News - 16.07.2019

Ezzeddine Ben Hamida: L’égalité dans l’héritage entre les deux sexes : une nécessité démocratique

Ezzeddine Ben Hamida: L’égalité dans l’héritage entre les deux sexes : une nécessité démocratique

Les principes de partage de l’héritage dictés par le Coran, déjà plus de 14 siècles, répondaient à des conditions socioéconomiques et culturelles particulières. Le contexte d’aujourd’hui est différent. En Europe, au moyen âge, le statut général de la femme était aussi très précaire. L’église lui reconnaissait une personnalité juridique, mais elle l’empêchait le plus souvent de l’exercer. Ainsi, dans les deux sociétés, la voix féminine ne pouvait s’exprimer d’autant plus que l’instruction des femmes restait très limitée.

1/ L’héritage dans les sociétés traditionnelles : le principe de la non-parcellisation et de solidarité intergénérationnelle

L’islam, contrairement à ce que pense une importante majorité des conservateurs, a cherché dès le début à libérer la femme de l’emprise qui s’exerçait sur elle. Le prophète Mohamed était donc progressiste: imposer un droit à l’héritage  pour les femmes, infime soit-il, était déjà vécu comme un pas de géant.

1.1/ Le principe de la non-parcellisation

Les femmes en effet n’avaient aucun droit à l’héritage car très souvent elles étaient contraintes à se marier à des personnes en dehors du clan, de la tribu. C’était une manière de pacifier les relations entres clans et tribus et de tisser des liens d’alliance. Le mariage avait donc une vertu politique pacificatrice, mais qui imposait une règle d’héritage discriminatoire : Par crainte que le patrimoine soit parcellisé, fragmenté, les femmes en étaient exclues.

Cette caractéristique n’est d’ailleurs pas propre à la péninsule arabique ; on la trouve, d’après les anthropologues , dans toutes les sociétés traditionnelles en Europe, en Asie et en Afrique où la structure familiale de type patriarcale.   L’organisation et la structure sociale étaient donc de nature tribale et calanique. Dans ce mode de sociétés traditionnelles, le droit répressif est dominant. L’individu se fond au sein d'une communauté.  La solidarité est qualifiée de mécanique car elle repose sur les similitudes qui unissent les individus. (Emile Durkheim)

1.2/ la transmission de l’héritage constitue une garantie pour la solidarité

L’Etat dans son sens moderne n’existait évidemment pas ; la solidarité intergénérationnelle, c’est-à-dire la prise en charge des parents était assurée par les garçons, voire seulement l’aîné. Ce qui justifiait la transmission du patrimoine, généralement,  au profit de ce dernier.
En résumé,  la crainte de parcellisation du patrimoine et la nécessité de prise en charge des parents expliquaient les règles d’héritage qui caractérisaient les sociétés traditionnelles. Dans nos sociétés modernes la solidarité intergénérationnelle est prise en charge par l’Etat et la transmission du patrimoine a perdu de son importance. 

2/ Les sociétés démocratiques aspirent à l’égalité entre les sexes

Pourquoi doit-on garder des règles qui datent de plus de 14 siècles et par-dessus-tout incompatibles avec les traits de nos sociétés modernes : le développement économique, industriel, culturel et l’urbanisation ont chamboulé, de fond en comble, les formes de solidarités et ont crée d’autres formes de lien social.

2.1/ l’Etat social moderne assure la solidarité collective…

Jusque-là, c’était uniquement à la famille et à la communauté de prendre en charge les risques de la vie, comme la maladie ou la vieillesse, et d’assurer les liens entre les individus.

Désormais, dans nos sociétés modernes marquées aussi par la montée de l’individualisme et le salariat, les systèmes de protection sociale constituent des remparts contre les risques de pauvreté grâce aux différentes politiques sociales et les mécanismes de redistribution horizontale (assurance) et verticale (assistance). En effet, l’action de l’Etat s’est profondément modifiée au cours du XXe siècle.
La Tunisie depuis son accession à l’indépendance a organisé progressivement une prise en charge collective de la solidarité grâce aux mécanismes des prélèvements obligatoires (cotisations sociales et impôts). Ce système de protection sociale a créé des droits sociaux qui se sont, peu à peu, étendus à l’ensemble de la population et à un ensemble de risques de l’existence (maladie, vieillesse,…). Certes, actuellement il est en crise aiguë de financement, mais il assure tout de même une cohésion sociale. Et même en Europe, les systèmes de protections sociales traversent des crises profondes de financement.

2.2/ …Plus rien ne justifie désormais les règles anciennes de l’héritage

La Femme tunisienne a joué un rôle indiscutable dans la lutte pour l’indépendance et en suite dans l’opposition. Aujourd’hui, elle représente notre dernier rempart contre le fondamentalisme et l’obscurantisme. Plus rien ne justifie à présent qu’elle soit lésée dans son héritage.

Ezzeddine Ben Hamida