News - 24.04.2020

Zargouni et la nouvelle décision de la HAICA pour la mesure d'audience : Un modèle économique qui ne tient pas la route

Zargouni et la nouvelle décision de la HAICA pour la mesure d'audience : Un modèle économique qui ne tient pas la route

Prompt à réagir à la décision de la HAICA relative à la nouvelle réglementation sur la mesure d’audience, Hassen Zargouni, fondateur et directeur général de Sigma Conseil, s’interroge sur la pertinence du modèle économique. Opinion. Lire aussi notre article ''Mesure d’audience : La HAICA institue un groupement professionnel pour s’en charger et définit le cadre des enquêtes''

En Tunisie, le marché publicitaire audiovisuel annuel représente actuellement près de 60 millions de dinars en termes nets, avec une lente croissance de l’ordre de 5 à 10%. La mesure d’audience des médias permet de cibler et donc optimiser les budgets d’achat d’espace médias. Les modèles à l’international indiquent que l’écosystème publicitaire, fait d’annonceurs, d’agences médias, de régies publicitaires et de médias audiovisuels, investit entre 1% et 1.5% des recettes publicitaires pour acquérir les données d’audience. Transposé au cas tunisien, cela représente au meilleurs des cas près de 900 000 dinars tunisiens pour financer les opérations d’échantillonnage et d’entretien d’un dispositif d’audiométrie pluri média (TV, radio et Internet). Quand bien même les recettes publicitaires s’élèveraient à 100 millions de dinars, le montant maximal auquel cet écosystème est disposé à investir dans la collecte, le traitement, l’analyse des données d’audience serait de l’ordre de 1.5 millions de dinars par an.

La question qui est posée ici est la viabilité économique d’un dispositif audiométrique automatique qui existerait un investissement à amortir sur 5 ans, l’entretien d’un panel bien étalonné à renouveler régulièrement, et la maintenance technique d’un tel dispositif. Sans la convergence du modèle économique il est illusoire d’atteindre les objectifs assignés par le décret HAICA publiés au JORT de cette semaine.

Barrières techno-sociologiques qui posent de réels problèmes

Un classico, un match de football entre les clubs espagnols FC Barcelone et le Real Madrid réalise des audiences très élevées en Tunisie. Près de 2 millions de Tunisiens regardent ce match en général. Ils le regardent dans les cafés. Même s’ils disposent des moyens légaux et illégaux de le regarder à la maison, dans leurs foyers, les passionnés de football et de ce type de joutes sportives, préfèrent le suivre au café du coin, avec les amis. Un dispositif audiométrique qui tenterait à équiper les foyers de moyens technologiques afin de mesurer automatiquement l’audience des chaînes de télévision indiquerait tout simplement une audience nulle ou presque à ce type de matchs, car les téléspectateurs le regardent en dehors de leurs foyers massivement.

De plus, les foyers tunisiens sont équipés de manières très disparates de moyens de réception des chaînes TV et radio. Cela passe en effet par un récepteur numérique classique, une antenne numérique de type TNT, un récepteur IPTV avec piratage des chaînes payantes, un récepteur en mode Pay TV, par Smatphone, en différé ou en live, sur les sites officiels ou par streaming pirate,... sur son PC, chez le coiffeur, chez le commerce du coin, au restaurant ou bar d’à côté,  d’une manière individuelle ou collective, d’une manière active ou passive, très fréquente.

En outre, le foyer choisi pour faire partie du panel, accepterait-il d'être épié quand il aura à regarder des films érotiques, voire plus ? Comment gérer le multi équipement des foyers en postes de télévision ou de moyen de réception de la radio ?

Bref, la sociologie de l’audience des médias audiovisuels en Tunisie, couplés avec la pléthore de solutions technologiques permettant de recevoir les milliers de chaînes TV et radio auquel le Tunisien est exposé, rend toute solution audiométrique complexe, voire inopérante et donc sans intérêt pour un annonceur qui a besoin de connaître la probabilité pour son consommateur de rencontrer un écran publicitaire.

On est et on sera au rendez-vous...

SIGMA après avoir expérimenté les enquêtes-rue sur le comportement d’audience des Tunisiens de 1999 à 2003, dans les agglomérations de Tunis, Sousse et Sfax, qui ont montré leur limite, a expérimenté les enquêtes par carnets d’audience déposés chez un panel de foyers tunisiens.  Cette approche a, elle aussi montré ses limites à cause d’un taux élevé d’analphabétisme et de peu de sérieux du remplissage des carnets.  C’est alors que nous avons adopté la méthode CATI (computer assistés telephonical interviewing) appliquée à des échantillons très larges (16 000 unités par mois, pour mesurer l’audience mémorielle des médias audiovisuels). Seule méthode qui permet d’estimer la probabilité individuelle pour un téléspectateurs d’être exposer à un écran publicitaire à une heure donnée, ce qui constitue l’unique raison d’être des mesures d’audience quotidienne, le Day reach.

On s’en tiendra à cette technique, on sera à l’écoute des expériences internationales, on suivra avec intérêt les débats autour de la question, mais ce qui est sûr c’est qu’on utilisera les solutions les plus adaptées pour des données les plus précises, le modèles économique le plus durable, tout en nous adaptant aux attitudes et comportements collectifs et individuels des Tunisiens en matière d’audience TV et écoute radio.

Hassen Zargouni

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