News - 23.04.2020

Artisanat: comment sortir d’une crise permanente accentuée par le COVID 19 ?

Artisanat: comment sortir d’une crise permanente accentuée par le COVID 19 ?

Le secteur de l’artisanat et des métiers d’art est un secteur qui a vécu des crises successives en Tunisie qui l’ont ébranlé mais n’ont jamais réussi à l’anéantir complètement. Mais avec la crise actuelle, la question se pose sérieusement au vu de l’inertie totale des structures en charge du secteur et surtout de l’absence de visibilité en rapport avec l’évolution des marchés traditionnels  du produit artisanal (marché touristique; marché local et  exportation directe sur le marché international).

L’artisanat tunisien  se trouve ainsi face à la plus grave crise  de son histoire pourtant jalonnée de défis qu’il a su plus ou moins relevé malgré tout les aléas.
Pour preuve, le succès toujours grandissant du salon annuel de l’artisanat qui reste «la principale  vitrine» du secteur même s’il est loin de refléter exactement ses réalités complexes et surtout le douloureux destin de l’artisan tunisien.

En effet, l’observateur averti de l’évolution de l’artisanat tunisien au cours des dernières années ne peut que constater l’échec de la politique gouvernementale à conserver et à renforcer le savoir-faire de l’artisan qui doit en principe être au centre de tous les programmes de développement du secteur et ne pas rester en marge pour être en fin de compter marginaliser et rester au bord de la route de la société.

La place de l’artisan dans la société reste en effet un facteur déterminent pour mesurer l’évolution du secteur.

 A cet égard faut reconnaître que l’artisan tunisien a perdu beaucoup tant en nombre qu’en qualité.

Peut-on parler encore des 300 000 artisans selon les statistiques officielles présentées à l’occasion des études sectorielles ou des programmes de développement d’un secteur à la dérive ?

Un recensement effectif des compétences artisanales encore en exercice serait ainsi la base de tout plan de relance après le passage de la crise COVID 19.
Mais même si les effectifs ont été beaucoup réduits du fait des crises successives vécues par l’artisanat tunisien, le secteur garde un potentiel important lié à ses implications culturelles, sociales et économiques.

Le patrimoine artisanal tunisien qui se perpétue à travers plus d’une centaine de métiers ancestraux arrive à maintenir une certaine stabilité malgré la disparition ponctuelle de plusieurs activités qui ont perdu leurs fonctions  dans la société et leurs efficiences économiques et leurs places dans les circuits de commercialisation du produit artisanal.

La place de l’artisan dans la société tunisienne a ainsi été liée, en grande partie, à sa capacité d’adaptation économique et à sa propension à maitriser un segment du marché sur le plan national ou international.

La politique gouvernementale dans l’encadrement du secteur artisanal qui s’est caractérisé par une rigidité permanente doit ainsi changer et s’adapter à de nouvelles réalités qui ne manqueront pas d’apparaitre suite à  cette crise sans précédent.

L’Etat ne peut plus se contenter d’interventions sporadiques dans un secteur au bord de l’explosion mais recentrer tous ses outils au service d’une stratégie à mettre en place en vue de sauver l’artisanat tunisien dans ce nouveau contexte économique.  

Cette nouvelle stratégie se doit aussi d’appréhender le secteur sous un nouvel angle qui doit prendre en compte les réalités économiques du secteur et du pays.

On ne peut plus aujourd’hui se permettre le luxe d’ignorer le concept de micro entreprise prépondérant dans la création et le vécu de l’entreprise artisanale tunisienne.

La micro entreprise représente la base de toute activité économique en Tunisie et doit être mise en avant dans tout plan de relance de l’économie tunisienne.

Cette donne essentielle est loin d’avoir été comprise par le gouvernement actuel dont les dernières mesures prises pour faire face aux retombées économiques de la crise sanitaire ne prennent pas en compte les spécificités de la micro entreprise et représentent même un affront certain aux artisans tunisiens en les mettant de fait au bas de l’étage social.

Proposer aux artisans tunisiens une rémunération mensuelle de 200 dinars comme résultat final d’une longue et difficile procédure sur un site internet ne peut dénoter que d’une méconnaissance totale des réalités du secteur et d'une approche erronée du problème.

Hichem Houidhek
Rédacteur en chef du magazine « dartounes »
Ancien cadre à l’UTICA
Secrétaire général de la Fédération Nationale de l’Artisanat (avril 1991 – novembre 2018)