News - 14.08.2020

Rafik Darragi: Le complexe du mâle en question

Rafik Darragi: Le complexe du mâle en question

Par Rafik Darragi - Ce sentiment d'orgueil propre aux hommes, enfoui au plus profond de nous-mêmes, et qu'on appelle communément le complexe du mâle, tire son fondement dans ce lointain culte du dieu mâle qui vint briser l'unité du couple divin Ciel-Terre exaltée par les mythologies grecque et égyptienne. Hésiode et Eschyle avaient glorifié l'union du Ciel, divinité suprême, et de la Terre, compagne féconde, symbole de vie et de renouveau. Mais le judaïsme, la haine de Moïse pour la déesse-mère, puis l'enseignement de Saint Paul qui ignore le culte marial et souligne, d'une façon dramatique- puisqu'il se fonde sur la Genèse-, la responsabilité d'Eve dans la chute qui touchera toute sa descendance, donnèrent un autre visage de la femme, et par extension, du rôle du corps humain et des plaisirs de la chair dans le péché originel.

Si, en français, l’étymologie de ‘femme’ reste plutôt obscure, en anglais, au contraire, celle de 'woman' est aussi claire que l’eau de roche. En effet, elle tire son origine d'un mot anglo-saxon : ' wene ', lequel a donné également le sens que nous lui connaissons aujourd'hui, c'est-à-dire 'queen' ou 'reine', tout comme le grec 'gyne '. Par conséquent, ce pouvoir conféré à la femme, reine de la famille, reine de la société tout entière, - la famille n'est-elle pas la première cellule, la pierre angulaire de la société ?- est naturel, ' sui generis ' pour ainsi dire ; c'est une puissance innée déjà illustrée par la fameuse Mater Magna ou  Déesse-Mère des temps les plus reculés. Par opposition, le roi, c'est-à-dire, l'homme, ne tire sa légitimité que du milieu social, de l'électorat et de la structure hiérarchique qui régente la société.

Bien sûr, aujourd’hui, partout dans le monde, la femme c'est avant tout la mère, la déesse tutélaire, le coeur du foyer, de ce premier noyau social qu'est la famille ; il n’en reste pas moins, qu’en Tunisie,  elle continue à vivre, malgré elle, à l’écart dans notre société. Les quelques femmes qui parsèment le Parlement ne changent guère la donne.

Certes, il y eut des réformes importantes comme la généralisation de l’enseignement pour les filles et les garçons en 1958, la politique de planning familial en 1960 ou encore le droit à l’avortement généralisé en 1973 mais l’égalité des sexes dans l’espace public tarde à venir. En dépit du Code du statut personnel, promulgué le 13 août 1956, et les droits politiques accordés aux femmes en 1957, aucune femme n’est devenue chef du gouvernement malgré le triste et long défilé auquel on assiste depuis quelque temps.

Nous disons bien le ‘triste défilé’, car quand nous comparons la vie politique et le rôle proéminant de la femme dans certains pays, comme la Finlande, par exemple, nous ressentons une profonde tristesse. Ce ‘petit’ pays est aujourd’hui dirigé par une jeune femme, Mme Sanna Marin. Son gouvernement est en majorité composé de femmes : sur 18 ministères, 11 sont attribués à des femmes. Le Ministère des Finances est aux mains d’une femme qui est également vice-Premier ministre. Basé sur la coalition issue des élections législatives d’avril 2019, ce gouvernement est entré en fonction le 10 décembre 2019, tout juste une semaine, après la démission, le 3 décembre 2019, du gouvernement d’Antti Rinne, formé le 6 juin 2019, à la suite des élections législatives du 14 avril 2019.

Au vu de ce qui se passe actuellement en Tunisie, le bât blesse terriblement. Que voyons-nous donc sur la photo ci-jointe ? Mme Sanna Marin entourée de quatre femmes ministres, une coalition gouvernementale composée de cinq partis, tous représentés par des femmes : les Sociaux-démocrates (PSD), le Centre, les Verts, l’Alliance des gauches et le Parti suédois. Il n’y a aucun parti de droite, mais également aucun conflit, aucune rupture, les gouvernements changent en douceur, immédiatement, pour le bien-être de tous.

Précisons enfin, pour la petite histoire, que la Première dame de Finlande vient tout juste de convoler en justes noces, en proclamant tout haut qu’elle n’est guère romantique mais qu’elle apprécie son époux Markus Raikkonen, son compagnon depuis 16 ans, un ancien footballeur, et qu’elle adore sa petite fille Emma.

Rafik Darragi