News - 04.03.2020

Mohamed Salah Ben Ammar: La loi électorale, terreau de la corruption

Mohamed Salah Ben Ammar: La loi électorale, terreau de la corruption

Les tunisiens n’en peuvent plus du spectacle désolant que nous offrent les plénières de l’ARP. Populisme, nationalisme primaire, propos racistes, recours aux références religieuses pour stigmatiser l’autre, régionalisme, bref le niveau des débats est proche du zéro. Ce n’est pas le fait du hasard ou un accident de parcours. Beaucoup de députés l’ont souligné très judicieusement, le clientélisme, les cadeaux et d’autres considérations peu avouables ont faussé les résultats des élections de 2019. Plusieurs témoignages de candidats ou d’électeurs corroborent ces propos. Ce n’est pas des programmes chiffrés ou des projets de société qui ont déterminé le choix des électeurs.

Nos politiciens ne l’ignorent pas. Aimer son pays et la démocratie suppose refuser d’être financé de l’étranger. Pourtant rares sont ceux qui ignorent que la campagne électorale de 2019 des partis vainqueurs a été financée par des puissances financières étrangères et des hommes d’affaires locaux. Chacun avait ses protégés. Des sommes colossales ont circulé. Elles ont servi à financer des meetings, des déplacements, la location de permanences…et des instituts de sondages peu scrupuleux et des associations fantômes qui ont joué le rôle de courroie de transmission et des médias aux ordres etc. Bref les innombrables failles dans la loi électorale ont été systématiquement exploitées par les partis et les politiciens véreux.

De rares partis ont refusé de se salir les mains, ils ont un passé glorieux et des programmes crédibles, pourtant ils ne sont pas représentés à l’ARP.

Aux présidentielles les règles du jeu étaient différentes et l’effet de surprise a joué mais si rien ne change nos «grands partis» sauront s’adapter en 2024.

Notons ici que l’ISIE ne peut pas jouer le rôle de la cour constitutionnelle, elle est une instance en charge d’organiser les élections.

A quelques exceptions près, le silence complice des partis qui composaient la coalition gouvernementale était en soi parlant. Pendant trois ans on nous a abreuvé de slogans sur la lutte contre la corruption sauf que ceux-là mêmes qui criaient au loup se sont prêtés au jeu. Ils ont manœuvré nuit et jour pendant des mois pour créer un parti et rester au pouvoir. Nul n’a été épargné. Hommes d’affaires, puissances financières et en violation de la constitution, même l’administration a été mise à contribution, quelques gouverneurs ou délégués réfractaires l’ont payé cher.

Pourtant la lutte contre la corruption aurait dû commencer par-là où les choses se décident.

Alors ne soyons pas étonnés, le blocage institutionnel et le rejet que nous inspirent aujourd’hui les débats sous la coupole du Bardo ne sont que la conséquence logique de cette loi électorale.

Jusqu’à quel degré sommes-nous responsables de cette situation ? Difficile à dire, le plus grave est que la situation se chronicise. Les partis en place se préparent à des élections anticipées. Ils reproduisent les mêmes méthodes.

Les chantres de la propreté des mains et les chasseurs de corrompus savent que le cœur du pouvoir se trouve à l’ARP. Les failles dans la loi électorale sont connues de tous. S’y attaquer devrait être la priorité des priorités.

Mohamed Salah Ben Ammar