News - 28.07.2019

Le coup d'éclat d’Emmanuel Macron à Carthage

Le coup d'éclat d’Emmanuel Macron à Carthage

Par Monia Kallel - ‘’L’égalité de l’héritage, le projet du peuple’’. Dans son éloge funèbre, le dernier du cérémonial de Carthage en ce 27 juillet 2019, E. Macron a célébré les qualités du grand BC, sa force de caractère, sa sagesse, ses audaces, ses talents de diplomate aguerri. Et, à la différence des autres chefs d’Etat, il a axé son discours sur l’Œuvre de cet "homme de combat et de conquête" en présentant son parcours et le livre où il a réfléchi à ce parcours, ses principales réalisations et son programme resté à l’état de projet, le projet de loi sur l'égalité de l'héritage qui devait continuer et concrétiser ce que le fondateur, Bourguiba, n'a pas pu ou osé faire.

Avec de petites phrases, tournées au futur et rehaussées par une fougue « juvénile », le Président français a réactivé le rêve destourien de BCE et l’a inscrit dans le devenir de la Tunisie postrévolutionnaire. Mais son coup d’éclat réside dans le fait d’avoir déplacé la question de l’égalité de l’héritage pour l’attribuer au peuple tunisien qui en devient à la fois le dépositaire légitime et le moteur dynamique. Le dialogue qu’il instaure, à travers le livre de BCE (Habib Bourguiba, le bon grain et l’ivraie, édité en 2009 chez Sud Edition), vise à montrer la différence entre autrefois et aujourd’hui. Aux « peuples ingrats » qui ont réservé à leurs dirigeants, Hannibal et Bourguiba, des « funérailles cruelles », rappelle Macron, lecteur de BCE, succède le peuple qui « n’attendra pas », et qui ne tardera pas à exprimer sa reconnaissance et aussi à faire sienne l’Œuvre inachevée de son Président. Ce peuple, désigné au singulier, est désormais, gros de cet embryon pour lequel il continuera le « combat».

Parallèlement à cet hommage qui a fait vibrer la grande salle du Palais, s’écrit un autre hommage-témoignage dans les rues, les avenues, et les places de Tunis où des milliers de citoyens, hommes et femmes,  jeunes et moins jeunes, sont venus prendre leur revanche sur l’Histoire et accompagner dignement leur Président jusqu’à sa dernière demeure dans un défi insolent (au sens étymologique d’insolite) de la chaleur, des sueurs, et de l’encombrement. Preuve qu’un peuple libre n’est, en effet, jamais oublieux, ni « ingrat », et que rien ne peut arrêter son élan de sympathie voire d’empathie envers les dirigeants qu’il sent loyaux et « porteurs » de sa cause.

Emouvantes, Fortes, et Bouleversantes de Sincérité, les images captées dans la capitale tunisienne et diffusées dans le monde entier constituent le vrai bilan de feu BCE. Ces images  sonnent également comme une réponse anticipée et un avertissement aux futurs candidats à la Présidence. Elles concernent moins ceux dont le projet idéologique ne cadre pas avec l’école destourienne- en dépit des déclarations, sincères ou stratégiques et manipulatoires de certains chefs- que les dits « démocrates » qui s’arrachent l’héritage bourguibien et revendiquent, à cor et à cri, la filiation  (génétique ou spirituelle) de feu BCS.

« Celui qui a prévenu est excusé », dit le proverbe tunisien. Les politiques qui entendent prendre le relais des «engagements destouriens » (Macron) savent désormais ce qui les attend et ce qu’on attend d’eux. Car cette « Tunisie ouverte, tolérante, patriote, fidèle à elle-même » repose sur un pilier essentiel, la femme.

Merci M. Macron de l’avoir rappelé, par des mots justes et clairs, sans ambiguïté ni fioriture, en ce jour solennel et 2019 et devant cette assemblée de dirigeants (majoritairement arabe). 

Merci aussi de l’avoir rattaché à la mémoire de feu BCE, ce digne disciple de Bourguiba dont les derniers jours n’ont pas été de tout repos, entre ceux qui le violentent en parlant en son nom et ceux qui l’accusent d’avoir « transgressé » le Destour pour lequel il a donné sa vie.

Merci surtout d’avoir inscrit cette « place inédite de la femme » dans la marche des siècles et des peuples. Mais, permettez-moi, Monsieur le Président, d’ajouter que cette marche remonte loin, bien plus loin  dans l’Histoire, et que l’égalité de l’héritage n’est que son aboutissement logique, et irréversible, une Histoire dont nos aïeux et aïeules ont posé, laborieusement,  pierre après pierre, les premiers jalons avant que les destouriens ne viennent les « porter », les « embrasser et les articuler avec les « combats » actuels de l’Homme moderne.   

Monia Kallel