News - 31.08.2020

Kamel Chaabouni: Pour un revenu minimum universel pour les chômeurs et les plus démunis

Kamel Chaabouni: Pour un revenu minimum universel pour les chômeurs et les plus démunis

Kamel Chaabouni- En matière d'emploi, la Tunisie vie une situation paradoxale. Elle souffre d'un chômage résistant estimé par l'INS (Institut National de la Statistique) pour le deuxième trimestre 2020 à 746 400 personnes, soit un taux de 18,1%, voir 19,4 % si l'on comptabilise 74000 chômeurs non comptabilisés car se déclarant ne pas chercher du travail en raison de la pandémie du Coronavirus. Parmi les chômeurs tunisiens se trouve une mine d'or de 285 400 diplômés de l'enseignement supérieur soit un taux de 31,2%. Les statistiques de l'INS montrent que l'effectif de La population active en Tunisie atteint 4,151 millions avec un taux d'activité de 47 ,4% pour une population totale de 11,659.341 individus.

De quoi vivent les inactifs (environ 7,500 000) ? Des revenus de leurs parents, des maigres transferts sociaux, de leurs pensions de retraite, du commerce parallèle, de la récupération des déchets, de la mendicité ou de la prostitution pour certaines femmes. La majorité du peuple tunisien se débat avec une vie de plus en plus chère et difficile, une inflation (+ 5.7%) une croissance catastrophiquement négative (-21.6%) causée et accentuée par la pandémie du virus chinois (Covid-19).  La balance commerciale enregistre en juillet 2020 un déficit de -964,3 MD (chiffe INS) malgré le sacrifice consenti par les classes populaires que les différents gouvernement, depuis 1956, privent des meilleurs produits agricoles tunisiens.

La Tunisie n'est pas le pays des seuls riches et nantis, elle est aussi celui des pauvres et des laissés pour compte de la croissance économique. Des mesures de justice sociale et économique doivent être prise de manière urgente donr celle d'accorder un revenu minimum de 600 dinars par mois à chaque chômeur, homme ou femme,  âgé de plus de 25 ans ou plus. Cette pension réduite à 800 dinars pour un couple sans enfants,  sera augmentée de 100 dinars par enfant jusqu'à 25 ans.

Il s'agit d'un revenu minimum dont bénéficieraient les «oubliés» du système socio-économique, les chômeurs, les pauvres, les handicapés, les femmes seules avec une prime pour chaque enfant. C'est une somme modique, 20 dinars par jour ! De quoi survivre ! Quand on sait que certains métiers et professions (professions de la santé, pharmaciens, banquiers, commerçants, propriétaires de cafés et restaurants, et même « hammas ») ont des revenus qui dépassent des centaines de milliers de dinars. Si la Tunisie compte environ 700 mille chômeurs, il faudrait prévoir un budget annuel de (700,000 x 600 dinars x 12 mois )= 5040 millions de dinars.

Où trouver  l'enveloppe de 5040 millions de dinars à distribuer à titre de revenus minimum ?

1) La suppression de la Caisse de Compensation fera économiser à l’État 4350 millions de dinars

C'est la première mesure radicale à réaliser par le gouvernement. En 2019 le budget de la Caisse de Compensation était de 4,350 milliards. Seulement 12% de cette somme profitent aux classes moyennes et pauvres. Censée profiter à cette catégorie de citoyens, cette manne financière profite en fait aux riches, aux contrebandiers et aux touristes ! Les produits à base de semoule de blé et l'huile végétale sont revendus en Libye et en Algérie. Il s'agit-là d'une injustice scandaleuse ! Les riches consomment du pain à 190 millimes la baguette  Il est urgent que la Caisse de Compensation soit supprimée et son budget distribué en numéraires aux citoyens réellement pauvres sous forme de revenu minimum.

2) Taxer fortement la consommation du plastique servant à l'emballage

La consommation du plastique en Tunisie en 2020 a atteint 31 kilos par an et par habitant. 53,2% de la consommation de plastiques en Tunisie est représentée par l‘emballage.  Pour la (World Wildlife Fund / WWF) la Tunisie produit 250,000 tonnes de déchets en plastique, 20% de la totalité des déchets plastiques produits en Tunisie sont rejetés dans la Nature dont un milliard de sachets. Taxer le plastique de deux dinars par kilo, rapporterait à l’État 500 millions de dinars. Cela permettrait de surcroît de réduire la consommation effréné de cette matière polluante et permettrait de financer son recyclage.

