News - 17.05.2020

Najet Brahmi Zouaoui: L’investissement direct à l’épreuve du coronavirus «Covid-19», le droit à la santé ou la santé du droit?

L’investissement direct à l’épreuve du Corona virus «Covid-19», le droit à la santé ou la santé du droit ? Pour un prompt rétablissement de l’entreprise économique

Par Najet Brahmi Zouaoui. Agrégée des facultés de Droit

1- «Autres temps, autres mœurs»(1). Et pastichant ce proverbe français, on dira, autre réalité sociale, autres règles de droit. Cette affirmation serait de nos jours d’autant plus vraie que le législateur tunisien, confronté ces derniers temps à des changements conséquents de la société tunisienne a dû adapter la législation en vigueur tous azimuts(2) . Le droit de l’investissement, semble cependant le plus marqué par les différents changements de la société tunisienne au long de la dernière décennie et à l’orée de cette nouvelle décade.

2- En effet, et au moment où l’on a cru endiguer les retombées néfastes de la révolution du 14 janvier 2011 sur l’investissement, le Corona Virus « Covid-19 » vient changer la donne et inviter à s’interroger sur la capacité du dispositif légal en place à encadrer l’investissement dans sa double forme nationale et internationale. La question serait d’autant plus justifiée que la Tunisie a opté après la révolution du 14 janvier 2011 à une véritable refonte des textes juridiques régissant l’investissement de façon à renforcer le développement durable du pays d’une part et inciter les investisseurs étrangers à choisir la Tunisie comme pays d’accueil de leurs projets de l’autre. Et dans la mesure où le Corona virus « Covid-19 » n’a pas épargné la Tunisie, il serait intéressant de s’interroger sur son impact sur les principaux choix de l’Etat tunisien ramenés à la préservation du développement durable de l’économie tunisienne d’une part et à l’incitation à l’investissement de l’autre.

3- Il est vrai que la question telle qu’on vient de la formuler est précoce. Une étude d’impact devant toujours se baser sur plusieurs indicateurs dont les statistiques révélatrices de la courbe de l’évolution d’une part et la réaction du législateur qui doit être lue dans l’ensemble des textes mis en place suite à la nouvelle donne. Ces deux indicateurs n’étant pas encore suffisamment définis, l’étude de l’impact du Corona virus «Covid-19» sur l’investissement serait loin de révéler tous les secrets du couple « investissement-Corona Virus. » L’étude, parée de la vertu de l’actualité, prétendra cependant à une lecture de la première vague de textes récemment publiés et ayant pour objectif exclusif de «faire face au Corona virus».

4- Certains textes rappellent paradoxalement d’autres qui ont été promulgués en 2011, pour faire face, à l’époque non pas au coronavirus «Covid-19», mais aux retombées néfastes de la révolution du 14 janvier 2011 sur l’économie nationale en général et sur l’investissement en particulier. Le décret-loi N 2020/6 du 17 avril 2020 portant mesures fiscales et financières pour faire face au coronavirus «Covid-19» rappelle de loin la panoplie des décret-loi promulgués au lendemain de la révolution du 14 janvier 2011 dont notamment le décret-loi N2011/9 du 28 février 2011 portant mesures conjoncturelles de soutien aux entreprises économiques afin de poursuivre leurs  activités et l’ensemble des décrets loi qui lui sont subséquents et qui traduisent tous la marque de la sensibilité de leurs dispositions au nouveau contexte politique et socio-économique en Tunisie(3).

5- Ce rapprochement entre la révolution du 14 janvier 2011 d’une part et le coronavirus «Covid-19» de l’autre, s’il cherche à apprécier à sa juste valeur, au terme de cette étude, l’impact du coronavirus Covid-19 sur l’investissement déjà secoué lors de la dernière décennie par la révolution du 14 janvier 2011, n’en est pas moins sans révéler un autre intérêt de cette étude se rattachant à sa dimension philosophique. En fait, si les mesures décidées après la révolution du 14 janvier 2011 et à la suite de la propagation du coronavirus Covid-19 en 2020 se ressemblent, c’est qu’Il ya une philosophie commune du législateur soucieux, à l’une et à l’autre des deux périodes, d’une meilleure préservation d’un ordre économique et social altéré par la conjoncture exceptionnelle synonyme d’une révolution en 2011 et d’une pandémie en 2020.

6- Evoquer la dimension philosophique du rapport investissement et crise politique, économique, sanitaire et sociale c’est déjà évoquer un des intérêts qui s’attachent à cette étude(B). Celle –ci ne saurait cependant être menée sans la définition préalable de ses paramètres(A).

A) Paramètres du sujet

6- Il s’agit du de l’investissement d’une part(a) et du coronavirus Covid 19(b) de l’autre.

a) L’investissement

7- Au sens juridique, l’investissement s’entend aux termes de  l’article 3 de la loi N 2016/71 du 30 septembre 2016 relative à l’investissement(4), de «tout emploi durable de capitaux effectué par l’investisseur pour la réalisation d’un projet permettant de contribuer au développement de l’économie tunisienne tout en assumant ses risques et ce, sous forme d’opérations d’investissement direct ou  d’opérations d’investissement par participation.

1- Opération d’investissement direct: Toute création d’un projet nouveau et autonome en vue de produire des biens ou de fournir des services ou toute autre opération d’extension ou de renouvellement réalisée par une entreprise existante dans le cadre du même projet permettant d’augmenter sa capacité productive, technologique ou sa compétitivité.

