News - 08.11.2020

L’élection de Joe Biden : à quoi le monde doit-il s'attendre ?

L’élection de Joe Biden

Par Mokhtar el khlifi - D’emblée on me dira où réside notre intérêt à suivre l’élection américaine alors que la situation que nous vivons devrait davantage me préoccuper ?

Ma réponse est simple. Les Etats unis sont pour moi un pays ami, n’en déplaise à certains.

C’est grâce à l’intervention américaine que Bourguiba a échappé à la guillotine en 1939. On venait de terminer son procès et le juge De Guerin de Cayla a scellé son sort. Il voulait à tout prix sa peau.

C’est aussi le premier pays qui a reconnu notre indépendance et nous a soutenus. Je me rappelle du lait et du fromage de l’USAID  distribué à l’école.

Aujourd’hui, l’aide américaine en matière de défense est indiscutable et c’est grâce à eux et à l’Allemagne, notre autre ami, que nous avons pu mettre en place une barrière pour sécuriser notre frontière de près de  cinq cents kilomètres avec la Libye.

C’est aussi parce que ces élections se déroulent dans un pays démocratique et que son expérience pourrait nous être utile.

Ne perdons pas de vue qu’avec la doctrine « América first » et le retrait américain, parfois précipité, un certain vide dans le monde a été créé et les apprentis sorciers en profitent pour dicter leurs lois rétrogrades. La Turquie est un exemple  rien que pour avoir amener à nos frontières une horde de terroristes.

L’OTAN sans les USA ne peut assurer la sécurité de l’Europe encore moins préserver certains équilibres, parfois fragiles en Afrique surtout face à la progression du terrorisme qui s’est développé comme les métastases d’un cancer.

Sur le plan économique les USA ne garantissent plus nos emprunts sur le marché financier international et leur aide économique est dérisoire alors qu’ils peuvent faire mieux.

Ce qui a retenu le plus mon attention, c’est le nombre élevé des électeurs inscrits (170 millions), le taux de participation élevé à ces élections ( 67%) et le nombre de voix obtenues aussi bien par Trump que par Joe Biden  (respectivement 60 et 74 millions ).Il faut reconnaitre que Mr Trump a fait une bonne élection au niveau des résultats.

A voir la foule immense des jeunes américains, le masque au visage, et qui a voté pour lui, on ne peut que souhaiter que nos jeunes participent également à la vie politique lorsqu’ils sentent également que leur pays en le plus grand besoin pour faire les bons choix et redresser à temps la barre.

On ne peut omettre de relever la participation importante de la population noire qui a souffert de nombres d’injustices et de racisme et a perdu pour des futilités plus d’un des leurs.

En apprenant sur Fox News la victoire de Biden, l’ancien conseiller de Bark Obama ,Van Jones,  ému, un homme de couleur, a fondu en larmes. C’est l’expression d’un soulagement manifeste et que la marmite bouillonnait et était sur le point de faire sauter le couvercle.  

Mr Biden conscient de ces problèmes sociaux a eu l’intelligence de choisir une vice présidente, une femme de couleur de 56 ans ancienne procureure, plus à « gauche » que lui, Madame Harris Kamala.

C’est un exemple à suivre chez nous où la misogynie est à son fait. Répondant au téléphone à Biden, Harris lui a crié, éclatante de joie, « we did it ».  
La pauvreté de certaines couches sociales sans couverture sociale après l’abrogation de l’Obama care et la jeunesse urbaine constituée des deux sexes a largement contribué à son succès.

L’autre fait tient à la personnalité même de Joe Biden qui n’a pas laissé tombé son parti en dépit de la perte de son épouse et de sa fille dans un accident de voiture, accident suivi de la perte de son fils Bob suite à un cancer du cerveau et, nonobstant sa pénible situation, il a accepté de se présenter aux élections et ce malgré son âge avancé. Il  a frôle comme moi les 78 ans. Harris lui succédera sans doute.

Contrairement à son adversaire qu’il ne considère pas comme son ennemi, il a refusé d’en dire du mal et a toujours tenu  dans ses interventions à l’union de tous les américains. Sera-t-il enfin entendu ? son adversaire téléphonera-t-il enfin comme le veut la pratique pour reconnaitre sa défaite où préféra-t-il poursuivre son combat d’arrière garde devant la justice ?

