News - 30.11.2020

Abdelkader Maalej: Le gouvernement pris en otage

Abdelkader Maalej: Le gouvernement  pris en otage

Par Abdelkader Maalej - Il est communément admis qu’il y’a au monde deux sortes de régimes démocratiques( soulignons bien le mot démocratiques) le régime présidentiel et le régime parlementaire. L’exemple type du régime présidentiel existe aux USA et l’exemple type du régime parlementaire est pratiqué en Grande Bretagne. Nul ne peut contester le caractère démocratique  de ces deux pays car la démocratie y fonctionne à perfection et grosso modo sans problèmes. Mais cela ne signifie pas nécessairement que ces deux régimes sont exempts de toutes imperfections. Chacun des deux régimes peut comporter  à la fois des avantages et des inconvénients. Le régime présidentiel peut aboutir au despotisme et à la tyrannie comme ce fut le cas avec le président feu Ben Ali. Le   régime parlementaire peut quant à lui être une cause d’instabilité et de soubresauts politiques comme c’est le cas en Italie. Nous n’avons nullement l’intention de dispenser un cours de droit constitutionnel ; nous voulons simplement parler  des conséquences du régime choisi par les Tunisiens au lendemain de la soit disant révolution du 14 janvier 2011 et de voir pourquoi le régime choisi par la Tunisie a jusqu’ici échoué à réaliser les objectifs de ceux qui ont fait échoir  le régime de Ben Ali.

Au lendemain des  élections du mois d’octobre 2011, les élus du peuple ont pensé que pour empêcher le retour  au despotisme il fallait instaurer en Tunisie un régime parlementaire. Vu les réserves émises par certaines parties on a fini par opter pour un régime hybride mi présidentiel mi parlementaire. En raison du mode de scrutin choisi( scrutin de listes, majorité proportionnelle et système des plus grands restes) on est arrivée à avoir un parlement incapable d’adopter moulto projets de lois dont celui afférent à la création de la cour constitutionnelle sans quoi il n’y’a pas de véritable démocratie. La constitution de 2014 a institué un pouvoir exécutif bicéphale  formé  par un président élu au suffrage universel mais n’ayant  que des prérogatives très limitées ne dépassant pas la politique étrangère et la Défense nationale et par voie de conséquences ne permettant pas au détenteur du pouvoir d’agit les coudées franches au plan intérieur d’une part , et un chef de gouvernement désigné par le parti qui a récolté le plus  grand nombre de députés au parlement de l’autre.  Si le gouvernement n’obtient pas la confiance du parlement comme le stipule la constitution  le président de la république devra lui-même choisir la personne la plus apte à assumer la responsabilité de former le gouvernement.

Ce système politique compliqué s’est avéré inadéquat et impossible  à appliquer. En  raison de la mosaïque  partisane .Régnant au parlement il est devenu difficile voire impossible à tous les gouvernements qui se sont succédé depuis  le 14 janvier 2014 de réaliser un quelconque progrès sur la voie du développement et même de faire passer au parlement un projet de budget d’Etat, tel qu’ initialement  proposé par le gouvernement, avec une majorité tranquillisante. Suite aux querelles interminables entre les différends groupes parlementaires, des gouvernements viennent et tombent sans cesse. Aucun des gouvernements successifs n’a eu le temps d’élaborer ou d’appliquer une stratégie ou un plan de développement. Le pays ne sort d’une crise que pour s’engouffrer dans une autre crise plus aigue. Tous les chefs de gouvernements qui se sont succédé à la Kasba se souciaient avant tout de s’assurer un ‘coussin’ parlementaire et cela a été toujours difficile voire impossible de réaliser. Le résultat est bien sûr  évident ; le pays s’est enlisé dans une situation désastreuse et s’est trouvé  au bout du gouffre. Alors que faire ?

Un gouvernement indépendant et technocrate

En raison des cuisants échecs essuyés par tous les gouvernements dits politiques- cad composés de ministres adhérents à des partis politiques-  qui se sont succédé en Tunisie depuis le changement du 14 janvier 2011, le Président Kais Saîd a jugé qu’il est plus bénéfique de former un gouvernement technocrate libéré de tout endoctrinement politique. Passant outre toutes les propositions présentées par les partis représentés au parlement, le Président choisit parmi les nominés, Hichem Mechichi, Ministre de l’Intérieur au gouvernement sortant de Fakhfakh ( obligé à démissionner dans des conditions lamentables ) et le chargea de former un gouvernement technocrate sachant que le seul gouvernement technocrate ayant gouverné la Tunisie depuis le dit changement était celui de Mehdi Ben Jômà, qui n’a duré qu’une année, et on peut dire sans grand risque d’erreur que c’était le seul gouvernement qui avait pu accomplir la principale mission dont il était chargé à savoir l’organisation des élections présidentielles et législatives de 2014.