2- Opération d’investissement par participation:
La participation en numéraire ou en nature dans le capital de sociétés établies en Tunisie, et ce, lors de leur constitution ou de l’augmentation de leurs capitaux sociaux ou de l’acquisition d’une participation à leurs capitaux.».

8- Il va sans dire que l’impact du coronavirus sur l’investissement intéresse beaucoup plus les opérations d’investissement direct qu’indirect. L’affirmation est d’autant plus justifiée que dans sa forme directe, l’investissement suppose la réalisation d’un projet alors que dans sa forme indirecte, il se limite, comme d’ailleurs son nom l’indique à une simple participation à un projet déjà créé. Les dégâts ne sont décidément pas les mêmes. D’où l’intérêt de limiter d’emblée le champ de cette étude au seul investissement direct. L’étude s’étend en revanche aussi bien à l’investissement national qu’international. La loi du 30 septembre 2016 relative à l’investissement étant de nature à neutraliser la distinction classique entre les deux formes d’investissement(5). La nationalité de l’investisseur n ‘est plus en effet un paramètre de la définition de l’investisseur. L’article 3 de ladite loi définit en effet l’investisseur comme étant «toute personne physique ou morale, résidente ou non résidente, qui réalise un investissement».L’investissement s’entendra en définitive dans le cadre de cette étude de sa conception la plus stricte qui doit obligatoirement exclure les marchés publics, les concessions et les contrats de partenariat entre le secteur privé et le secteur public(6) qui n’échappent pas à leur tour à l’effet du Corona Virus.

b- Le cvoronavirus «Covid-19»

9- De quoi s’agit-il au vrai ?

10- La réponse à cette question est particulièrement attendue des laboratoires de recherche biologiques qui continuent à œuvrer en vue d’une meilleure définition scientifique du virus. L’œuvre menée n’est toujours pas concluante. Les biologistes continuent cependant à travailler d’arrache pieds pour atteindre l’objectif escompté à savoir une meilleure définition du virus. L’identification de ce dernier permettra de fixer le traitement et le cas échéant le vaccin.

11- La définition scientifique du virus, si elle interpelle les biologistes, demeure loin de freiner l’œuvre du législateur qui, pour pouvoir en réglementer l’impact, s’est contenté d’une définition générique ramenant le virus à la catégorie des maladies transmissibles avec tous les effets qui peuvent en découler. Ainsi, le décret gouvernemental N 2020/152 du 13 Mars 2020 a porté «qualification de l’atteinte par le corona  «Covid-19» comme l’une des maladies transmissibles listées dans l’annexe  de la loi N 92/71 du 27 juillet 1992.»(7)

12- L’article 1er de cette loi dispose qu’« est considérée maladie transmissible au sens de la présente loi toute maladie attribuable à un agent infectieux spécifique ou à ses produits toxiques et qui survient par la transmission de cet agent ou de ses produits d’un réservoir à un hôte réceptif, directement par une personne ou un animal infecté, ou indirectement par l’entremise d’un hôte animal ou végétal intermédiaire, d’un vecteur ou du milieu extérieur ».

13- Ainsi défini, le corona virus  «Covid-19» ou plus exactement, l’atteinte par ce virus oblige à plusieurs mesures de nature à préserver principalement la santé des individus mais aussi celle des entreprises économiques, socle fondamental de l’investissement. La Tunisie, comme d’ailleurs les différents pays touchés par cette pandémie, a procédé à la mise en place de plusieurs mesures en vue de contourner les retombées sanitaires, sociales, sécuritaires et économiques du corona virus. Et l’on en croit trouver dans la décision du confinement une des principales.

c) Le confinement

14- Le Corona virus «Covid-19», ayant vu le jour en Chine au mois de décembre 2019, s’est rapidement propagé dans les quatre coins du monde dénotant d’une courbe diversement croissante au mois de Mars et d’une perspective de maitrise plus ou moins affirmée à la deuxième moitié du mois d’avril 2020.Ayant pour principal effet une rapide contamination des individus, le coronavirus Covid-19 a secoué les Etats qui étaient tous appelés à assumer leurs responsabilités à l’égard de leurs peuples. Le confinement synonyme d’un enfermement ou d’un resserrement dans un espace étroit(8)  s’est alors avéré la solution la plus indiquée pour la majorité des Etats touchés par le coronavirus «Covid-19».

13- La Tunisie, forte d’une expérience comparée plus ou moins réussie, a opté pour le confinement obligatoire à un stade très précoce de la propagation du coronavirus «Covid-19». C’est le décret gouvernemental du 12 Mars 2020 qui a consacré ladite décision. Aujourd’hui, et au moment où il serait question d’une maitrise plus ou moins affirmée du virus, le chef du gouvernement vient de signer un second décret gouvernemental qui a pour objet de substituer au confinement obligatoire, un autre confinement dit ciblé et ayant pour principale caractéristique de prévoir un système progressif de la reprise du travail suspendu depuis le 12 Mars 2020. C’est le décret gouvernemental du 02 Mai 2020 qui a consacré ce nouveau choix du législateur(9) qui incarne du reste la marque d’une stratégie économique, sociale et sécuritaire.

