News - 03.05.2020

Les masques qui démasquent la mauvaise gouvernance : laissez les industriels exporter

Les masques qui démasquent la mauvaise gouvernance : laissez les industriels exporter

Interdire l’exportation à l’étranger des masques confectionnés par l’industrie textile tunisienne porte un coup fatal à un secteur déjà à l’agonie. En prenant cette décision, le ministre du Commerce est-il en phase avec ses collègues de l’Industrie, de l’Emploi et des Finances ? Le chef du gouvernement en charge de la vision d’ensemble y consent-il ? Si les confectionneurs avaient été chargés par le gouvernement même il y a seulement quelques semaines, ils auraient fourni toute la quantité que la Tunisie demande ? Alors pourquoi les condamner aujourd’hui, sans la moindre faute commise, à fermer leurs usines, licencier leurs salariés et sombrer dans la faillite ? Prenons l’exemple sur des pays proches qui chargent chaque jour des avions entiers envoyés à New York ! Cris de cœur.
Il est classique de dire « gouverner c’est prévoir et c’est aussi anticiper ». Mais a-t-on anticipé au moment où on a décidé de lever même partiellement le confinement. Logiquement et dans un pays qui se respecte, ce moment devrait être préparé suffisamment à l’avance et pourquoi pas au moment où on a décidé le confinement.

L’histoire des masques est l’exemple de cette mauvaise gouvernance.

On décide dans l’urgence de préparer un cahier des charges pour la fabrication des masques qui a suscité des réserves de tout le monde et particulièrement des professionnels. On demande à un député de fabriquer des masques en tissu sur un simple coup de fil en dépit de toutes les lois en vigueur. Cet épisode a fait perdre au pays plusieurs jours de tergiversations, d’audition du ministre à l’ARP et même une action en justice pour finalement repartir à zéro.

Le ministère du commerce prend les choses en main et décide d’exiger une homologation des masques avant leur commercialisation par un organisme qui ne semble pas être prêt à réaliser cette opération dans de bonnes conditions. On décide aussi de fixer le circuit de distribution à travers la pharmacie centrale de Tunisie, ce qui n’était pas du tout dans ses prérogatives. La Pharmacie Centrale de Tunisie est une société qui a le monopole de l’importation et la distribution des médicaments. Même les médicaments fabriqués localement ne font pas partie de son champ d’action sauf lorsqu’il s’agit d’approvisionner les hôpitaux. On décide aussi de fixer le prix de vente de ces masques sans l’accord des professionnels à savoir les industriels et les distributeurs.

Le résultat de toutes ces péripéties et à la veille du déconfinement, un pays qui manque terriblement de masques et une population qui va se retrouver sans protection.

Cerise sur le gâteau , et alors que des industriels tunisiens ont bataillé durant toute la période du confinement afin de décrocher des marchés pour l’exportation de masques en tissu afin de permettre à leurs entreprises de reprendre une certaine activité et de garder les postes d’emploi , une décision du ministère du commerce vient faire tomber tous leurs efforts à l’eau en interdisant tout simplement l’exportation de ces produits . A noter qu’un grand nombre de ces industriels ne sont pas des fabricants habituels de masques et que le tissu à partir duquel ces masques sont fabriqués est en fait en admission temporaire et appartient à leurs clients et de ce fait la loi mais aussi les accords avec leurs clients les oblige à réexporter le produit fini.

Il parait tout à fait logique que l’état doive tout faire pour approvisionner le marché. Il est normal aussi de demander aux industriels de privilégier le marché tunisien, mais tout doit passer par le dialogue et chacun doit prendre sa responsabilité.

Si le gouvernement avait demandé aux professionnels il y a déjà trois ou quatre semaines de mettre des masques à la disposition de la population , si on n’a pas voulu compliquer un problème pourtant extrêmement simple , s’il n’y a pas eu comme toujours un interventionnisme exagéré d’une administration sclérosée et si on avait évité toute odeur de conflit d’intérêt, on aurait trouvé sans difficulté aucune les trente millions de masques nécessaires pour la protection des tunisiens qui seront dans les rues , les administrations et les entreprises tunisiennes à partir du 4 mai.

La dernière décision du ministère du Commerce risque d’être d’une gravité extrême car elle va aggraver une situation déjà catastrophique d’un secteur déjà mis à mal par toutes les décisions prises ces dernières années et qui visaient à favoriser les importations turques et chinoises au détriment de la production locale. Des milliers de postes d’emploi risquent d’être perdus dans les prochains jours avec à la clé l’aggravation du problème social.