News - 02.03.2021

Tunisie: La tomate séchée, un produit traditionnel remis au goût du jour (Album photos)

Tunisie: La tomate séchée, un produit traditionnel remis au goût du jour (Album photos)

Par Ridha Bergaoui - La tomate a été introduite en Tunisie par les Andalous dans les années 1600. Elle  est cultivée d’une façon traditionnelle dans le Cap-Bon et la vallée de la Medjerda. Elle  n’a pris de l’essor qu’après l’indépendance et le développement de l’industrie agro-alimentaire de transformation de la tomate.

La tomate est disponible toute l’année

A l’origine, la tomate est un légume-fruit d’été. La tomate de saison est cultivée en irrigué, en plein air. Elle est disponible du mois de juillet à novembre. En dehors de cette période, la tomate est produite dans les serres et les abris, comme tomate de primeur, commercialisée de mars à juillet. La tomate d’arrière saison est vendue de novembre à mars et produite surtout dans le sud tunisien grâce aux eaux géothermales.

En dehors de la tomate de saison, le prix de la tomate est relativement élevé. Toutefois le consommateur tunisien a pris l’habitude de trouver de la tomate fraiche toute l’année et d’en acheter même à des prix élevés.

La tomate d’arrière saison a connu les derniers temps, des prix de détail élevés en raison de la faible production suite à des conditions climatiques défavorables.

Quelques chiffres sur la production et la consommation de la tomate

La production de tomate de saison est sans conteste la plus importante. Cette production est destinée essentiellement à la transformation (80% de la production de la tomate de saison) en double concentré de tomate (DCT) avec une quantité limitée de Triple Concentré (TCT) et autres préparations.

La superficie cultivée en tomate de saison varie d’une année à une autre selon les conditions climatiques. Elle est estimée à prés de  16 500 ha (sur un total de 20 000 ha cultivés en tomate) et concerne 10 000 producteurs. Le rendement de la culture varie de 55 à 65 tonnes/ha. La production est d’environ 1,200 millions de tonnes. Selon le GICA, en 2020, les usines ont transformé 950 000 tonnes de tomate ce qui a permis la production 143 000 tonnes de DCT (il faut compter 6 à 6,5 kg de tomate pour produire un kilogramme de DCT). Le prix de la tomate livrée aux usines pour 2020 était de 218 millimes/kg. Ce prix est fixé en commun accord entre UTAP, l’UTICA  et les ministres concernés.

La consommation du DCT est estimée à 100 000 tonnes. La consommation individuelle serait de prés de 9 kg/personne/an de DCT. La consommation de tomate en frais est environ 20-25 kg/habitant (GIL). La consommation totale de tomate (fraiche et DCT) serait ainsi de 80 à 85 kg/personne/an. Le tunisien est le premier consommateur de tomate au monde.

A coté de la tomate en conserve, la Tunisie produit environ 70 000 tonnes de tomate séchée au soleil. Cette production est destinée à  90% à l’exportation. L’Italie représente le principal marché de la tomate séchée tunisienne, soit 80% de la production.

Une surproduction de concentré de tomate

Alors que la tomate fraiche d’arrière saison manque sur le marché, les industriels disposent d’un stock important de concentré de tomate. En effet suite à une bonne production de tomate l’année dernière mais une chute de la consommation, en raison de la crise que connait le secteur touristique, les industriels se trouvent pénalisés par une réserve importante de concentré de tomate avoisinant les 40 000 tonnes.   

Par ailleurs, l’exportation du DCT est difficile sachant d’une part que la consommation dans les pays Européens est faible et généralement couverte par la production locale et d’autre part le produit est soumis à une date limite de consommation qui restreint sa durée de stockage.

La Libye représente le principal marché du DCT, ce marché a connu de graves perturbations les dernières années en raison de sa situation politique particulière.

Afin d’alléger les stocks disponibles, le ministère du Commerce et de l’Appui à l’export vient de décider d’encourager l’exportation du concentré de tomate en accordant une subvention aux différents opérateurs.

Conservation traditionnelle de la tomate

Jadis, les familles tunisiennes pratiquaient la « Oula ». Celle-ci consiste à préparer, à partir des produits de saison, des réserves alimentaires diverses, pour  les consommer surtout en hiver. Le développement des industries agroalimentaires et la disponibilité en magasin des aliments ont entrainé la disparition progressive de cette pratique ancestrale.

