News - 27.12.2020

Deux enfants palestiniens et «la justice» Israélienne

Deux enfants Palestiniens et «la justice» Israélienne: Racisme et suprématie juive sont parfaitement légaux en Israël

Par Mohamed Larbi Bouguerra - Y a-t-il des limites à l’hypocrisie et aux mensonges ?

Etat démocratique, Israël, avec des citoyens non juifs sans droits, discriminés et soumis à un innommable apartheid en vertu de la loi de l’Etat-Nation du Peuple Juif de 2018 ?

Etat démocratique, Israël, dont le Premier Ministre corrompu traîne tant de casseroles et que des manifestants, chaque samedi depuis six mois, en dénoncent la politique économique et la gestion de la pandémie ? Les pitoyables stratagèmes de Netanyahou pour échapper à la justice viennent de faire flop avec la dissolution du Parlement (Knesset) entraînant la chute du gouvernement «d’union et d’urgence**» de l’improbable attelage Netanyahou- Ganz*** et l’appel aux quatrièmes élections générales en l’espace de deux années.  Israël illustre ainsi parfaitement aujourd’hui le mot de Talleyrand- cet orfèvre en matière de rouerie et de retournement de veste- qui disait que la politique est « la conjuration universelle du mensonge contre la vérité. » David Ben Gourion se désolait déjà du fait qu’Israël n’ait pas réussi à forger une nation et des dirigeants « de haute valeur morale ». (Lire Éric Rouleau, « Dans les coulisses du Proche-Orient. Mémoires d’un journaliste diplomate (1952-2012) », Fayard éditeur, Paris, 2012, p. 230)

Etat qui signe la paix avec des pays qui ne l’ont jamais combattu comme les EAU ou Bahrein alors que Menahem Begin traitait jadis les Arabes d’« animaux à deux pattes »?

« Eretz Israël », Etat -Nation du peuple juif, alors que les Etats Unis et la France comptent tant de citoyens d’origine hébraïque et que Berlin aujourd’hui abrite un quartier entier habité par des Israéliens ayant quitté volontairement la « Terre Promise » où prédominent l’armée et les rabbins d’un autre âge qui s’immiscent outrageusement dans la vie des gens (mariage, divorce, enterrement, bain rituel, shabbat imposé même au transporteur aérien national El Al et jets de pierre sur les voitures qui roulent durant le shabbat dans les quartiers ultra-orthodoxes…)?

Netanyahou a capitulé devant les Haredim ultra-orthodoxes parce qu’ils détiennent la clef de sa survie politique : il les a autorisés à maintenir ouvertes les yeshivas (étude en continu du Talmud) et les écoles du Talmud Thora pour les apprenants de tout âge en contradiction totale avec les prescriptions gouvernementales des gestes barrières et du confinement. Résultat : explosion des cas de Covid-19 et reconfinement du pays dimanche 27 décembre 2020.

Une Guerre Contre Les Enfants Palestiniens

« La société israélienne est en perdition, dont le seul point de repère serait un sionisme toujours plus dur et toujours plus religieux » écrit Pierre Barbancey (L’Humanité, 24-27 décembre 2020, p. 13).

Rien ne le prouve mieux que la plainte de deux gosses de la ville de Karmiel – 50 000 habitants, fondée en 1964 et proche de Haïfa- qui compte 6% d’habitants non-juifs. Les deux enfants de 6 et 10 ans de Qassem Bakri ont porté plainte contre la municipalité.  Ils demandent à celle-ci, par le truchement de leur oncle, l’avocat Nezar Bakri, le remboursement des frais de transport de 7500 dollars pour rejoindre leur école- située hors de la ville- qui enseigne en langue arabe.  Karmiel n’abrite en effet aucune institution enseignant dans cette langue. Les écoles juives de la ville n’accueillent que 156 élèves arabes alors que 326 autres apprenants arabophones doivent fréquenter des écoles enseignant leur langue maternelle et doivent prendre des bus payants pour s’y rendre.

Le greffier en chef du Tribunal de Krayot, Yaniv Luzon, a décidé de ne pas recevoir cette plainte et condamné les deux plaignants aux dépens. Il a expliqué sa démarche en écrivant : « Karmiel est une ville juive créée pour l’établissement des juifs en Galilée. Installer une école de langue arabe…et payer des frais de transport pour les élèves de langue arabe …pourrait changer l’équilibre démographique et endommager la personnalité de la ville. »

