News - 20.05.2020

Le fonds de la Zakat du Kram : le fonds de la discorde (Album photos)

 Le fonds de la Zakat du Kram : le fonds de la discorde (Album photos)

Comme si on manquait en Tunisie de sujets de controverses clivantes sur fond religieux ! Jamais à court d’idée pour semer la discorde et imposer sa nouvelle idéologie à consonance islamiste extrémiste, le maire du Kram (banlieue nord de Tunis), Me Fathi Layouni, reconverti pro Ennahdha a affronté tous en imposant la création d’office de ce qu’il a appelé « Fonds de Zakat ». Selon quelle loi en vigueur ? Avec quelles gouvernance, transparence et règles de gestion? Silence radio à la Kasbah.

Certains l’oublient, l’Union Tunisienne de Solidarité Sociale "UTSS" (organisation non gouvernementale tunisienne) assure « la collecte des ressources de la Zakat (Aumône) dans un fonds spécial pour la dépenser suivant les prescriptions religieuses". Aussi, si chacun peut faire legs et dons à qui il veut, la collecte organisée des dons est soumise à autorisation expresse du chef du gouvernement, pouvoir délégué aux gouverneurs. Aussi, le nouveau code des collectivités locales autorise les municipalités à enrichir leurs ressources financières par des contributions financières, mais il y institue des règles précises. Ouvrir la voie à des collectes labellisées Halel, sous forme de zakat (prélever l’aumône), à emploi strictement réservé à huit destinations exclusives, éligibles uniquement à « des musulmans assidument pratiquants », est source d’abus discriminant.

La base de calcul

La prescription religieuse est précise « Prélève une aumône sur leurs biens pour les purifier et les rendre sans tache. » (Le Coran - II, 110). Les exégètes ajoutent qu’il s’agit de « purifier le croyant de son éventuelle attirance malsaine pour les biens, limiter l’avarice et la convoitise. ». Zakat Al Mal, imposée de façon annuelle porte sur :

•    Les ressources financières au-delà de 85g d’or et de 595g d'argent,
•    Le bétail,
•    Les marchandises,
•    Fruits, légumes, céréales et autres ressources extraites du sol,

La valeur de la Zakat à prélever est de 2,5 % du chiffre annuel épargné.

Huit emplois exclusif et discriminants

Les adeptes d’Ibn Taymia adoptent les huit emplois bénéficiaires de l’aumône au titre de la Zakat à savoir :
1 – Les indigents : Ils sont plus dans le besoin que les pauvres, 
2 – Les pauvres : Leur condition est meilleure que celle des indigents,
3 - Ceux qui travaillent à la percevoir : Ils sont ceux qui la collectent, la protègent et la distribuent
4 - Ceux dont on veut rapprocher les cœurs : ils sont de deux types : mécréants et musulmans. On peut donner la Zakat au mécréant si on espère sa conversion à l’islam et au musulman, pour renforcer sa foi
5 - Pour affranchir (les esclaves) : Ils sont ceux qui sont faits prisonniers et qui ne trouvent pas de quoi se faire libérer
6 - Ceux qui sont lourdement endettés : ils sont de deux types : Celui qui est endetté pour d’autres, et celui qui est endetté pour lui-même,
7 - Dans le sentier d’Allah : C'est-à-dire donner à ceux qui sont partis combattre et qui ne perçoivent pas de salaire (du gouverneur)
8 - Le voyageur (dans le besoin) : Jusqu’à son retour chez-lui.

Est-ce universel, équitable pour tous, dans un État civil ?

Scénarisation poussée et casting soigné

Pour lancer en marketing-spectacle son fonds et inaugurer son nouveau siège, le maire du Kram a sorti l’artillerie lourde. Le moment est bien choisi en timing le plus opportun qu’est la veille de la Nuit du Destin, à quelques jours de l’Aïd Al Fitr et de l’acquittement de la Zakat Al Fitr dont le montant est fixé par le Mufti, cette année à la somme de 1,750 D. Sous les caméras des télévisions tunisiennes et étrangères (Al Jazeera, de service), on trouve en tête d’affiche de ce casting soigneusement concocté, l’ancien haut dirigeant d’Ennahdha et son premier chef de gouvernement sous la Troïka (2011 – 2013), Hamadi Jebali, en icône, l’ancien ministre des Finances de la Troïka, Slim Besbes, et une ribambelle de figures marquées, entre enturbannés et barbus de service, et d’inévitables jeunes filles et des femmes voilée.

 

Un diplomate iranien a également répondu à l'invitation.

 

 

A l’appui, une émergente « Coordination nationale de la défense du Coran, de la Constitution et du développement équitable) dont on ignore le statut légal, et un ouvrage rédigé par le maire lui-même intitulé « Le Fonds Zakat dans les municipalités : Une volonté locale pour activer une obligation charaïque ». Pour y mettre de la couleur et se mettre à l’air du temps Covid-19 : distribution de bavettes bariolées…Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour créer du spectacle séduisant les médias et faire monter la sauce.

Protestations, indignations et dénonciations ont fusé de partout parmi les Tunisiens attachés au caractère civil de l’État et au respect de la loi. Des musulmans qui affichent publiquement leur piété n’ont pas manqué de se joindre à ces protestations, clamant l’impératif de consolider la cohésion nationale et la nécessité de préserver l’unité des rangs, sans le moindre clivage. Mais, face à ce mouvement qui gagne en ampleur, le gouvernement Fakhfakh se mure dans un silence affligeant.

Question tranchante, pour un chef de gouvernement qui ne veut pas trancher, fuyant ses responsabilités et plus soucieux qu’il est de ménager ses co-équipiers islamistes…