Pour conserver la tomate, nos parents procédaient à son séchage au soleil. La préparation est très simple. Il suffit de laver les tomates, les couper en deux, les saler et les laisser sécher à l’air libre  au soleil. Après quelques jours de séchage, les morceaux de tomate sont placés dans des bocaux et recouverts d’huile d’olive. On ajoute, si on veut, quelques fines herbes ou aromates. Il faut laisser macérer le produit quelques jours avant utilisation.  La tomate ainsi préparée était destinée aussi bien à l’autoconsommation qu’à la commercialisation. Il faut compter 10 à 11 kg de tomate pour produire un kilo de tomate séchée. Il est conseillé de faire blanchir la tomate séchée avant de l’utiliser pour la réhydrater et éliminer l’excès de sel. La tomate séchée est utilisée en hiver alors que la tomate de saison est indisponible.

Jadis, couramment pratiquée, le séchage de la tomate et sa consommation locale ont complètement disparu. De nos jours, la production de la tomate séchée est encouragée surtout  comme produit destiné à l’exportation. En effet, au niveau mondial, la tomate séchée est recherchée en raison de ses bienfaits nutritionnels et ses qualités gustatives. 

La tomate séchée, un produit en vogue

La tomate séchée possède de nombreuses vertus nutritives. C’est un concentré de vitamines, minéraux, fibres et antioxydants dont une forte concentration de lycopène, un caroténoïde  qui colore la tomate en rouge.

Les fibres facilitent le transit digestif et les antioxydants protègent les cellules contre les radicaux libres, le vieillissement  et  différents types de cancer (prostate, sein…).  

Associée à l’huile d’olive, la tomate séchée est très appréciée par les gourmets pour sa saveur intense et parfumée. Elle peut être utilisée pour préparer des sauces, des pizzas, diverses salades… Broyée, la tomate séchée est ajoutée comme épice pour assaisonner de nombreux  plats.

La tomate séchée une bonne alternative à la tomate primeur

Le prix de la tomate en hiver est plus élevé que le reste de l’année. Ces tomates de primeur sont cultivées dans des serres conditionnées et reviennent très cher compte tenu des prix des intrants.

En été, la tomate est disponible à des prix très raisonnables et en de grandes quantités. Les industriels essayent de transformer toute la production en concentré de tomate. La production de DCT dépasse, surtout en année pluvieuse, les besoins du pays. Malheureusement l’exportation de ce produit est difficile,  les marchés sont limités et les stocks ne cessent de croitre.

La tomate séchée est très demandée au nouveau mondial. Encourager la production de la tomate séchée (au soleil ou à l’étuve) est intéressant. Ce ci permettrait au pays de disposer de devises et de créer de petites unités de fabrication et de l’emploi surtout au niveau des régions de production souffrant généralement de problèmes de chômage.

Au niveau familial, le retour à la tradition de conservation de la tomate par séchage au soleil est intéressant sachant qu’il s’agit d’une opération très facile et très simple. La tomate séchée est une alternative à la tomate fraiche de primeur en hiver dont la production est limitée et le prix est parfois inabordable.  La production à l’échelle familiale de la tomate séchée en été est facile puisque la production de la tomate est abondante, le prix abordable et l’énergie solaire gratuite. 

Développer la consommation de la tomate séchée permet également de profiter des nombreux avantages nutritionnels de ce produit très demandé et en vogue partout  ailleurs.

Conclusion

La tomate est un légume-fruit très nutritif et très rafraichissant. Au niveau mondial, la Tunisie est le seizième  pays producteur de tomate (avant l’Algérie et le Maroc). Elle est classée dixième pour la quantité industrialisée et le tunisien en est le plus gros consommateur.

Compte tenu des difficultés pour exporter le DCT, il serait intéressant de développer la production de la tomate séchée, très demandée au niveau mondial.

Le retour à la tomate séchée au niveau familial permet de reporter une partie de la production de la tomate de saison en hiver où la tomate de primeur est moins abondante et beaucoup plus chère. Des campagnes de sensibilisation au séchage et aux avantages nutritionnels et gustatifs de la tomate séchée permettent de populariser et d’augmenter sa consommation locale.

La tomate séchée est un vrai concentré de bienfaits pour la santé, de saveurs et de plaisir.  A consommer sans aucune modération.

Ridha Bergaoui
Professeur universitaire