14- Le confinement obligatoire soit-il ou ciblé est générateur de plusieurs effets sur le cours normal de la vie quotidienne et professionnelle. Un encadrement juridique de ces effets s’est avéré indispensable dans la phase conséquente à la décision du confinement obligatoire qui a vu émerger une panoplie de décisions des autorités publiques tunisiennes toutes catégories confondues. La nouvelle phase du confinement ciblé ne serait pas moins sans à inviter le législateur tunisien à de nouvelles décisions. Celles –ci seraient d’autant plus attendues que certains décrets lois signés pendant la période du confinement obligatoire en renvoient à d’autres pour neutraliser leurs effets et renouer à nouveau avec le statu quo ante. L’investissement, secteur vital de l’économie tunisienne a été fort affecté. D’où l’intérêt de cette étude.

B) Les intérêts du sujet

15- Tout autant que la révolution du 14 janvier 2011, le coronavirus Covid-19 a interpellé les experts toutes spécialités confondues. Les intérêts attachés à l’impact de ce virus sont d’ordre économique, social, historique, psychologique et sanitaire. Des études d’impact sont déjà publiées sur certains sites spécialisés. Les juristes, chacun selon profil, ont contribué à l’étude de moult aspects de la pandémie. Le droit des affaires en général et le droit de l’investissement en particulier ne semblent pas avoir été débattu bien que des approches économiques de l’investissement continuent à interpeler les économistes. Cet état de la question justifie à lui seul une étude de l’impact du Coronavirus su l’investissement.

16- Cette étude serait cependant justifiée par d’autres facteurs dont notamment la promulgation par les autorités publiques-toutes formes confondues - d’une série de décisions qui, qui, tout en cherchant à instaurer un ordre public économique et social, n’en sont pas moins sans interpeller quant à leur impact sur l’investissement. Deux principales décisions sont à souligner. Celle portant confinement obligatoire d’une part et celle portant confinement ciblé de l’autre. Lourdes d’inconséquences économiques, ces deux décisions ne sont sans pas moins sans interpeller le juriste. Le juridique et l’économique n’en sont pas moins sans vivre en osmose. Un constat est d’emblée à souligner et attend à être, dans le cadre de cette étude, démontré : Le confinement, qu’il soit obligatoire ou ciblé impacte doublement l’investissement. Aussi bien l’opportunité que la réalisation de l’investissement sont éprouvées par le confinement. Le coronavirus aurait découragé les investisseurs potentiels à réaliser leurs projets en Tunisie (I) et pour ceux qui sont déjà engagés, la pandémie ne serait pas moins sans affecter la mise en œuvre du projet d’investissement (II) d’où notre plaidoyer pour un prompt rétablissement de l’investissement en général et de l’investissement direct étranger en particulier.

I- L ‘opportunité de l’investissement direct étranger à l’épreuve du confinement

17- L’investisseur décidé à choisir la Tunisie comme terrain d’accueil ou sur le point de l’être avant la crise du coronavirus, peut changer d’avis au cours de la période du confinement synonyme d’une période de gel de toute action. Deux considérations fondamentales peuvent conditionner son désistement à l’entreprise économique en Tunisie. La décision même du confinement (A) d’une part et la stratégie de mise en œuvre de la décision du confinement (B) de l’autre.

A) L’opportunité de l’investissement à l’épreuve de la décision même du confinement

18- Supposant une période de gel de toute activité professionnelle de tout genre, le confinement général obligatoire est en soi source de réticence pour l’investisseur potentiel qui pourrait toujours revenir sur son projet d’investir dans notre pays. Le risque de renonciation serait d’autant plus envisageable que de par sa durée, le confinement peut s’avérer long pour l’investisseur qui ; fort d’un plan B , ne tarde pas à changer de destination pour s’installer sur un sol où les décideurs ont prévu une durée moins longue du confinement. Aussi, y’a-t-il lieu de souligner qu’autant elle est longue, autant le risque de renonciation à l’initiative d’investir est grand. Le temps synonyme de l’argent en règle générale, serait en matière d’investissement d’autant plus important qu’il conditionne aussi bien l’opportunité que l’initiative de l’investissement. L’accélération du temps réel et le gel du temps juridique synonyme de la durée du confinement, peuvent entrainer le changement d’avis de l’investisseur en quête d’une installation rapide et qui aurait calculé autrement la durée de son investissement y compris le temps de l’initiative et de la mise en œuvre du projet. Le changement d’avis serait pour l’investisseur d’autant plus envisageable que la durée du confinement serait moins longue dans d’autres pays que l’investisseur aurait envisagés dans ses premières démarches. La durée du confinement tiendrait ainsi d’un facteur indirect mais très important de la décision de l’investisseur potentiel. Elle procède du reste d’une stratégie générale du confinement.

B) L’opportunité de l’investissement à l’épreuve de la stratégie générale du confinement

19- S’agissant de la stratégie de mise en œuvre de la décision du confinement, il y a lieu de souligner que les choix du législateur ainsi que leurs résultats à court et moyen terme comptent beaucoup pour l’investisseur étranger qui trouverait dans le confinement une décision à lire aussi bien dans son principe que dans son impact. Autant les choix sont clairs et garants de la transparence et de la célérité de l’action, autant ils sont incitateurs à l’investissement. Mieux encore, et pour s’en tenir à un exemple très récent de l’impact de la stratégie de la Tunisie sur l’opportunité de l’investissement, on peut trouver dans le décret-gouvernemental N 2020/8 du 28 avril 2020 un mauvais indice qui risque d’entraver la liberté de l’investissement dans une durée indéterminée.

