News - 05.10.2020

L’enseignement à distance en Tunisie en 5 points !

Tout sur l’enseignement à distance en Tunisie en 5 points !

Par Lotfi Taleb et Habiba Nasraoui Ben Mrad

I. Introduction et cadre méthodologique

La dernière crise du Covid-19 auraitamené le Ministère de l’Enseignement Supérieur (MES) à opter pour l’enseignement à distance (EAD) comme une alternative à l’enseignement présentiel, sauf que cette décision ne trouve pas l'unanimité et les avis restent très  partagés. Ceux qui soutiennent l'idée voient plutôt, que c'est une occasion d’introduire ce mode d’enseignement qui utilise les nouvelles technologies en matière de communication et de partage des informations.Alors que ceux qui s'y opposent, le considèrent comme un outil inégalitaire et qui ne respecte pas le principe de l'égalité des chances.

La présente enquête a comme objectif de recenser des avis, des enseignants, étudiants, parents et administration  à propos de cette dernière décision du passage à l'EAD comme une alternative à l’enseignement présentiel en cette période de crise du Covid-19. 

Notre méthodologie employée dans le cadre de la présente étudepermettra de répondre à un double objectif, à la fois institutionnel par l’évaluation des dispositifs en vue de les améliorer, et scientifique  en répondant à quelques questions de recherche  sur l’EAD, que nous nous sommes fixées.Cette méthodologie repose à la fois sur une analyse quantitative de données recueillies via un questionnaire envoyé par mails, Messenger, et sur les groupes de Facebook destinés exclusivement à la vie estudiantine et la recherche scientifique en Tunisie. Préparés à leurs intentions, ils comprenaient une série de questions fermées à choix simple et multiple, ainsi que des questions ouvertes lorsque cela s’avérait nécessaire. Le questionnaire est conçu par Google Forms.

Concrètement, notre échantillon est constitué, en majorité par des enseignants et des étudiants impliqués d’une manière ou d’une autre dans l’EAD. De l’étape d’élaboration du questionnaire à celle du traitement des données, nous avons eu principalement recours aux résultats fournis directement par Google Forms . Le questionnaire a été élaboré à partir des questions que nous nous posions et des hypothèses de recherche que nous souhaitions vérifier.

Plusieurs questions ont été proposées (voir questionnaire) , en particulier : Quels usages des plates-formes en ont-ils réellement fait ? Quels supports de cours ont-ils utilisés (interactifs et médiatisés, ou traditionnel, en PDF ou même sur papier). Quel regard ont-ils porté sur leurs pratiques pédagogiques liées à l’EAD ? et si ces pratiques ont eu une incidence sur leur travail ou sur celui des étudiants ? Comment perçoivent-ils les évolutions liées à une volonté de rénovation et de rationalisation de l’EAD en Tunisie ? Quelles sont les représentations qu’ils ont aujourd’hui ? Quel avenir de l’EAD prévoient-ils ? Comment perçoivent-ils, une éventuelle décision du MES de recourir à l’EAD, au cours de cette période, désormais dictée par la pandémie du Covid-19, comme une solution alternative à l’enseignement présentiel ?

II. L’EAD un outil ambitieux mais…

1) L’EAD et qualité d’enseignement

Par cette question, on essayait de voir la perception de l’outil EAD de point de vue amélioration de la qualité de l’enseignement en Tunisie. Les réponses obtenues, nous amènent à conclure  qu’il y a un grand consensus que l’EAD peut apporter de la valeur ajoutée à l’enseignement. En effet sur les 41 interrogés qui ont répondu à cette question, presque la moitié (41.5%)  reconnaissent (favorables et très favorables) que l’EAD est de nature à améliorer leur manière d’enseigner.

2) EAD : Freins et obstacles

Les résultats obtenus des sondés montrent que le frein principal à l’utilisation des outils numériques par les enseignants et par les étudiants (67%)reste le manque de moyens et de supports adéquats. Sachant également qu’une majorité, soit 62%,  reste persuadée qu’il s’agit plutôt d’un support inégalitaire et qui ne permet pas de respecter le principe de l’égalité des chances. De plus, presque 36% des sondés, avouent ne pas connaitre une  quelconquecharte pour l’EAD en Tunisie.

3) EAD : Expérience durant l’année universitaire en cours

Quant à la possibilité d’une prolongation de l’expérience de l’utilisation de l’EAD, , la tendance est moyennement favorable et les avis restent très partagés. L’avis dominant (42.9%) considère le recours à L’EAD plutôt comme complément de l’enseignement présentiel et non pas comme substitut .