Le gouvernement Mechichi est-il vraiment indépendant ? Rien ne nous permet de le dire. D’aucuns stipulent que non et affirment que le Chef de l’Etat y a mis son empreinte en désignant  au moins 7 ou 8 ministres dont bien sûr celui de la Défense nationale et celui des Affaires étrangères, deux secteurs qui sont selon la constitution de son ressort. Mais le trio partite formant la majorité parlement en l’occurrence Ennahdha, Kalb Tounes et Itilef  Elkarama réussirent à ranger Mechichi  de leur coté en lui promettant de lui servir de coussin au parlement. Tout laisse penser que le Premier ministre semble avoir donné une suite favorable à leur souhait ce qui n’est passé sans avoir un tantinet soit peu attisé la colère du Président. Bien sûr les relations entre les trois pouvoirs sont devenues tendues.
La gestion des affaires du pays dans un tel état de choses ne va pas être simple. Outre la situation économique catastrophique qui ne cesse de se détériorer davantage de jour en jour dans tous les coins du  pays, la Tunisie  fut dangereusement frappée par la pandémie du Covid -19 à l’instar de la quasi-totalité des pays du monde.

La fermeture des vannes

Face à la misère qui ne cesse de se répandre dans tout le pays des voix s’élèvent  partout dans le pays. Toutes les régions réclament emploi et croissance. On a trop attendu. Répondre sur le champ à toutes les réclamations et satisfaire  toutes les revendications  de toutes régions  relève de la magie. Et aucun gouvernement n’est  en mesure  de résoudre un tas de problèmes en un clin d’œil. Après avoir attendu plusieurs années sans  rien voir venir on est alors  passé à l’action surtout dans les régions où se trouvent les quelques gisements miniers de pétrole et de phosphates. Appauvris et démunis de tout moyen de subsistance  les habitants de ces régions se sont révoltés réclamant leur part  des revenus provenant de ces ressources.  Aucun des différends  gouvernements successifs n’a pu répondre un tant soit peu aux revendications tout en ne cessant pas de réitérer que les revendications étaient légitimes. D’emblé  le  Président du parlement a commis une erreur monumentale en déclarant solennellement charité bien ordonnée commence par soi même. Ne sachant pas sur quel pied danser le président  gouvernement fut obligé à conclure avec quelques régions des accords impossibles à appliquer à l’instar de celui signé en 2017 avec Tataouine. Furieux les habitants de  cette région recourent à la violence dès l’avènement du gouvernement de Mechichi en fermant la  vanne du puis de pétrole se trouvant dans leur région
 Craignant les conséquences désastreuses  de ce geste naturellement condamnable le gouvernement dépêcha une importante délégation pour entamer un dialogue avec les sit inneurs et essayer  de trouver une quelconque solution au problème du chômage des citoyens de céans et de, proposer un plan de croissance de la région. Au terme de six semaines de débats durs et intensifs les deux parties sont arrivées à conclure un accord susceptible quoique difficilement d’être mis en application. De crainte de voir l’exemple de Tataouin faire tâche d’huile le Premier ministre allait commettre une grosse bévue en citant certaines régions avec lesquelles le gouvernement comptait entamer des négociations en vue de trouver des solutions à leurs problèmes. Suivant l’exemple de Tataouin d’autres régions passèrent dare dare à la révolte réclamant d’être traitées sur un pied d’égalité avec Tataouine. D'autres  vannes furent fermées et des routes  furent coupées dans d’autres régions. Les conséquences désastreuses  de ces agissements irresponsables rendirent la vie intenable dans certaines régions à l’instar de la région de Sfax qui fait actuellement face à une grave pénurie de gaz et de carburants et est menacée de se trouver démunie d’eau puisque les habitants de Sbeitla menacent eux aussi de fermer leur vanne d’eau.

La déflagration fait malheureusement rage, et le sentiment d’irresponsabilité se répand de plus en plus dans le pays ; le chaos n’est pas loin et nous risquerons de tomber dans la loi de la jungle. Et à moins d’un sursaut général et d’un débat national rassemblant toutes les bonnes  parties  concernées par l’avenir du pays des jours sombres nous guettent et comme on le dit le plafond tombera sur nous tous. A bon entendeur salut.

Abdelkader Maalej