News - 26.02.2020

Mahmoud Anis Bettaieb: Tout compte fait, l’Etat est le problème

Mahmoud Anis Bettaieb: Tout compte fait, l’Etat est le problème

Tout compte fait, le problème c’est l’Etat. Peut-être devrai dire, l’Etat est à l’origine du problème, et des problèmes que vit actuellement la Tunisienne.

On a souvent tendance à mettre en cause, le peuple tunisien qui serait indiscipliné en ne déclarant pas et en payant pas ses impôts. Il serait à l’origine de la corruption,  magouilleur, fainéant, et j’en passe des qualificatifs souvent proclamés haut et fort par nos compatriotes sans aucune explication, ni analyse autre que l’observation.

Et c’est d’ailleurs cette observation qui me fait dire que l’origine de ses maux, certes profonds, n’est pas autant le citoyen, mais l’Etat.

C’est à l’Etat, au sens moderne, que revient la tâche ardue d’organiser la vie publique. L’éducation, l’enseignement, la sécurité, la santé, la fiscalité, etc., sont l’essence de ses tâches régaliennes.

Le citoyen, est certes responsable de ses actes, mais n’est-il pas quasiment obligé de frauder vu les taux d’impositions insupportables qui pèsent à sa charge? N’est-il pas dans l’obligation d’adhérer à un système clientéliste en recherchant dans chaque administration à avoir un relais, une connaissance, un point de contact pour pouvoir faire avancer ses démarches?

Je ne défends point ce genre de comportement, bien au contraire. J’essaie simplement de remettre les choses dans leur contexte. C’est l’échec total de l’Etat tunisien à agir en Etat, en République qui a abouti à cet état général de déception, de fraudes et de désespoir.

Il n y a une part de fainéantise dans le comportement de nos jeunes. Il y a juste un Etat qui a échoué à leur donner l’espoir et le travail.  Et je ne parle pas du travail dans la fonction publique. Non, je vise la possibilité de créer des entreprises, de réussir seul, de créer, d’exporter son savoir… L’Etat a-t-il permis aux espoirs de naître en libéralisant sa législation, en ouvrant les crédits bancaires aux jeunes, en supprimant les droits d’enregistrement et autres taxes sur les actes de création de sociétés… Evidemment la réponse est négative.

Les Tunisiens sont fraudeurs, adorent l’argent et l’amassent avec empressement, les Tunisiens encouragent la corruption en y adhérant… Ce sont les autres clichés que l’on entend chaque jour. En vérité, je me demande comment un simple tunisien pourrait se faire soigner avec son modeste salaire et son revenu ? A mon sens, toutes les instances possibles et imaginaires ne pourront réussir à arrêter et à endiguer ce fléau. Il nous faut juste un Etat juste et fort.

Pour finir, je ne manquerai pas de mettre en cause la justice et l’administration. Leur lourdeur, leur bureaucratie, leur manque de tact, font que le citoyen n’a absolument aucune confiance en eux et essaie de trouver un «contact», de frauder, de se débrouiller, selon la terminologie locale.

La débrouillardise, a mon sens, n’est pas le signe d’une quelconque intelligence collective ou individuelle tunisienne, c’est plutôt le signe d’un échec collectif, mais essentiellement de l’échec de l’Etat.

Réparer l’ascenseur social, appliquer la loi et rendre la justice avec célérité, voila entre autres ce que nous attendons de l’Etat.

Albert Einstein disait que «L’Etat est notre serviteur et nous n’avons pas à en être les esclaves». A l’Etat de servir ses citoyen, et aux citoyen de ne pas en être ses esclaves.

Mahmoud Anis Bettaieb