20- Une meilleure compréhension de cette idée, passerait par un bref exposé de ce décret-loi. Décidée en conseil de ministre du  28 avril 2020 et publié au JORT du 02/05/2020,le décret gouvernemental N 2020/8 du 2 Mai  2020 a pour objet  de fixer les conditions et  modalités du confinement sanitaire orienté ou ciblé Sitôt publié au JORT , ce décret-gouvernemental a fait l’objet de remous  et contestations mettant l’accent sur une inconstitutionnalité de son article 10 portant exceptions au principe du confinement orienté pour certaines personnes. La présidence du gouvernement a donc rendu public un communiqué officiel en date du 03 mai 2020 soulignant d’une part une erreur dans la version du décret-loi  susvisé  et la promulgation d’un décret portant modification dudit décret-loi. La modification a été très rapidement entreprise et c’est le décret N 2020/157 du 3 mai 2020 qui a consacré ladite modification(10).

21- Mise à part sa portée, cette modification serait en soi un mauvais indice pour l’investisseur soucieux d’une sécurité juridique garante de la prévisibilité juridique de la règle du droit aussi bien dans le temps que dans l’espace. Gommer et refaire serait en fait la marque regrettable d’une insécurité sinon fondamentale du moins symbolique pour l’investisseur étranger.

22- Mais outre la dimension symbolique de cette modification partielle du décret-loi, celui- même modifié risque de porter atteinte à la liberté de l’investissement en général et à la liberté pour l’investisseur d’aménager son agenda en particulier. Cette affirmation serait d’autant plus justifiée que de nature à affirmer le principe du passage d’un confinement obligatoire vers un confinement ciblé ou orienté, le décret gouvernemental N 2020/208 tel que modifié par le décret gouvernemental N 2020/257 n’en est pas sans susciter la réserve quant à la visibilité des délais et conditions de mise en œuvre dudit confinement. Cette affirmation serait d’autant plus justifiée que par la technique du renvoi qu’il en fait usage, ce décret-loi semble porter en ses germes les marques de sa fragilité notamment par rapport à la durée réelle du confinement ciblé(11).

23- Il va sans dire que cette durée conditionne profondément la liberté de l’investisseur qui; selon qu’il est ou non autorisé à agir, se trouve plus ou moins affecté dans son droit à accéder au marché. Il va sans dire que la visibilité des délais, procédures et textes de lois passe pour un rempart incontournable pour l’investisseur. Son défaut serait source de crainte et d’hésitation. L’investisseur potentiel hésiterait à s’installer en Tunisie. Pour celui qui est déjà autorisé à investir, le défaut de visibilité marquant les textes relatifs au confinement, serait de nature à freiner la réalisation du projet

II- La réalisation du projet d’investissement à l’épreuve du confinement

24- En vue de réaliser son projet, l’investisseur est tenu à des autorisations et procédures administratives dont l’accomplissement justifie au profit de l’investisseur une déclaration d’investissement. Le tout doit se faire dans des délais bien déterminés au sens de la loi N 2016/71 relative à l’investissement et conformément à des principes bien définis au sens de la loi N 2019/47 du 29 Mai 2019 relative à l’amélioration du climat des affaires en Tunisie. La lecture de la législation d’urgence synonyme de l’ensemble des textes juridiques décidés en vue de faire face au Corona Virus «Covid-19», permet d’en douter. La lecture critique de ce dispositif légal permet de toucher à une double brèche aussi bien des délais (A) que des principes (B) régissant l’investissement.

a) Les délais de l’investissement à l’épreuve du confinement

25- Le temps et le droit est l’un des sujets classiques mais toujours d’actualité(12). Celle –ci serait d’autant plus justifiée que le droit de l’investissement , tel que régi par la loi N 2016/71 du 30 septembre 2016(13) fait du temps en général et des délais en tant que principale composante de ce dernier, une des principales marques de ce droit. Le souci du législateur de préserver le temps en matière d’investissement est si important que c’est de la préservation du temps que dépend la préservation de l’argent. Le temps de l’investissement est paradoxalement perturbé dans la législation d’urgence faisant face coronavirus «Covid-19». Le décret –loi N 2020/13 portant révision des délais relatifs à la réalisation de l’investissement et aux primes de l’incitation à l’investissement, s’il est de nature à répondre des attentes des investisseurs, soucieux d’un traitement d’une situation précaire redoutable, n’en constitue pas moins le bon traitement. Il serait donc indiqué d’étudier la question des délais dans le droit relatif à l’investissement tout d’abord et dans la législation d’urgence ensuite.

1- Les délais de l’investissement au sens de la loi N 2020/71 du 30 Septembre 2016 relative à l’investissement

26- L’importance du temps est si manifeste que le respect des délais par l’investisseur passe pour une condition fondamentale pour   l’accès au marché. Aussi et après avoir consacré la règle de la liberté de l’investissement dans l’article 4 de la loi N 2016/71, le législateur a appelé l’investisseur à se conformer à la législation en vigueur en vue d’accéder au marché. Celle –ci l’oblige, faute de forclusion, d’agir dans les délais. Deux illustrations peuvent en être trouvées dans les dispositions des articles 4 et 21 régissant respectivement l’autorisation d’investir et la déclaration d’investissement.

27- Aux termes de l’article 4 de la loi N 2016/71 : « Les opérations d’investissement doivent se conformer à la législation relative à l’exercice des activités économiques.

Sont fixés par décret gouvernemental, dans un délai maximal d’une année à partir de la publication de la présente loi, la liste des activités soumises à l’autorisation et la liste des autorisations administratives pour réaliser le projet, les délais, les procédures et les conditions de leur octroi en tenant compte des exigences de la sécurité et la défense nationale, la rationalisation des subventions, la préservation des ressources naturelles et du patrimoine culturel, la protection de l’environnement et la santé.

