Opinions - 20.04.2020

Boujemaa Remili: Comment la Tunisie donne l’impression de se noyer dans une Covidette!

Boujemaa Remili: Géopolitique d’une pandémie ou comment la Tunisie donne l’impression de se noyer dans une Covidette!

Pour les national-hyper sensibles, le classement suivant a été fait selon les données de la première colonne, soit: l’indicateur «Nombre de cas COVID-19 pour 100.000 habitants».

 

Nombre de Cas COVID/100.000 habitants

Nombre de Décès/Nombre de Cas COVID

Nombre de Guérisons/Nombre de Cas COVID

Espagne

416

11%

39%

Italie

292

13%

25%

France

259

11%

21%

Etats-Unis

223

5%

9%

Royaume-Uni

173

13%

0,3%

Allemagne

172

3%

61%

Corée du Sud

21

2%

75%

Tunisie

8

4%

5%

Maroc

8

5%

11%

Algérie

6

14%

35%

En termes de constats on peut relever les aspects suivants:

(a) En partant de l’indicateur : N. COVID/100.000 habitants:

(i) C’est l’Espagne et « pas encore » les Etats-Unis, contrairement à ce qui semble transparaitre des médias, qui est le pays le plus affecté au monde par le COVID;
(ii) Les USA ne viendraient – pour le moment – qu’au 4ème rang, après les 3 autres pays européens : Espagne, Italie et France;
(iii) L’Allemagne et l’Angleterre, tout en ayant le même taux de prévalence du COVID-19, restent un peu moins atteints que les 4 premiers pays occidentaux;
(iv) La Corée, pays aussi mondialisé que les 6 autres euro-américains, se détache trop de l’Europe et des USA, avec une prévalence de la maladie qui représente à peine 5% de leur moyenne (celle des 6);
(v) Enfin, un groupe Maghrébin homogène, avec les plus faibles nombres de cas pour 100.000 habitants;

(b) Alors que, pour les deux indicateurs de Nombres de Décès et les Guérisons rapportés aux nombres de cas, on peut noter:

(i) Pour les décès:

des indicateurs plus élevés (12% en moyenne) pour 5 pays (sur 10): l’Italie, le Royaume Uni, l’Espagne, la France et l’Algérie;
des indicateurs plus faibles (4%) pour les 5 autres pays (dont la Tunisie);

(ii) Pour les guérisons:

Deux pays émergent du lot : la Corée du Sud et l’Allemagne, avec 75% et 61%;

Un groupe médian fait de l’Espagne, l’Italie, la France et l’Algérie, avec une moyenne de 30%;    

Un groupe à très faible taux de guérison, avec une moyenne de 6%: les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Tunisie et le Maroc.

Ainsi, rien qu’avec ce mini-panorama de 10 pays sur 200, on peut retenir quatre modèles géopolitiques de comportement vis-à-vis de la pandémie:

A.  Un Modèle de pays euro-américains, développés et ouverts à l’international, un Etat structuré, avec une certaine discipline sociale, des systèmes de santé relativement consistants mais avec des lacunes ;  
B. Un Modèle de pays euro-américains, développés et ouverts, avec Etat structuré, de la discipline sociale et avec des systèmes de santé très costauds ;
C. Un Modèle de pays asiatiques, développés et ouverts, avec systèmes de santé costauds, de la discipline sociale, un Etat structuré, un niveau très élevé de développement technologique et une certaine expérience des épidémies de virus ;
D. Un Modèle type pays Maghreb, avec un niveau de développement faible à moyen, une moindre ouverture à l’international, un système de santé insuffisant, un Etat plus ou moins structuré, une discipline sociale insuffisante.  

Quel genre de conclusion pourrons-nous alors en tirer pour la Tunisie?

Apparemment nous partageons avec l’Algérie et le Maroc les mêmes insuffisances en matière de tests, ce qui fait que le nombre de cas pour 100.000 habitants, qui est 222 pour les pays autres que le Maghreb, soit 32 fois supérieur à celui des 3 pays nord-africains, qui est de 7 pour 100.000!

Mais cela n’est probablement pas le seul facteur explicatif de l’extrême faiblesse du nombre de cas pour les pays du Maghreb, la très faible insertion dans les chaines mondiales de la valeur compte pour beaucoup dans cette « singularité », pour le moment heureuse, de notre Maghreb, un petit peu à la marge des très grands courants de l’échange mondial et de l’interdépendance;

C’est pourquoi l’on pourrait estimer pour la Tunisie que, si d’un côté l’on peut affirmer que le pays est très loin des taux de prévalence de la pandémie atteints par d’autres pays, tel que cette moyenne de 222 pour 100.000 habitants, néanmoins, le pays n’ira vraisemblablement pas vers ces sommets de la maladie;     

Cela nous amène au point principal de cette conclusion, à savoir que le pic pour la Tunisie pourrait se situer à 4500-5000 cas de COVID-19 et cela serait atteint vers la fin-mai;

Or, pour pouvoir affronter cette échéance il faudrait pouvoir disposer de 20% de lits spécialisés pour les cas les plus difficiles, soit 1.000 lits de réanimation, alors que l’on ne parle aujourd’hui que de 500 lits ; d’ailleurs l’une des expert(e)s médicales tunisiennes (excellente par ailleurs) s’exprimant à ce sujet a déclaré que la norme en lits de réanimation : c’est 5% du nombre total de lits, soit précisément 1.000 lits!

Ainsi, bien que tout indique que nous avons affaire plutôt à une Covidette, comparés à d’autres pays, nous donnons parfois l’impression du risque de nous y noyer, alors que garder la tête en dehors de l’eau est tut à fait à notre portée!

Boujemaa Remili