News - 04.12.2019

Mongi Hamdi - Mali : Il faut agir vite par une nouvelle approche

Mongi Hamdi - Mali : Il faut agir vite par une nouvelle approche

Par Mongi Hamdi - Ancien ministre tunisien des affaires étrangères et ancien envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies au Mali et chef de la Mission de Maintien de la paix au Mali (MINUSMA)

Ce coup dur récemment subi par l'armée française au Mali devra servir de détonateur afin qu'une prise de conscience soit faite à tous les niveaux. La triste collision entre deux hélicoptères des forces Barkhanes opérant au Mali s'était soldée, il y a quelques jours par la mort tragique de 13 jeunes soldats français. Paix à leur âme. Le bilan est très lourd, des jeunes sont partis brusquement laissant beaucoup de chagrin, d'émotion et surtout une grande colère. En effet depuis 6 ans, les militaires français, venus en sauveurs du Mali, ayant empêché la capitale Bamako de tomber entre les mains des rebelles du Nord du Mali, semblent, depuis, piétiner face au monstre terroriste qui prend ancrage dans une région fragile en proie à des convoitises à caractère multiple. Nonobstant la bonne volonté des uns et des autres que j'ai pu constater personnellement sur le terrain lors de mon séjour dans la région en tant que Secrétaire général adjoint de l'ONU, chef de la Minusma, j'estime que le tragique accident ayant entraîné la mort de 13 soldats français interpelle toutes les parties pour qu'elles mettent en œuvre une stratégie réaliste répondant aux données sur le terrain et prévoyant de véritables solutions à court, moyen et long terme.

Je l'ai déjà dit et je le redis encore une fois, le Mali vaste comme presque 2,5 fois la France (1.242 million km2) et avec 7 pays voisins dont quelques uns ayant de très longues et poreuses frontières (avec la Mauritanie, 2200 km de long et avec l’Algérie, 1330 km de long), le Mali gangrené par les antagonismes ethniques, les difficultés économiques et sociales, la corruption, ne peut pas en l'état actuel des choses assurer la protection de ses frontières. Les contradictions dans ce vaste pays sont exploitées par les groupes terroristes qui ont réussi, avec des connivences internes, à transformer le pays en une vaste base arrière du terrorisme sous des couleurs différentes.

La France ne doit pas se désengager du Mali, mais…

l faut agir vite par :

  • une nouvelle approche où l'Europe toute entière et pas uniquement la France, prend à bras le corps le dossier malien et s'y investit,
  • exercer des pressions sur toutes les parties prenantes pour que les clauses de l'accord de réconciliation national et de paix, négocié à Alger et signé à Bamako le 20 juin 2015, soient appliquées particulièrement les droits des communautés dans le nord du Mali,
  • aider les pays de la région du Sahel à se doter d'une armée nationale à même de défendre les frontières des pays respectifs et à contribuer au maintien de la paix à l'intérieur des frontières,
  • persuader les régimes fragiles de la région que la mauvaise gouvernance, la corruption, l'absence de programmes de développement encouragent l'utilisation de la violence et préparent le lit au terrorisme,
  • impliquer tous les pays de la région, les membres du G5 ainsi que ceux de l'Union du Maghreb Arabe (UMA) dans la recherche d'une solution à long terme. Le Mali n'est que la face apparente de l'iceberg. Les conséquences sécuritaires pourront toucher des pays de l'Europe.
  • contrairement aux souhaits des terroristes de voir la France partir, le coup dur subi par l'armée française devra servir de détonateur afin qu'une prise de conscience soit faite à tous les niveaux. La situation au Mali est très préoccupante car outre la contagion imminente qu'elle pourrait faire pour les pays voisins tels le Burkina Faso ou le Tchad et dans une moindre mesure le Niger, les risques d'un exode massif des populations à la recherche d'une paix inclusive et d'une sécurité introuvables pourraient renforcer une migration clandestine parfois meurtrière et dramatique
  • enfin le mandat actuel de l'ONU au Mali devra être renforcé et consolidé

En définitive, la mort tragique de 13 jeunes soldats français devra renforcer la conviction que la tragédie malienne est la notre et qu'il faut y mettre un terme pour que les hors la loi, les destructeurs des Etats, les criminels, les trafiquants de drogue, bref les terroristes obscurantistes, sachent que l'ordre mondial est difficile à atteindre tant que la solidarité entre les peuples est une pratique courante, une réalité inébranlable.

M.H.