La décision de refus d’une autorisation doit être motivée et notifiée au demandeur dans les délais légaux par écrit ou par tout moyen laissant une trace écrite.

Le silence gardé après l’expiration des délais prévus par le paragraphe 3 du présent article vaut autorisation pourvu que la demande remplisse toutes les conditions requises. Dans ce cas, l’instance accorde l’autorisation après vérification du respect de ces conditions et délais en cas de silence après l’expiration des délais ».

28- Et l’article 21 de la même loi de prévoir que « Les entreprises bénéficiaires des incitations prévues par la présente loi sont soumises au suivi et au contrôle des services administratifs compétents.
La déclaration d’investissement est considérée comme nulle dans le cas où l’exécution de l’investissement n’a pas été entamée dans un délai d’une année à compter de la date de son obtention.

Les incitations sont retirées de leurs bénéficiaires dans les cas suivants :

Le non-respect des dispositions de la présente loi ou de ses décrets d’application.

La non réalisation du programme d’investissement durant les quatre premières années à compter de la date de déclaration de l’investissement prorogeable exceptionnellement une seule fois pour une période maximale de deux ans sur décision motivée par l’instance ».

29- Ajoutons au passage et en vue d’une meilleure définition entre les primes d’investissement et la question des délais, que les primes au titre de la réalisation des opérations d’investissement direct sont octroyées diversement et selon la nature de l’activité au sens de l’article 19 de la loi N 2016/71 relative à l’investissement.

30- Le respect des délais tient donc d’une obligation fondamentale qui pèse sur l’investisseur qui entreprend une opération d’investissement direct. Sa violation entraine pour lui un retirement des primes d’incitation à l’investissement et un risque de rupture du projet d’investissement lui-même. Lorsque la violation n’est pas due au fait de l’investisseur mais plutôt la conséquence de la nouvelle conjoncture synonyme de la crise du Corona virus « Covid-19 », l’investisseur devrait-il en subir les conséquences ? Serait-il forclos de son double droit d’accès au marché d’une part et de bénéficier des primes d’investissement de l’autre ? La législation d’urgence est –elle –de nature à pallier aux inconséquences de la nouvelle conjoncture ?

2-Les délais de l’investissement dans la législation d’urgence faisant face au coronavirus Covid-19

31- Contraints au confinement, les investisseurs ont dû faire face à une fermeture de l’administration publique chose qui n’a pas été sans se répercuter sur leur planning lié à la gestion de leurs agendas. Pour ceux parmi eux dont l’accomplissement des formalités au sens des articles 4, 19 et 21 de la loi relative à l’investissement, devait se faire aux mois de Mars ou d’avril et Mai 2020, l’action est impossible vu le confinement. L’accélération du temps réel devait alors les priver de réaliser leurs investissements et de bénéficier des primes d’investissements tous les deux tributaires de l’accomplissement des formalités susvisées.

32- Redoutable, la situation telle qu’ainsi présentée a poussé les investisseurs à tirer les sonnettes d’alarme appelant le législateur à une intervention d’urgence en vue de neutraliser les effets juridiques de la violation obligée de l’obligation de faire qui consiste à accomplir des procédures et formalités bien déterminées. Le législateur a répondu présent en promulguant le décret-gouvernemental N 2020/16 du 27 avril 2020 portant suspension des délais et procédures en matière d’investissement. Quelle est la portée de ce texte ? Serait-ce alors la bonne mesure ? Y aurait-il garantie et préservation des droits des investisseurs ? Le décret-loi N 2020/16 passait-il vraiment pour une disposition urgente face à un vide législatif régissant la question ? La législation d’urgence en vigueur ne serait-elle pas suffisante pour assurer une protection des droits des investisseurs ? Une tentative de réponses sera entreprise dans les développements suivants.

1- Le décret-loi N 2020/13 du 27 avril 2020 portant révision des délais relatifs à la réalisation de l’investissement et au bénéfice des primes de l’incitation à l’investissement : Quel apport ?

33- Devant renforcer une première série de décrets lois régissant les délais et procédures pendant la période du confinement, le décret-loi N 2020/13 du 27 avril 2020 est composé de quatre articles qui prévoient une liste restrictive des délais devant être suspendus pendant la période du confinement. Un intérêt particulier a été porté aux délais au sens des articles 4, 21 et 29 de la loi relative à l’investissement. Ceux-ci prévoient les articles 1 et 2 dudit décret-loi sont suspendus pendant une période bien déterminée.

34- Répondant certes des attentes des investisseurs, le décret –loi BN 2020/13 du 27 avril 2020 serait, semble-t-il très critiquable car il s’inscrit dans le prolongement d’un amalgame de textes qui ; pour répondre aux soucis des usagers du service public et judicaire, n’en sont pas moins sans malmener les remparts du droit en l’occurrence le principe de la sécurité juridique et le principe de efficacité de la règle de droit. A cela s’ajoute une atteinte redoutable à la terminologie juridique.

2- Le décret-loi N 2020/13 du 27 avril 2020 portant révision des délais relatifs à la réalisation de l’investissement et au bénéfice des primes de l’incitation à l’investissement : Révision ou suspension des délais ? Quel paradoxe ?

