News - 30.08.2019

Mohamed Larbi Bouguerra: Quand the Guardian de Londres ausculte les plages tunisiennes

Mohamed Larbi Bouguerra: Quand the Guardian de Londres ausculte les plages tunisiennes

Le journal de la Télévision publique El Watania 1 a fait état, mercredi 28 août 2019, de la décision du Ministre du Tourisme de faire de Tinja (Lac Ischkeul, Gouvernorat de Bizerte) une cité touristique. De plus, le correspondant de la chaîne à Zarzis a fait des gorges chaudes en découvrant le kitesurf sur la plage de la ville.

Tourisme, plages, côtes…Cela m’a remis en mémoire un récent article traitant de nos plages paru sur The Guardian de Londres.

Sous le titre glaçant :« Les poissons sont noirs à l’intérieur : la pollution abîme les plages tunisiennes », Simon Speakman Cordall- journaliste basé à Tunis- rend compte dans The Guardian du 9 juillet 2019 de l’état de nos plages.

Son article a été écrit apparemment en juin et il part de la Goulette « dont la plage n’est plus ce qu’elle était » lui assure-t-on.Le journaliste discute avec des défenseurs de l’environnement tunisiens. L’un d’eux affirme avec insistance : « Il n’y a pratiquement plus de poissons. Ceux que l’on pêche sont sales. Quand on ouvre les branchies, on découvre que c’est noir à l’intérieur. »

Mais, il n’y a pas que les eaux de la Goulette qui posent problème. Tout le Golfe de Tunis met en colère les activistes : les eaux usées tant domestiques qu’industrielles des 600 000 Tunisois, en plus de celles provenant des ports et des industries autour du Golfe impactentle capital halieutique et constituent un danger évident pour la santé humaine. Rien de bien nouveau sous le ciel pourtant : la question de la pollution en Tunisie est ancienne mais la Révolution de 2011 a délié les langues….

Officiellement, le quart des eaux usées est recyclé pour, entre autres, irriguer des cultures. Le reste- soit près de 247 millions de m3/an- est rejeté par les stations de traitement directement à la mer ou dans les cours d’eau. La réglementation exige que les eaux industrielles soient d’abord traitées à la source avant d’être soumises à des traitements ultérieurs mais les militants s’interrogent quant à son respect.
Il y a trois grandes stations de traitement des eaux autour du Golfe de Tunis : au nord-ouest à Radès, près de la Goulette à l’ouest et à Soliman, vers la zone industrielle sud du Golfe. Elles sont toutes exploitées par l’ONAS qui relève du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable et qui est fortement subventionné par des organismes internationaux.

« C’est fou » s’exclame un ingénieur, défenseur de l’environnement, « nous avons testé l’eau à son entrée dans l’unité de traitement et nous l’avons testée à sa sortie. Je peux vous l’affirmer, la différence est vraiment minime. » Pour ce qui est du Golfe, les choses sont claires pour ce militant : « Entre 2016 et 2017, nos résultats sont cohérents. Nous avons trouvé des concentrations élevées de nitrates, de particules de manganèse, de phosphates ; plus, entre autres, des coliformes et des streptocoques provenant des excréments humains. Rien de bon pour la santé. Le gouvernement conteste ces résultats mais refuse de discuter de sa méthodologie avec nous. Il est par conséquent difficile de prendre au sérieux ses dénégations. Le traitement des eaux usées est entièrement centralisé. Tout passe par l’ONAS jusque et y compris les prêts de développement consentis par la Banque Mondiale, l’Union Européenne et la Banque Allemande de Développement. Nous leur avons montré nos résultats. Ils sont au courant de ce qui se passe. Ils savent que cela ne marche pas. Ils ne sont simplement pas intéressés. Il semblerait que personne ne se soucie du fonctionnement de ces unités de traitement. L’ONAS est en charge de leur  fonctionnement et cet office relève du Ministère de l’Environnement et savez- vous qui en contrôle l’efficience ? Le Ministère de l’Environnement. »

The Guardian rapporte les propos d’une militante tunisienne qui renchérit : « Il n’y a pas que le Golfe de Tunis. Des pans entiers de la côte sont inutilisables autour des villes industrielles de Sfax et de Gabès qui sont proches du bassin phosphatier de Gafsa. De nombreux cours d’eau tunisiens sont aussi affectés par l’industrie lourde telle la production du papier (cellulose). Les polluants industriels entrent ainsi dans l’environnement local et impactent les gens avant d’aller à la mer. Les poissons, et particulièrement les gros poissons, sont en train de mourir. Certaines zones sont totalement mortes. Il y a peu de suivi et de contrôle. Les industries polluantes peuvent rejeter leurs déchets presque sans traitement puisqu’il n’y a aucune inspection et que personne ne leur demande de rendre compte. »

L’article de Simon Speak man Cordall se termine en notant que tout ceci est bien connu des activistes tunisiens. « Ils vivent ainsi que leurs familles, depuis des années, avec cette pollution croissante de l’eau.

Cependant, dans un pays luttant contre un chômage chronique et contre une inflation toujours croissante, ils sont bien conscients du besoin pressant d’avoir des industries et des emplois… »

Mais industries et emplois doivent-ils être obligatoirement accompagnés de pollutions et de nuisances ? That’s the question !
Point d’orgue de cet article du Guardian : le ministère de l’Environnement n’a pas répondu aux sollicitations du journaliste qui voulait recueillir son avis sur les constats dressés par les militants tunisiens de l’environnement. 

En attendant, écrit le journaliste, les enfants de la Goulette continuent de se baigner dans « des eaux troubles….comme ils l’ont toujours fait. »
A noter que l’article du Guardian est illustré par une photographie du site du GCT à Gabès « une des rares oasis côtières » qui rejette à la mer 14 000 tonnes de phosphogypse par jour. 

Mohamed Larbi Bouguerra