News - 12.10.2020

Lettre ouverte au Chef du Gouvernement: Sauvez notre Tunisie du plastique qui l’étouffe!

Lettre ouverte au Chef du Gouvernement: Sauvez notre Tunisie du plastique qui l’étouffe!

Monsieur le Chef du Gouvernement

Je m’adresse à vous au nom d’un Collectif qui compte plus de 80 associations œuvrant en faveur de la promotion et de la protection des droits à l’environnement et à la santé, du droit des enfants, des droits  à la justice sociale, du droit de la biodiversité marine et terrestre et j’en passe.

Je m’adresse à vous également en tant que juriste et universitaire enseignant dans les universités tunisiennes et dispensant des cours de droit de l’environnement et de droit du développement durable depuis une vingtaine d’années.

Je m’adresse à vous, enfin, en tant que citoyenne tunisienne bénéficiant au même titre que mes concitoyens des droits et libertés consacrés par la Constitution et à la protection desquels l’État et ses institutions sont chargés de veiller.

Tous…… contre un !

Monsieur le Chef de Gouvernement,

Vous vous demandez peut-être pourquoi 80 associations agissant dans plusieurs secteurs se regroupent pour demander le retrait d’un même arrêté, en l’occurrence  celui du ministre de l'Industrie et des Petites et Moyennes Entreprises et du ministre du Commerce du 5 août 2020, modifiant et complétant l'arrêté du ministre de l'Industrie et du Commerce du 19 janvier 2017, relatif aux conditions de vérification de la qualité des livraisons, de l'emballage et du marquage du ciment, permettant l’emballage du ciment dans des sacs en plastique.

Comment pouvons-nous rester spectateurs et inactifs alors que cet arrêté nous a spontanément rassemblés en dépit de notre diversité car il met à mal les objectifs que nous poursuivons et les nobles causes que nous défendons depuis des années ?

Comment pouvons-nous ne pas nous soulever et nous indigner contre cet arrêté alors que le décret-loi n°2011-88 relatif aux associations nous permet d’après son article 5 de « évaluer le rôle des institutions de l’Etat et de formuler des propositions en vue d’améliorer leur rendement » et même d’agir en justice pour défendre l’objet pour lequel nous avons été créés ?

Comment pouvons-nous rester insensibles à l’appel au droit à un environnement sain et au droit à la durabilité du développement que nous promet la Constitution des droits et des libertés ?

Comment se taire, alors que notre verte Tunisie étouffe de plus en plus sous le poids d’un plastique que le système actuel de récupération peine déjà à collecter et à recycler et en l’absence de toute étude préalable d’impact sur l’avenir des centaines de millions de sacs en plastique que nous retrouverons sur nos plages, dans nos sols, devant nos yeux et même dans nos assiettes ? 

Un arrêté……. contre tout !

Monsieur le Chef du Gouvernement

L’arrêté dont nous demandons ici le retrait, viole tous les droits constitutionnellement consacrés et protégés par le principe de non régression et par le juge.

L’arrêté attaqué enfreint tous les engagements internationaux pris par la Tunisie depuis le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992 et même avant. Notre pays n’a-t ’il pas ratifié les conventions internationales environnementales relatives à la protection de la mer Méditerranée (Convention de Barcelone, MARPOL), à la protection de la biodiversité (Convention de la Diversité Biologique), à la préservation  des droits des générations futurs, au principe de prévention des risques certains, à la précaution contre les risques mêmes incertains et au développement durable, comme en attestent récemment ses engagements en faveur des 17 Objectifs de développement durable (ODD - 2015-2030) ?

L’arrêté attaqué va à l’encontre du droit de l’environnement, qui s’est progressivement construit par petits bouts des années durant, consolidant de plus en plus l’existence d’un ordre public écologique opposable à l’État et à ses différentes institutions tant centrales que décentralisées et opposable même au juge.

De quels objectifs constitutionnels et internationaux mais aussi législatifs parlons nous, alors qu’un simple arrêté vient battre en brèche l’ensemble de cet édifice qui lui est pourtant supérieur ?

M. le Chef de Gouvernement,

Le Collectif d’associations, dont le seul objectif est la protection du droit des générations présentes et futures de vivre dans ce pays dans le cadre d’un environnement sain et équilibré permettant la  concrétisation d’un développement durable, vient par cette lettre vous demander, en tant que Chef hiérarchique des ministres ayant édicté l’arrêté précité de revenir sur ce texte manifestement contraire à l’esprit et à la lettre de la Constitution et d’inciter les ministres concernés à prendre le temps raisonnable et nécessaire pour étudier ses impacts sur l’environnement et la santé ainsi que de peser son bilan « coût/avantages » à l’aune de l’objectif constitutionnel de protection de l’environnement dans le cadre du développement durable.

M. le Chef de Gouvernement,

Je vous prie de bien vouloir agréer mes sentiments les plus distingués

Pour le collectif d’associations
Afef Hammami- Marrakchi