35- A bien vouloir s’en tenir à l’intitulé du décret-loi N 2020/13, il sera question d’une révision des délais et point d’une suspension. Mais à bien lire le fond du texte, il s’agit bien d’une suspension. L’une et l’autre des deux notions sont loin d’être synonymes d’où l’incohérence déplorable du nouveau texte. Pour s’en convaincre, il ya lieu de souligner que la révision du texte s’entend d’une modification de sa substance qui entraine une abrogation du texte révisé dans la limite de la révision. La révision des délais au sens de l’intitulé du décret-loi N 2020/13 doit alors s’en entendre d’une modification substantielle. Il n’en rien paradoxalement. En effet et après avoir annoncé une révision au niveau de l’intitulé, le législateur s’en désiste et renoue avec le terme suspension qu’il a retenu dans les textes d’urgence précédents. Les articles 1,2 et 3 du décret-gouvernemental disposent tous en effet que « sont suspendus les délais tel que définis par l’article …etc. ».

36- La suspension semble donc l’emporter sur la révision. Le décret-loi N 2020/13 du 27 avril 2020 devrait être lu beaucoup plus dans sa philosophie que dans sa substance. Cette affirmation serait d’autant plus justifiée que le décret-loi susvisé s’inscrit dans le droit fil d’une législation d’urgence qui ; par définition même, ne peut réviser la substance des textes en vigueur et s’en tient à des mesures provisoires et exceptionnelles dont notamment la suspension.

37- Ainsi relevée, cette incohérence terminologique n’affecte certes pas le fond de la règle juridique. Elle ferait cependant figure d’un mauvais indice pour l’investisseur étranger soucieux d’une mesure claire et insusceptible d’interprétation. Le fait pour lui de s’interroger sur l’intention du législateur pour savoir s’il s’agit dans le texte du décret-loi N 2020/13 d’une révision ou d’une simple suspension des délais, est générateur d’insécurité.

L’insécurité juridique ne tient cependant pas uniquement de l’incohérence terminologique mais aussi de la diversité des périodes de suspension des délais.

3- Le décret –loi N 2020/13 du 27 avril 2020 : Une ou plusieurs périodes de suspension des délais de l’investissement?

38- Relevant les inconvénients qui s’attachent à l’éparpillement des textes juridiques, nous avons déjà souligné l’atteinte que ce dernier peut porter à la sécurité juridique(14). La lecture du nouveau texte, en l’occurrence le décret-loi N 2020/13 ne fait que renforcer cette réserve. Un véritable effritement de la notion du confinement, du moins dans définition chronologique, est en fait à souligner. La durée de la période de suspension des délais, variable d’un décret-loi à un autre, n’en est pas moins sans altérer la prévisibilité en tant que composante fondamentale du principe de la sécurité juridique. Que dire lorsqu’au sein d’un même décret, les durées de suspension sont différentes et peu prévisibles. C’est le cas du décret –loi N 2020/13. Une meilleure vulgarisation de ces deux idées passe par une double analyse de l’état des textes d’urgence régissant la suspension des délais. Le décret-loi N 2020/13 viendrait alourdir la note de cette législation.

• La diversité des durées de suspension dans les décrets loi antérieurs au décret-loi N 2020/13.

39- Dans une étude déjà publiée, nous avons regretté l’inflation des textes régissant la question de la suspension des délais et procédures, déploré la triple règlementation de ces délais dans les trois décrets –loi N 2020/6 du 6 avril 202et N 2020/7 et 2020/8 du 17 avril 2020.Notre réserve était particulièrement justifiée par le fait que le décret-loi N 2020/08 du 17 avril portant procédures et délais de suspension consacre un principe de portée générale selon lequel tous les délais et procédures sont suspendus et que compte tenu de cette généralité, le texte est appelé à s’appliquer à tous les délais et procédures de quelle nature qu’ils soient: légaux, judicaires ou conventionnels(15).

40- Le législateur, comme s’il ne touchait pas à la portée de cette disposition, est allé de l’avant pour mettre en place une panoplie de nouveaux textes dont le décret-loi N 2020/13. Le choix législatif est très critiquable. Le bilan est très lourd d’inconséquences juridiques et pratiques. Un bref retour sur l’ensemble de ces textes en témoigne. Aussi a-il été relevé trois périodes différentes de suspension dans les trois décrets-lois N 6,7 et 8 des 16 avril 2020 pour le premier et du 17 avril pour les seconds. Les délais de suspension doivent commencer à courir à partir du 23 Mars 2020 pour le premier, du 12 Mars pour les seconds. La levée est tributaire de la publication d’un décret gouvernemental et l’écoulement d’un délai d’un mois pour le décret-loi N 2020/8 et affranchie d’une telle condition dans le décret-loi N 7.

42- Il va sans dire que cette diversité patente de la durée de la suspension n’est pas moins sans cacher une difficulté patente quant à la mise en œuvre de l’investisseur étranger de ses droits à l’égard de l’administration publique et judiciaire. Et pour s’en tenir à un seul exemple des difficultés que l’état actuel des textes peut engendrer sur l’investissement, l’on pourrait souligner l’absence de visibilité quant aux délais de la reprise des procédures pour les investisseurs qui, ayant déjà mis en place leurs projets, sont appelés à réaliser leur programmes d’investissement dans une durée bien déterminée faute de quoi la déclaration d’investissement est retirée. Cette affirmation est d’autant plus justifiée que l’article 21 alinéa 3 de la loi N 2019/47 relative à l’amélioration du climat de l’investissement en Tunisie dispose que « Les incitations sont retirées de leurs bénéficiaires dans les cas suivants :
Le non-respect des dispositions de la présente loi ou de ses textes d’application ».Un violation de la présente loi peut être recherchée dans l’article 21 alinéas 2 qui dispose que « La déclaration d’investissement est considéré comme nulle dans le cas où l’exécution de l’investissement n’a pas été entamée dans un délai d’une année à compter de la date de son obtention ».