En fait, Luzon a avancé sept motifs pour écarter cette plainte et cité la loi controversée de l’Etat-nation de 2018. Cette loi défini officiellement Israël comme la patrie nationale du peuple juif et affirme que « la réalisation du droit à l’autodétermination en Israël est propre et réservé au seul peuple juif. » Cette loi  permet également aux juges de donner la priorité au caractère juif d'Israël dans leurs décisions. Elle a provoqué un tollé parmi les communautés non juives du pays et a été condamnée au niveau international. La décision du greffier en chef Yaniv Luzon cite l'article 7 de la loi sur l'État-nation, qui prévoit que "l'État considère le développement de la colonisation juive comme une valeur nationale et s'efforcera d'encourager et de faire progresser sa mise en place et sa consolidation".  Selon l'arrêt, parce que le principe de l'établissement juif en tant que valeur nationale est inscrit dans une loi fondamentale, il constitue un facteur "approprié et dominant" qui doit être pris en compte dans le contexte de la prise de décision municipale, qui comprend la création d'écoles et les politiques de remboursement des déplacements en dehors de la ville.
Le père des deux enfants, Qassem Bakri, a déclaré qu'il ne s'attendait pas à "un tel racisme sous les auspices de la loi". Bakri a déclaré qu'il craignait que cette décision ne soit le premier signe avant-coureur de ce qui attend les citoyens arabes du pays sous l'égide de la loi. "C'est épouvantable, ce qu'il dit", a déclaré M. Bakri. "Ce qui est terrible, c'est l'explication. C'est une ville juive", comme s'il n'y avait pas d'autres résidents à Karmiel. Il y a des résidents de première classe et des résidents de seconde classe. C'est le fruit pourri livré par le Premier ministre Benjamin Netanyahou et de la loi de l'État-nation".

De son côté, l’avocat Bakri a déclaré qu'il avait été choqué lorsqu'il a lu une citation de la loi de l'État-nation dans la décision du greffier et que ses clients allaient faire appel. (Noa Shpigel, Haaretz, 30 novembre 2020) L’avocate Nareman Shehadeh-Zoabi, d'Adalah, a déclaré que la décision de Luzon "stipule que le fait de donner des droits égaux aux résidents arabes de Karmiel enverra un message qui invitera davantage de résidents arabes à vivre dans la ville, et sanctionnera par cette logique une politique raciste et discriminatoire. Ce sont précisément les conséquences effrayantes dont nous avons mis en garde lorsque nous nous sommes opposés à la loi sur l'État-nation". La décision de la cour a suscité des critiques de la part du député de la Liste Commune (arabe) à la Knesset, Mtanes Shehadeh, qui a déclaré que "le concept de suprématie sur lequel la loi est basée et qui est utilisé pour l'appliquer, comme dans le cas de Karmiel, prouve que le récit "juif et démocratique [de l'État]" ne sera jamais plus qu'une fausse dissimulation d'une réalité dans laquelle la suprématie du nationalisme sur la démocratie est perpétuée".  L'Association pour la Promotion de l'Egalité des Chances en Israël a déclaré que la décision de la cour était un rappel de la nécessité de continuer à protester contre la loi sur l'État-nation et qu'elle était utilisée pour empêcher les citoyens arabes de vivre en communautés dans tout le pays. "Les villes mixtes, comme l'est devenu Karmiel ces dernières années, sont une réalité actuelle en Israël" et ne feront qu'augmenter en nombre. » affirme l’association.

Terreur d’état

Pour le journaliste Gideon Levy (Haaretz, 5 décembre 2020), « Israël mène une vraie guerre contre les enfants palestiniens ». 170 enfants palestiniens sont actuellement dans les geôles de l’occupant. Mais d’autres ont été tués par la soldatesque sioniste. C’est le cas de Ali Abou Alia, un jeune de 13 ans. Exécuté froidement par un tir dans le ventre le vendredi 27 novembre 2020.

Karmiel n’est pas une exception : 50 enfants de la communauté bédouine de Ras Ettin étudient à l’école de Mughayir distante de 15 km et que fréquentait Ali. Cette école a été construite grâce à une ONG européenne basée en Italie. Israël menace de la détruire et harcèle quotidiennement élèves et professeurs.

Parmi d’autres nombreuses victimes, il y a le cas de Malek Issa, 9 ans qui habite Jérusalem-Est. Une balle en caoutchouc a été logé dans son œil. Le Ministre de la Justice a déclaré le 26 novembre 2020 qu’on ne peut rien reprocher à la police dans le cas de Malek !
Enfin, Levy cite le cas de Bassel al Badawi, un jeune de 16 ans du camp de réfugiés d’Al Arroub, tiré de son lit par la police en pleine nuit et conduit pieds nus pour un interrogatoire. Il y a un an, l’armée avait tué son frère, sous ses yeux, sans la moindre raison.

Et Levy de conclure : « Que pensez-vous d’un régime qui permet de tirer sur des enfants, qui les kidnappe dans leur sommeil et rase leurs écoles ? C’est exactement ce que vous devez penser de notre régime à nous, ici même [en Israël]. »

Pour l’éditorialiste de Haaretz (1er décembre 2020), « les masques sont tombés : le racisme est légalisé en Israël ainsi que la suprématie juive. »

Israël, « unique démocratie au Moyen-Orient » ? Peut-être, si on adopte alors la novlangue d’Orwell : « la guerre, c’est la paix » !

Mohamed Larbi Bouguerra

** « Urgence » pour lutter contre la pandémie. Ce gouvernement a eu un zéro pointé contre la Covid-19.

*** A l’origine de tous ces problèmes : en avril, Ganz a refusé l’appui des députés de la Liste Unie conduite par Aymen Odeh pour construire une majorité de gouvernement. Ganz ne voulait pas prendre en compte les revendications des Arabes israéliens d’égalité des droits, d’abrogation de la loi Etat-nation consacrant la suprématie juive comme il refusait de discuter de la solution d’un Etat palestinien sur les frontières de 1967 avec Jérusalem Est comme capitale.