Opinions - 16.09.2019

Ahmed Friaa : La Tunisie face à une situation où prime l'aventurisme et plane le risque d'une société encore plus divisée

Ahmed Friaa : La Tunisie face à une situation où prime l'aventurisme et plane le risque d'une société encore plus divisée
Commentant les résultats préliminaires du premier tour de l’élection présidentielle en Tunisie, l’universitaire et ancien ministre Ahmed Friaa, s’interroge «comment se dessaisir de cette maladie que constitue "l'égo hypertrophié" ?». Déplorant l’absence de sagesse, ce qui a conduit à la dispersion des voix et au désarroi des Tunisiens, il craint l’approfondissement des lignes de fractures au sein de la société tunisienne. Opinion.
 
Aujourd'hui, comme de nombreux tunisiens, je suis triste pour mon pays.
J'ai peur en effet qu'il rate de nouveau une bonne occasion pour sortir de cette situation quelque peu paradoxale, qui fait que les principales revendications de la population sont à connotation socio-économique alors que les raisons qui freinent la réponse à ces revendications légitimes sont essentiellement d'ordre politique et culturel. A mon humble avis, notre pays aura du mal à s'en sortir dans le cadre du système politique actuel, qui se trouve être chargé d'erreurs logiques et de contradictions. Il ne pourra non plus s'en sortir sans une véritable politique culturelle à même de changer les mentalités et faire en sorte que priment l'intérêt général, le goût d'entreprendre, l'esprit d'initiative et l'aspiration vers l'excellence.
Je ne connais pas personnellement les deux candidats qui, selon les résultats provisoires, semblent appelés à s'affronter au deuxième tour et je ne peux que les féliciter pour la confiance placée en eux par les électeurs qui les ont choisis.
En revanche, je voudrais rappeler qu'avec d'autres patriotes, je me suis attelé, tout au long de ces dernières années, à convaincre les principaux responsables des partis centristes de la nécessité de s'unir autour d'une plateforme politique qui pourrait constituer un dénominateur commun, de nature à permettre la relève des nombreux et redoutables défis auxquels se trouve confronté notre pays. Ce qui aurait conduit naturellement au choix d'un candidat unique représentant l'ensemble des sensibilités au sein de cette grande famille qui représente une bonne majorité au sein du corps électoral, à condition que chacun fasse l'effort de se dessaisir de cette maladie que constitue "l'égo hypertrophié" 
Malheureusement, cette voix de la sagesse n'a pas été entendue. Ce qui a conduit à une dispersion des voix, au désarroi de nombreux citoyens, faisant perdre au pays une bonne occasion pour éviter de se trouver face à une situation où priment l'aventurisme et plane le risque d'une société encore plus divisée, regardant davantage vers le passé, au moment où le monde alentour , dominé par le savoir, avance à toute vitesse.
Plus que jamais me paraît aujourd'hui pertinente la célèbre citation du mathématicien et révolutionnaire français, Condorcet, qui disait :
"Un peuple qui n'est pas éclairé par des philosophes est trompé par des charlatans !" 
Et que Dieu préserve notre chère Tunisie.
Ahmed Friaa