de l’investissement et de la coopération internationale (MDICI) qui a travaillé d’une manière transversale avec les différents concernés au sein des ministères, des administrations et agences publiques mais aussi en concertation directe et permanente avec nous les experts métiers et les opérateurs du secteur privé. Une première dans l’histoire de la Tunisie qu’il faudrait saluer.

Une autre équipe travaille aujourd’hui sur le rapport « Doing Business » avec la même détermination et engagement pour améliorer davantage le classement de la Tunisie sauf qu’aujourd’hui quand on est dans le TOP 20 des pays, les réformes à mettre en place en place devront certainement être plus pointues ce qui nécessite évidement un appui politique important.

Aujourd’hui si nous ne passons pas à la création 100% en ligne des sociétés nous verrons une dégradation imminente de notre classement international.

Qu’est ce qui nous empêche alors de créer une société 100% en ligne?

Rien ne nous empêche de le faire ! Si on veut se positionner comme la nouvelle Zélande, Singapour ou Hong Kong en créant une société en quelques heures ou en ligne, il nous faut tout simplement une volonté politique puisque la législation qui le permet est déjà là.

L’article 23 de la loi de finances pour la gestion 2020 (loi 2019-78) permet aujourd’hui l’enregistrement des statuts par les moyens électroniques ce qui revient à dire qu'on n’a plus besoin de présenter physiquement les statuts et attendre 24 h pour les enregistrer.  Malheureusement l’arrêté du ministre des Finances tarde à être publié pour mettre en application cette excellente disposition.

Le décret Gouvernemental N°2020-310 du 15/05/2020, qui est à mon avis un message très positif et une orientation déterminée et claire pour digitaliser l’administration tunisienne, prévoit dans son son article 4 un engagement des structures publiques pour digitaliser les imprimés administratifs relatifs aux demandes d’obtention de prestations au profit des investisseurs et des entreprises économiques tout en donnant à ces documents électroniques la même valeur probante que les imprimés en papier.

Enfin l’article 14 de loi 2019-47 relative à l’amélioration du climat de l’investissement qui a abrogé les dispositions de l’article premier de la loi n° 2004-89 du 31 décembre 2004, relative à la constitution de sociétés en ligne. Cet article a clairement permis aux investisseurs de créer des sociétés anonymes, des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés unipersonnelles à responsabilité limitée, 100% en ligne auprès des organismes publics chargés de la constitution juridique des entreprises et ce par l'échange de documents nécessaires et le paiement du montant des droits exigés pour leur constitution par les moyens électroniques.

Ce même article et dans un esprit de simplification, a fourni aux copies scannées des statuts des sociétés et des procès-verbaux signés ainsi que les copies des formulaires administratifs à remplir et à signer y compris ceux de la déclaration d’existence, déposées par les moyens électroniques fiables la même force probante que l’original.

Donc rien ne nous empêche de créer une société 100% en ligne.

Qu’est-ce qu’on attend alors pour lancer cette création 100% en ligne des sociétés ?

Le projet d’une plateforme d’investissement 100% en ligne est déjà en cours, malheureusement il n’avance pas au rythme souhaité ! Il y a certaines réticences aux changements qui ne peuvent être dépassées qu’avec une sincère détermination du gouvernement pour le faire.
Nous avons tous ce qu’il faut pour créer une société 100% en ligne et épargner  à l’investisseur temps et énergie pour constituer sa société.
Si nous arrivons à lancer cette plateforme en ligne rapidement nous serons capables de créer des sociétés en quelques heures seulement. Ceci hissera notre chère Tunisie au rang des pays innovateurs et nous serons le premier pays arabe et africain à le faire. Un message très positif dont on a vraiment besoin en ces temps-ci.

Mohamed Derbel
Expert-comptable,  Partner BDO Tunisie