43- Le confinement obligeant à une suspension du travail administratif et judiciaire, ne serait pas moins sans contraindre à une suspension de la réalisation du projet pendant sa durée et oblige à la reprise juste après. Le délai d’une année au sens de l’article 21 susvisé, sera suspendu pendant la période du confinement et recommence à courir de nouveau quand la durée de celui –ci est épuisée. Or de quelle durée s’agit-il ? C’est le décret-loi N 2020/13 qui en apporte la réponse.

• La suspension des délais dans le décret-loi N 2020/13 du 27 avril 2020 portant révision des délais relatifs à la réalisation de l’investissement aux primes d’incitation à l’investissement :

44- Déjà présenté, le décret-loi N 2020/13 retient la suspension des délais liés à la réalisation de l’investissement au sens de la loi N 2016/71d’une part et la loi N 2019/47 relative à l’amélioration du climat de l’investissement de l’autre(16). La lecture du dispositif légal de ce décret permet de relever une dualité regrettable car injustifiée et redoutable de la durée de la suspension.

La dualité des périodes de suspension au sens du décret-loi N 2020/13 :

45- C’est dans les dispositions des articles 1 et 3 du décret-loi susvisé que l’on croit trouver la marque de cette dualité.

Aux termes de l’article 1er du décret-loi:
« Sont suspendus à partir du 23 Mars 2020 et jusqu’au 15ème jour de la date de publication d’un décret gouvernemental pour la raison:

Le délai prévu par le paragraphe 2 de l’article 21 de la loi N 2016/71 du 30 septembre 2016 relative à l’investissement.

Le délai des quatre ans prévu par le tiret N2 du paragraphe 3 de l’article 21 cité dans l’alinéa premier de cet article.

Le délai prévu par le paragraphe 3 de l’article 4 de la loi N 2016/71 du 30 septembre 2016 relative à l’investissement. ».

Et aux termes de l’article 3 du décret-loi N2020/13 :
Sont suspendus du 23 Mars 2020 jusqu’au 15ème jour de la date de la publication d’un décret gouvernemental pour la raison:

Le délai prévu par le paragraphe 4 de l’article 19 et des deux alinéas 3 et 4 de l’article 20 de la loi N2017/8du 14 février 2017 relative à la révision du régime ces privilèges fiscaux.

Les délais d’obtention des arrêtés d’octroi des privilèges et l’entrée à la phase de l’activité prévus par le tiret N 1 de l’article 28 et le tiret 2 de l’article 29de la loi N2016/71 du 30 septembre 2016 relative à l’investissement.

Le délai prévu par le paragraphe 3 de l’article 15 de la loi N 2019/47 du 29 Mai 2019 relative à l’amélioration du climat de l’investissement. ».
46-Il découle de ces deux dispositions que la suspension des délais d’investissement commence à une date unique celle du 23 Mars 2020 mais ne peut être levée qu’à partir du 15ème jour de la publication de deux décrets gouvernementaux qui différent selon qu’il s’agit d’une suspension au sens de l’article 1er  ou 3 du décret-loi N 2020/13.

47- La levée de la suspension, tributaire de la publication de décrets gouvernementaux serait du coup indéfini dans le temps. Tout dépend de la volonté du législateur de promulguer quand bon lui semble les deux décrets gouvernementaux susvisés. L’investisseur, provisoirement soulagé car rassuré sur la préservation de principe de ses droits, n’en serait pas moins soucieux d’une définition exacte de la date de la levée de la suspension. La prévisibilité de la loi, procédant d’un souci majeur des investisseurs. Elle est garante du principe de la sécurité juridique de plus en plus affirmé en matière de Droit en général et du droit de la procédure en particulier.

48- La date de la levée de l’option serait par ailleurs d’autant plus critiquable car traduisant une véritable incohérence non seulement au sein du décret-loi N 2020/13 mais en dehors de celui-ci et dans le cadre de la législation d’urgence faisant face au Corona virus «Covid-19». Et l’on peut trouver dans le texte du décret-loi N 2020/08 relatif à la suspension des procédures et délais une bonne illustration de l’incohérence entre les textes synonymes de la législation d’urgence. Celui-ci, instaurant un principe général de la suspension retient la date du 12 Mars comme date correspondant au commencement de la suspension et celle d’un mois à partir de la publication d’un décret gouvernemental pour la levée de la suspension. Ce délai d’un mois est réduit à quinze jours dans le décret –loi N2020/13.

Pourquoi autant de durées? Pourquoi autant de textes? Et  pourquoi autant de choix? A lui seul et de par sa portée très générale, le décret-loi N 2020/08

aurait suffi pour encadrer toute suspension de tous délais y compris les délais de l’investissement.

