News - 08.11.2020

"Trump ressemble tant à Israël : dommage qu’il parte!"

Trump ressemble tant à Israël : dommage qu’il parte!

Par Gideon Levy et Traduit de l’anglais par Mohamed Larbi Bouguerra - Vendredi, dans la banlieue de Tel-Aviv, à Ramat Aviv Gimel, où l'on pouvait se procurer l'édition du week-end d'Israel Hayom*, des résidents fortunés ont discuté de la probable défaite de Trump. "Nous sommes foutus" a déclaré tristement un homme ; ses compagnons ont acquiescé de la tête. C'est un jour sombre pour Israël : Donald Trump a perdu les élections.

Un jour sombre pour Israël

Aucun autre pays au monde, à l'exception peut-être des Philippines ou du Nebraska, n'a été aussi attristé par sa chute. Un sondage du groupe de réflexion israélien Mitvim a révélé que 70 % des Israéliens soutiennent Donald Trump. Un sondage du Pew Research Center, basé à Washington, a fait des constatations similaires. Alors que 75 % des Européens de l'Ouest en ont assez du président américain, en Israël, une grande majorité - y compris les centristes et certains gauchistes - l'admire.

On peut bien sûr affirmer que ce soutien est une façon de remercier pour le déplacement de l'ambassade américaine à Jérusalem, la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan et le retrait de l'accord nucléaire iranien. Mais ces événements ont suscité peu d'enthousiasme en Israël. Personne n'a sauté de joie pour célébrer la reconnaissance de Majdal Shams** comme ville israélienne, et seules quelques personnes ont été émues par le changement d'adresse de l'ambassadeur David Friedman maintenant à Jérusalem.

L'explication de la popularité croissante de Trump en Israël est beaucoup plus profonde ; ses racines sont beaucoup plus inquiétantes.
Israël admire Trump non pas en dépit de ses nombreux défauts répugnants, mais à cause d'eux. Trump est l'incarnation de tout ce qui est mauvais et laid à propos d'Israël. Il normalise et il  blanchit pour nous tous ces défauts. Regardez-le et vous nous y verrez. C'est ce que nous sommes, ou ce que nous aimerions être. La plupart d'entre nous, Israéliens, en tout cas.

Trump est l'incarnation d'Israël l'ingrat, le laid ; il pourrait facilement être élu premier ministre en Israël. La vulgarité, la grossièreté, la belligérance, l'ignorance, la manigance et le mensonge ; le mépris des faibles, de la loi, de la justice, des médias, de la science et de l'environnement - tout cela nous va comme un gant, à nous, les Israéliens.

Qui ne voudrait pas d'un premier ministre condescendant envers tout le monde, quelqu'un qui sait toujours ce qu'il y a de mieux, qui rendra à nouveau Israël grand ….[sur le modèle de « Make America Great again » de Trump]? Qui ne voudrait pas d'un Premier ministre qui n'est le dindon de la farce de personne, à ce qu’il paraît, qui a fait sa fortune par la ruse et la malice, comme nous l'aimons ?

Qui ne voudrait pas d'un Premier ministre qui se moque du politiquement correct et qui fera revenir le bon vieux temps du chauvinisme masculin sans l'entraver par le féminisme*** ; qui ne nous ennuiera pas avec toutes ces menaces contre la planète et la nature, qui fera également revenir le racisme ?

Qui ne voudrait pas d'un vrai homme comme lui ? Qui n'aimerait pas quelqu'un qui méprise les institutions internationales, les groupes de défense des droits de l'homme et le droit international, qui viole les accords signés et se moque de l'Europe arrogante et de ses valeurs libérales universelles, comme dans les rêves secrets de nombreux Israéliens ? Même Benjamin Netanyahu, qui ressemble tant  à Trump, ne peut pas atteindre ce niveau de réalisation de nos rêves.

Prenez l’automobiliste israélien typique. N’est-il pas Trump ? La route israélienne n'est-elle pas comme Trump ? Coupez la route à quelqu'un, klaxonnez, maudissez, enfreignez la loi, garez-vous n'importe où, ne pensez à personne d'autre qu’à vous, vous êtes le plus grand, le plus fort et le plus rapide ; regardez-moi. [Pour ne rien dire des routes interdites aux Palestiniens et exclusivement réservées aux seuls Israéliens !]

Les palestiniens humilies par Trump : le rêve !

Prenez la politique israélienne, surtout les politiciens de droite. Ce n'est pas un atout ? Ne voudraient-ils pas être comme lui ?
Combinez Avigdor Lieberman, Miri Regev, Osnat Mark, Miki Zohar et David Amsalem et vous obtenez Trump en hébreu. Combinez leur intimidation, leur ignorance, leur populisme, leur superficialité, leur populisme et leur vulgarité et vous obtenez l'atout politique israélien.

En guise de rappel, ajoutez la façon dont Trump a humilié les Palestiniens, ignoré leur existence même. Leurs droits ne signifient rien pour lui, tout comme ils ne signifient rien pour la plupart des Israéliens, simplement parce qu'ils sont faibles. C'est un rêve.

C'est un rêve israélien d'arrêter l'aide aux faibles et de la donner aux forts, comme Trump l'a fait - de l'agence pour les réfugiés de l'UNRWA à l'armée israélienne, des réfugiés à la force qui les a expulsés. Et c'est un rêve israélien d'expulser les demandeurs d'asile, comme l'a fait Trump, de séparer des centaines d'enfants de leurs parents et de laisser des dizaines de milliers d'adultes transis de peur et effrayés.

C'est la justice à la Trump, et c'est la justice israélienne. C'est pour cela que nous l'avons tant aimé. C'est pourquoi il est tellement dommage qu'il parte.

Haaretz, 8 novembre 2020 ; les titres sont du traducteur.

Traduit de l’anglais par Mohamed Larbi Bouguerra

* Journal gratuit pro-Netanyahou, propriété du milliardaire américain des casinos, ami de Trump : Sheldon Adelson, l’homme derrière la décision sur Jérusalem, capitale d’Israël.
** Capitale des hauteurs du Golan habitée essentiellement par les druzes.
*** Les juifs ultra-orthodoxes,  qui ont manifesté à New York en faveur de  Trump et contre les mesures barrières disent,  chaque matin, au saut du lit, « Merci mon dieu de ne m’avoir pas fait femme ».