Ce sens de l’Etat et de l’intérêt national est remarquable vu que la société américaine est profondément fracturée et il va falloir recoller patiemment les morceaux.

Le Président français, la chancelière allemande, les dirigeants de l’Union européenne et le voisin canadien, ont été les premiers à le féliciter sans oublier son ami et son soutien énergique et puissant, Barak Obama, qui a été vivement applaudi lorsque Mr Biden a cité son nom,
Côté arabe, jusqu’à hier, mis a part Sissi et Aoun, c’est le silence. On étudie la direction du vent. Quant au silence d’Israël c’est compréhensible quoique les démocrates ont été presque toujours de leur coté mais en ménageant la chèvre et le choux.

Sous Biden les pendules devraient être remises à l’heure de la solution des deux Etats viables.

Du côté du Président sortant, sans oublier ses attitudes empreintes d’orgueil, d’égoisme  et de trop d’assurance, je n’ai pu avaler son attitude à l’égard d’un journaliste de CNN qui lui a posé une question  sans doute gênante. Il s’est mis en colère et l’a traité publiquement d’impoli .Il lui a dit qu’il ne devait pas faire partie des journalistes de CNN et lui a intimé l’ordre de poser son micro. Il n’a jamais aimé les médias qui le lui ont bien rendu. D’ailleurs, Ils ont choisi le bon moment pour proposer Mr Biden vainqueur des élections selon la pratique jusque -là suivie en attendant la réunion des grands électeurs en décembre et la confirmation du Congrès en janvier.

Le citoyen américain ne pourra oublier que Mr Trump n’a pas pu ou voulu reconnaitre sa défaite et a préféré recourir aux tribunaux. C’est son droit mais ce n’est pas élégant et surtout cela ne fait qu’accroitre la fracture sociale.

Que fera Biden pour son pays et ses partenaires ?

S’atteler à maitriser la pandémie de covid-19 qui  décime le pays.130000 cas par jour et 240000 décès, hier. Une cellule de crise va être mise en place où les scientifiques seront présents et un plan sera présenté en janvier 2021.Le système de santé sera revu car des individus meurent faute de soins et donc de couverture sociale.

Il luttera contre le racisme et les disparités sociales et essaiera de remettre l’économie sur la voie de la croissance comme l’a fait Obama, et Trump avant la  pandémie. Il réintégrera l’accord de Paris  sur le climat et conservera son appui à l’OTAN et à l’OMS.
Souhaitons-lui plein succès et que  l’aggravation de la fracture sociale soit évitée .Souhaitons que le Senat où il n’a pas la majorité ne lui mette pas les bâtons dans les roues.

Quant à la Tunisie à quoi doit-elle s’attendre ?

Cela dépend de notre volonté de sortir de la crise en comptant d’abord sur nous-mêmes. Il faut que nous manifestions notre volonté réelle de  renforcer notre démocratie  balbutiante et  de veiller à ce que nos institutions soient républicaines et pérennes. Il faut aussi  que nous mettions le cap sur une bonne gouvernance et combattions le terrorisme, devenu la  bête noire de tous les pays. Nous sommes devenus des exportateurs de terrorisme !

Avec la satisfaction de ces préalables, n’oublions pas que les USA ont toujours été un pays ami et qu’ils nous aiderons massivement. 

Je formule l’espoir que de part de votre longue expérience politique, le choix à vos cotés d’une dame de couleur compétente et le ravage fait par un virus qui a ignoré les frontières et les puissances, vous comprendriez, Mr Biden, que le monde est un village où chacun a le droit de vivre en paix et dans la prospérité, loin des idéologies religieuses sources de terrorisme et dans un monde où le capitalisme sauvage dominé par les puissances de l’argent et du profit  ne dictera plus ses lois.

Je souhaite que vous pèseriez de tout votre poids moral et économique pour imprimer cette orientation à tous les pays du monde et apporteriez votre appui au développement de l’éducation, de la science et de la croissance dans un monde où la faim  la maladie et les luttes intestines et l’insécurité prédominent actuellement.

Substitueriez-vous  au slogan « America first » un autre slogan de vérité, moins égoïste et plus humain,  applicable  à tout les pays du monde ?
J’ose l’espérer.

Bon vent monsieur le Président et longue vie.

Mokhtar el khlifi