News - 20.11.2020

En Tunisie, la compensation et le système d’autorisation sont les mères nourricières de la contrebande

En Tunisie : La compensation et le système d’autorisation sont les mères nourricières de la contrebande

D’un simple mécanisme provisoire de régulation des prix, la compensation est devenue un véritable gouffre financier

Par Abderrazek Maalej - Compte tenu d’un déficit de 1,7 milliard de certaines entreprises publiques(1), la compensation atteindra un chiffre record dans le budget rectificatif 2020, de 6,186 milliards, soit environ 12% du budget de l’Etat tunisien et 5.5% du PIB.

Jamais la contrebande n’a été aussi florissante. Les contrebandiers profitent de la manne, et commercialisent les produits subventionnés au prix réel du marché dans les pays voisins, nos céréales et dérivées, importés en devise, arrivent même aux confins du Tchad et du Niger.

À ce rythme de prodigalité de l’État, nous risquons, dans un avenir proche de nourrir toute l’Afrique au frais du pauvre contribuable tunisien.

Un système d’autorisation de vente de tabac et de produits alcoolisés, néfaste pour l’économie organisée

Le système d’autorisation, censé réguler la distribution et sa traçabilité du producteur jusqu’au petit détaillant, est devenu source de corruption et de malversations fiscales.

Partout en Tunisie, les bénéficiaires d’autorisation d’approvisionnement de tabac, au lieu de vendre leurs quotas dans leurs propres débits, s’acquittent de leurs quotas dans des circuits illicites au détriment du marché organisé.

Le déficit de l’offre nationale de tabac est comblé par la contrebande venue des pays voisins notamment la Libye et l’Algérie.

Hier encore, à la une d’un journal télévisé, on présentait comme une prouesse de la garde nationale, la saisie d’un camion transportant des milliers de canettes de bière destinées à la contrebande, alors que le marché de la vente illicite des produits alcoolisés prospère partout en Tunisie.

Depuis des décennies, des centaines de points de vente clandestins partout en Tunisie avec leurs barons, transporteurs passeurs,courtiers, grossistes, petits détaillants, exercent au vu et au su de tous.

Il est évident qu’en Tunisie, l’économie parallèle est nourrie par l’État, sa législation « bâtarde » d’attribution des autorisations, et son système de subvention généreux et alléchant qui est unique au monde.

Conséquences économiques et sociales désastreuses

Avec le concours de l’État, l’économie informelle prend une place de plus en plus prépondérante.

Selon les statistiques de la Banque Centrale, la masse monétaire a triplé en Tunisie sous l’effet du cash considérable circulant dans le marché parallèle.

S’il est difficile de déterminer et de cerner la perte fiscale du Trésor, il est clair que la contrebande réalise des marges juteuses vu la modicité des prix des produits subventionnés.Le manque à gagner de l’État se chiffre certainement en milliards.

Selon les données de l’Institut National des Statistiques « INS », en quelques années,le taux d’extrême pauvreté en Tunisie est passé de 15%à 18%,traduisant ainsi un pouvoir d’achat en chute libre.

Sans vision, les gouvernements successifs n’ont pas eu le courage et l’audace d’affronter des problèmes économiques pourtant évidents

Au lieu de tarir la source de la contrebande, le gouvernement opte pour une stratégie d’intégration du marché parallèle par des projets d’amnistie fiscale certainement voués à l’échec ; comme ce fut le cas du dernier projet de loi relatif à l’économie parallèle et la lutte contre l’évasion fiscale.

Alors que préalablement, l’État doit éradiquer la concurrence déloyale, libérer le marché et se dégager de toute activité commerciale en arrêtant sa mainmise et ses monopoles sur des segments importants du commerce.

Des réformes audacieuses mais simples à appliquer, ils ne peuvent être que salutaires pour le financement du budget agonisant de l’Etat de 2021

Depuis des années, plusieurs économistes et essayistes appellent à réformer le mécanisme de compensation actuel par un simple changement du soutien des prix, au soutien des revenus.

Une chance se présente pour accélérer cette réforme ,  avec La pandémie de la Covid-19, qui a permis la digitalisation et l’identification de la classe nécessiteuse,étape fondamentale pour l’introduction de l’identifiant unique et de la carte à puce par ménage.

Abandonner ce système d’autorisation dépassé, par un simple cahier des charges.

Et pourquoi pas : réserver cette réforme Dans une première étape à ces milliers de clandestins victimes eux-mêmes d’un système anarchique.

A l’évidence nous avons un problème de pilotage en Tunisie, Sans réformes audacieuses point de salut.

Abderrazek Maalej
Expert comptable indépendant

(1) Disposition annulée suivant la loi de finances rectificative votée : comme si l’Etat veux nier ses dettes