3) Augmenter le prix du carburant servant aux voitures de tourisme d'un dinar au litre

La Tunisie compte deux millions de voitures de tourisme dont 60% appartiennent aux particuliers soit 1.200.000 véhiculent qui roulent avec du carburant compensé. Alors que les classes populaires souffrent le martyre dans les transports publics très mal organisés avec des bus délabrés, des métros vieillis et insuffisants et des taxis introuvables.
Sachant qu'une automobile parcourt en moyenne 20.000 km par an et consomme 7 litres d'essence au 100 km, augmenter le litre d'essence d'un dinar à partir du 1er janvier 2021 rapporterait à l’État ( 1,200,000 x 20000 x 7/100) = 1680 millions de dinars

4) Une taxe sur la location des voitures particulières

En levant l'interdiction faite aux particuliers de louer leurs propres véhicules à d'autres particuliers, le Trésor Public, pourrait engranger des milliards. Moyennant une redevance, une vignette de 100 dinars par mois tout propriétaire d'une voiture de tourisme pourrait la louer à titre privé à  une autre personne. (Sachant que la Tunisie compte deux millions de véhicules dont 60% sont des voitures particulières, et tablant sur le fait  que seule la moitié des propriétaires de ces véhicules mettraient en location leurs propres voitures, cela rapportera à l’État la coquette somme de 720 millions de dinars par an ( 60 millions x 12 mois).

5) La baguette de pain portée à 300 millimes :Les tunisiens achètent 9 milliards de baguette par an

Ils ne les consomment pas toutes. Rien qu'au mois de Ramadan il en jettent 900 mille à la poubelle. Ils le font en raison du prix très modique de la baguette, 190 millimes ! Portée à 500 millimes, la baguette sera moins achetée, peut-être autour de 7 milliards, moins consommée, et moins gaspillée. Cette augmentation, que le peuple accepterait, si les plus démunis disposaient d'un revenu minimum, rapporterait à l’État ( 7000.000.000 x 0,300 ) 2100 millions de dinars par an.

6) Augmenter le prix du sucre à 3 dinars

Une autre denrée alimentaire, que les Tunisiens consomment beaucoup et qu'ils ont un intérêt majeur à en diminuer la consommation, le sucre ! l'Institut national de la consommation (INC)  indique que  la population tunisienne consomme 36 kg de sucre par personne et par an alors que la moyenne mondiale est seulement de 23 kg/p/an ! 13 kg de sucre supplémentaire qui font la différence en matière de santé et, en particulier,  le diabète et l'obésité.  Les pâtissiers qui revendent leurs pâtisserie à 4 dinars la pièce, et quand il s'agit de pâtisserie traditionnelle tunisienne à 60 dinars le kilo. Les sociétés de fabrication de boissons sucrées sont les premiers profiteurs du prix modique du sucre à un dinar !Porter le prix du sucre à trois dinars le kilo, réduirait sa consommation et le ramènerait à la moyenne mondiale. Sans parler du bénéfice sur le plan de la santé des citoyens. Cela rapporterait à l’État, la coquette somme de ( 11.659.341 individu x 23 kilos de sucre x 2 dinars)  arrondie à 537 millions de dinars !

7) Augmenter les taxes sur le tabac

En 2019 la RNTA a produit 327 Millions de paquets de cigarettes. Augmenter le prix du paquet d'un dinar, toute marque confondue, rapporterait au Trésor Public 327 millions de dinars. Les fumeurs ne s'en plaindront pas, ils sont plutôt favorables, puisque cette mesure les pousseront à arrêter de fumer. Cette mesure  permettrait en outre de financer une couverture maladie universelle pour tous et de réduire fortement sa consommation.