4) EAD et principe de l’égalité des chances

Les résultats montrent que la vision est bien claire au regard du principe de l’égalité des chances, une majorité soit  60% (entre favorable et très favorable) des personnes sondées, supposent que l’outil EAD ne respecte pas le principe de l’égalité des chances.Quant au caractère inégalitaire de l’EAD en ce moment, les réponses montrent que presque (44,6%) un interrogé sur deux  est persuadé que les étudiants retardataires seront certainement  lésés par rapport à ceux qui ont bénéficié de l’EAD. La perception trouvée dans les questions 17 et 18 du questionnaire, se trouve encore confirmée par les résultats obtenus dans une autre question, encore une fois les craintes que l’EAD ne prenne pas en considération les disparités sociales entre les étudiants persistent chez presque les deux tiers des personnes interrogées.

5) EAD et conditions de réussite de l’expérience

Selon les réponses obtenuesà cettequestion, il ressort que le handicap le plus important reste avant tout une volonté d’adaptation et une acceptation du changement qu’exige ce nouveau mode d’enseignement, suivi par le manque de formation de la part des enseignants, et aussi des étudiants.

III. Recommandations

1- La transition numérique de n’importe quelle institution universitaire, pour s’adapter aux nouvelles technologies et aux nouveaux outils, doit se faire et au plus vite. Les universités doivent aujourd’hui investir dans des outils numériques, dans les nouvelles techniques pédagogiques, et à assurer la formation des enseignants, développer leurs potentialités dans ce domaine. Un débat national impliquant toutes les universités, doit être engagé et au plus vite;

2- Le cadre réglementaire et juridique régissant l’EAD, doit être institué, l’EAD n’offre pas les garanties juridiques nécessaires du point de vue de la protection des données personnelles, de la sécurité des documents, des vidéos ….etc ;

3- Dans un élan  citoyen, les établissements universitaires, doivent créer (des cellules ou mécanismes) destinées, à la collecte des fonds au profit des étudiants qui sont dans l’impossibilité d’acquérir par eux-mêmes un ordinateur ;

4- Les usages numériques se sont avérés une alternative unique pendant la période de confinement. L’EAD a beaucoup gagné en acceptabilité, puisque du point de vue de sa substitution partielle, les taux ont progressé, et même totale les rejets et refus ont régressé ;

5- Malgré les progrès si rapidement constatés, des mises à niveau, et toutes formes de stages, formation continue, impliquant toutes les parties prenantes, doivent être programmées, tout au long de l’année,  devant leur permettre d’acquérir les compétences requises pour la maîtrise des  technologies numériques ;

6- Le dispositif mis en place par le biais de l’université virtuelle, à savoir l’UVT, semble confirmer, une orientation du gouvernement vers l’introduction de cet outil depuis des années. L’UVT a certes proposé toutes sortes d’outils, en mettant à la disposition de tous les enseignants, toutes les compétences acquises, par ses enseignants, pour leur assurer la formation nécessaire. L’évaluation du dispositif semble être une étape préalable nécessaire cruciale à la mise en marche de l’EAD;

7- Du point de vue de son aspect socio-économique, une attention particulière, est nécessaire, pour voler au secours des étudiants, par la création de ligues autour du slogan «  Un ordinateur pour chaque étudiant ». Pour ce faire, les fournisseurs de matériel informatique doivent être saisis, pour passer des conventions, d’exclusivité et donc pour accorder des prix de faveur ;

8- Des problèmes techniques logistiques, pédagogique sécuritaires ou d’ordre matériel restent à régler tels que les problèmes de connexion, qui rendent l’accès et l’interactivité difficiles, des problèmes matériels, voire géographique. Pour cette raison, le Ministère doit multiplier ses interventions auprès des opérateurs pour assurer la gratuité, ou du moins des prix préférentiels pour le milieu universitaire toujours dans le cadre de nouvelles conventions.

9- La transition vers l’EAD devrait être progressive et bien discutée avec tous les partenaires sociaux   afin de  préparer toutes les conditions de réussite. De plus,L’EAD devrait être plutôt considéré, en cette période d’essai, comme un complément de l’enseignement présentiel et non pas comme étant un  substitut.

IV. Conclusion

En guise de  conclusion l’EAD pourrait constituer, en toutes circonstances une véritable opportunité, pour l’enseignement,  pour la reprise d’études permettant de concilier études et vie professionnelle et/ou vie de famille. Il permet, notamment en cours de cette période, de réduire les difficultés liées aux déplacements des étudiants et des enseignants imposées par la pandémie du Covid-19.  Une éventuelle décision, du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de recourir à l’EAD , se heurte, certes à certaines contraintes, notamment, l’absence d’une infrastructure adéquate, à d’autres difficultés tant au niveau technique qu’au niveau règlementaire, encore non favorable pour sa vulgarisation ainsi que de sérieuses craintes que le tissu social actuel en Tunisie ne puisse permettre une utilisation généralisée de l’outil.

Lien pour le questionnaire

Lotfi Taleb et Habiba Nasraoui Ben Mrad