News - 06.10.2020

Monia Kallel - violences contre les femmes : tirons la sonnette d'alarme

Monia Kallel: Violences  violences

Par Monia Kallel - "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devez rester vigilants votre vie durant" (S. De Beauvoir)

L'ATFD a été "poussée à défendre" Abir Moussi, note un journaliste. Et pour cause, la violence faite aux femmes s'aggrave et se propage à une vitesse vertigineuse. Elle touche toutes les catégories (sociales et professionnelles) prend toutes les formes, (verbales,  gestuelles) et vise directement, crument le corps de la femme. Ce corps qui, en investissant l'espace politique, (chasse gardée des hommes pendant des lustres) devient le signe et le lieu de la guerre cruelle du pouvoir.

Guerre du pouvoir et guerre des désirs, l'une s'alimentant de l'autre.

La semaine dernière on a assisté à deux agressions accomplies dans des espaces, un contexte et des formes de parole différents.

Les posts qui ont visé Bochra Bel Hadj Hmida sont des textes écrits, construits (à tête et nerfs reposés) et donc des actes de paroles en bonne et due forme (des actions pas des réactions), actes qui dépassent la personne de l'agressée avec laquelle, d'ailleurs,  ni le "député" de la honte (le prénomme Tibini), ni le porteur du  pseudonyme (Ben Ali) ne semblent avoir de liens directs ou des problèmes particuliers. En ce qui concerne le contenu de ces posts haut en couleurs, et publiés au lendemain du viol et de l'assassinat de Rahma, il ne faut pas être un analyste du discours pour voir qu'il s'agit explicitement et littéralement d'une Incitation à la prédation et une légitimation du viol, le geste lui-même et la cible à viser (femme  jeune, fraîche dont le physique stimule le désir). L'opinion publique a focalisé sur la mort de la jeune Rahma, revendiqué la réactivation la vieille loi du talion, et oublié (ou presque) le viol, ce meurtre d'avant le meurtre, auquel, paradoxalement, s'est  intéressé le député de la honte.

L'agression de AM n'est "ni tout à fait la même ni tout à fait une autre". Les deux députés se connaissent, se côtoient, ont déjà eu des prises de becs au sein du parlement auxquelles le grand public a eu droit de retransmission (par caméras ou téléphones privés); chacun y accuse l'autre de provocation,  violence, sabotage, irrespect du lieu...

Mais cette fois, un pas supplémentaire a été franchi. Après la "crise d'hystérie", maladie liée dans l'imaginaire collectif à la femme, l'homme étant le maître du monde et de son corps,  le dénommé Makhlouf va écrire un post, fb, où il explique et commente son geste. "Parle pour que je puisse te voir" disait Socrate. En effet, on voit très bien le style de cet "avocat" se gargarisant de lieux communs, idées reçues et images d'un autre âge. AM  qui se drogue, qui a des capacités mentales réduites, et un comportement contraire à  la "Nature" féminine,  est "une folle", note-il. Quoi de plus facile que de tirer ces petits attributs du réservoir à clichés (femmes folles, sorcières, jeteuses de sort)!!!  Et quoi de plus primaire que de projeter sur l'Autre le mal qui le ronge!

Plus que la rancœur et l'hystérie d'un l'homme (hystérie confirmée dans son passage sur la chaîne 9), les quelques lignes destinées à ses "fans" révèlent une idéologie et un projet politique. Sa collègue-ennemie, contraste avec la créature de ses rêves, discrète, douce, timide, "متحشمة" plus exactement".

Voilà qui est clair; horreur de la femme s'occupant d'affaires publiques (AM, Samia Abbou, BBH  et les autres)  nostalgie du passé (au sens premier de retour et douleur) et révolte ininterrompue,  doublée de haine, contre la modernité, principes, ses valeurs, et tous ceux qui les portent. On comprend ses diatribes contre l'Occident, son fiel contre l'Ambassadeur de la France, et sa rancœur contre Bourguiba, le fondateur de l'école de la république où il a été formé et où il a acquis un diplôme de fin d'études en "sciences juridiques". Comment? Quel parcours a-t-il suivi pour se transformer en défenseur de l'école de Regueb ? Où et quand s'est serrée ce "nœud gardien" contre la femme, caractéristique de l'idéologie islamiste, selon la sociologue Fatima Mernissi.

Ce qui s'est passé la semaine dernière en Tunisie démocratique ne se range pas dans la catégorie des faits divers ni des querelles passagères entre acteurs politiques. Il s'agit d'un mal-être profond, un "malaise dans la civilisation" (a titré Freud) où interfèrent le psychique, le politique, le social, et le culturel. Malaise å deux visages: Avec le député hystérique c'est un modèle sociétal qui est compromis.

Les posts du député de la honte et du mystérieux " Ben Ali" menacent l'intégrité physique de la femme et la vie de nos enfants.

Tirons la sonnette d'alarme! Essayons de faire face au danger loin des divisions,  partis pris et guerres de chapelles qui facilitent la tâche aux adversaires de la modernité : pseudo-révolutionnaires et faux démocrates.

Monia Kallel