En programmant les mesures fiscales, sociales et économiques dans le budget 2021, le prochain gouvernement possède les moyens financiers  d'octroyer un revenu minimum aux pauvres et aux chômeurs de notre pays, il pourra présenter un budget équilibré et juste vis à vis des classes les plus défavorisées de la Tunisie.

Nous avons calculé approximativement ci-dessus les fonds que l'Etat doit pouvoir chercher et trouver,  ils sont comme suit:

1) 4350 millions de dinars en supprimant la Caisse de Compensation

2) 500 millions de dinars à titre de taxe sur les emballages en plastique

3) 1680 millions de dinars en augmentant l'essence d'un dinar

4) 720 millions de dinars à titre de taxe sur la permission de louer sa voiture particulière à une tierce personne.

5) 2100 millions en portant le prix de la baguette à 300 millimes

6) 537 millions de dinars en augmentant le prix du sucre de 2 dinars

7) 327 millions de dinars, en augmentant le prix des cigarettes d'un dinar par paquet quelque soit la marque.

Certes la suppression de la Caisse de Compensation va relever automatiquement les prix de tous les produits subventionner, toutefois le tableau présenté et les augmentations proposées ne sont donnés qu' à titre indicatif et seront rectifiés le cas échéant. Quoiqu'il en soit, les fonds que l’État pourrait récolter et économiser pour financer un revenu minimum à 600 dinars soit 5042 milliards seraient largement atteints. Nos calculs donnerait la somme de dix mille deux cent quatorze millions de dinars (10214 milliards millimes). Une somme colossale qui servirait à financer largement le revenu minimum.  L'autre moitié des fonds pourrait être dévolu à la création d'une couverture maladie universelle ainsi qu'à la recherche scientifique.

Les sceptiques et les riches pourraient rétorquer que distribuer un revenu minimum pousserait les jeunes à ne plus chercher du travail. Des expériences menées en Inde prouvent le contraire. Le travail est une valeur sociale, on ne travaille pas pour gagner de l'argent mais aussi pour s'occuper et avoir un statut social. Dans ce cas le revenu minimum servira de complément au salaire. On pourrait aussi mettre des conditions aux personnes entre 25 et 60 ans pour bénéficier du revenu minimum, celle d'intégrer l'armée nationale, afin d'y être encadré et accepter d'entreprendre sous son égide, des travaux d'intérêt général, ou avoir une formation professionnelle. Quoi de plus noble que l'institution militaire, une vraie école d'encadrement de formation. Quoi qu'il en soit le fonds distribués au pauvres alimenteront le cycle économique et augmenteront la croissance.

Enfin, pour établir la liste des personnes éligibles au revenu minimum, une méthode très simple s'impose pour éviter la fraude. Elle consisterait à demander à tous les citoyen tunisiens, à partir de 25 ans, de se diriger vers le notaire  le plus proche de leur domicile afin que celui-ci rédige un acte notarié dans lequel, le requérant muni de sa pièce d'identité, d'un justificatif de domicile et de son état civil, certifie sur l'honneur de sa situation vis à vis de l'emploi, déclare son patrimoine immobilier, ses revenus, ses situations sociale, économique et financière.  Le notaire lui remettra une copie gratuite, une autre copie sera adressée au ministère des affaires sociales. Toute fausse déclaration sera susceptible de poursuites judiciaires et entraînerait le remboursement des sommes indues au Trésor Public.

Notre pays doit cesser d'être le fonds de commerce exclusif des nantis et des riches. Après avoir recouvré leur dignité en faveur de la Révolution de 2011, tous les citoyens aspirent à leur part des richesses nationales. C'est un droit et non une faveur ! L’État, députés et ministres et haut fonctionnaires, doivent arrêter de duper les citoyens sans emplois, de mentir aux chômeurs, surtout les diplômés parmi eux, cesser de berner les plus démunis, et d'entretenir l'illusion du plein emploi ! Ces citoyens tunisiens ont le droit de vivre, ils ont droit à un revenu minimum. L'argent existe pour le financer, il suffit de prendre les mesures financières et budgétaire pour le collecter. La richesse comme le travail doivent être équitablement partagés. La démocratie n'est pas uniquement politique et verbale, elle est aussi sociale et économique.

Kamel Chaabouni