49- Encore faut-il avouer des choix pour le législateur. Il ne semble avoir choisi. La durée du mandat du chef du gouvernement de mettre en place des décrets loi très limitée dans le temps, ne serait pas suffisante pour faire des choix sinon pour en faire les meilleurs. A force de vouloir préserver la santé des citoyens, le législateur semble avoir éprouvé la santé du droit. L’est sur la planche pour la phase post Corona Covid-19. Si les laboratoires de recherche biologique continuent à travailler sur un traitement du Corona virus covid-19, le juriste observe un dysfonctionnement de la règle de droit et en plaide pour un prompt rétablissement. Ce plaidoyer est d’autant plus justifié que les principes gouverneurs du droit de l’incitation à l’investissement sont aussi bafoués par la législation d’urgence.

B) La réalisation de l’investissement à l’épreuve des principes gouverneurs de l’amélioration du climat de l’investissement

Régie par la loi N 2019/47, l’amélioration du climat de l’investissement en Tunisie prévoit une série de principes gouverneurs de l’investissement dont notamment la réduction des délais, la bonne gouvernance, la transparence et l’usage des technologies modernes de la communication(17).
La démonstration déjà faite de toutes les incohérences liées aux délais nous semble heurter de front aussi bien le principe de la réduction délais que ceux de la transparence et la bonne gouvernance. Le dysfonctionnement du télétravail avoué par tous les acteurs de la vie économique dénoterait quant à lui de la fragilité du principe de l’usage en matière d’investissement des moyens de communication modernes.
En conclusion, et au moment où le ministère de la santé affirme un zéro cas de nouveaux porteurs du coronavirus, le juriste continue à recenser plusieurs pathologies de la loi. Le rétablissement serait-il pour demain ? Espérons-le !

Najet Brahmi Zouaoui
Agrégée des facultés de Droit
Professeure à la faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis
Avocate près la Cour de Cassation spécialiste du Droit des affaires

(1) Proverbe français. Le petit Larousse 1995, Partie Proverbes.

(2) Serait –il peut être indiqué de souligner que des commissions nationales de réforme de la majorité des codes ont été mises en place depuis2014 sous tutelle du Ministère de la justice. Certaines commissions ont déjà achevé leur mission telle la commission nationale du code pénal. Pour les autres, l’œuvre est en cours et c’est le cas notamment des commissions de réforme du code pénal, code du DIP et du code de procédures civiles et commerciales. Sur l’état d’avancement des travaux de ces différentes commissions voir la page fbc officielle du Ministère de la justice.

(3) Sur une étude de l’ensemble des textes susvisés, Voir Brahmi Zouaoui(N) : Le 14 janvier 2011 : Une nouvelle donne pour le recouvrement des créances, Etudes juridiques, Faculté de Droit de Sfax 2012, p171.

(4) Loi N 2016/71 du 30 septembre 2016 portant loi de l’investissement, JORT N 82 du 7 Octobre 2016, P 3083.
Sur une étude d’ensemble de cette loi, Voir Brahmi Zouaoui (N), (Sous-direction) le nouveau droit de l’investissement en Tunisie, Regards croisés sur l’Europe et l’Afrique, CPU, 2018.

(5) L’article 1er du code abrogé de l’incitation aux investissements du 27/12/1993 retient le critère de la nationalité de l’investisseur et disposait que « Ce code fixe le régime de création des projets et incitations aux investissements en Tunisie par des investisseurs tunisiens ou étrangers ».

(6) Sur une étude d’ensemble de l’investissement dans sa conception la plus large au sens susvisé, Voir Bostanji(S) et Horchani(F), (Sous-direction), Les perspectives d’évolution du droit de l’investissement et de l’arbitrage, Publication DRIMAN,Latrach Edition 2013.

(7) Loi N Loi N 92/71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies transmissibles, JORT  du 31 juillet 1992,N 50,P 939 et suivants.

(8) Le Petit Larousse1995

(9) Sur une étude d’ensemble du décret gouvernemental N 2020/208, Voir Brahmi Zouaoui (N), Le décret gouvernemental N 2020/208.Le confinement ciblé ou la cible confinée ? Vers une mise en quarantaine de la loi ? Leaders du 9 Mai 2020, www.leaders.com.tn

(10) Sur une étude d’ensemble du décret gouvernemental n 2020/208, Voir notre étude précédemment citée, Supra note de bas de page N 9.

(11) Sur une étude critique de la technique du renvoi dans le décret gouvernemental N 2020/208, Voir Brahmi Zouaoi(N), article précitée, Supra N 9.

(12) Le temps et le droit est l’un des sujets qui a interpelé aussi bien la doctrine classique que moderne. Des études spécialisées ont été consacrées au temps sur sises différents rapport avec les diverses disciplines juridiques. Sur le temps et le crédit, Voir Brahmi Zouaoui(N), Le temps et le crédit, AJT, Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis, 2014, P4..

(13) Sur une étude d’ensemble de cette loi, Voir Brahmi Zouaoui(N), Référence précitée, Supra N4.

(14) Voir sur cet aspect de la question Brahmi Zouaoui (N), Infra note de bas de page N 15.

(15) Voir Brahmi Zouaoui (N),La suspension des délais et procédures dans les décrets lois faisant face au Corona virus Covid 19.De la crise Corona virus Covid à la crise Covid 19,Leaders du 30 avril 2020,www.leaders.com.tn
Voir aussi,Brahmi Zouaoui(N),Le décret gouvernemental N2020/208 :Le confinement ciblé ou la cible confinée ? Vers une mise en quarantaine de la loi, Leaders du 9 Mai 2020, www.leaders.com.tn

(16) Voir  Supra ,note N15.

(17) Article 1er de la Loi N 2019/47 du 29 Mai 2019relative à l’amélioration du climat de l’investissement en Tunisie.