News - 13.05.2019

Taïeb Houidi: Regards, en mai, sur la scène politique tunisienne

Taïeb Houidi: Regards, en mai, sur la scène politique tunisienne

Depuis plusieurs semaines, la vie politique s’agite. Approche des élections oblige… Malgré les variations erratiques des sondages, on peut tenter d’analyser le potentiel électoral des partis en se fondant sur les notions de «noyau» et de «périphérie»:

  • Ennahdha a son noyau traditionnel de 20-22% d’électeurs et une périphérie de 2 à 3% qui se rétracte ou s’affirme en fonction des gaffes ou des «bons coups» médiatiques de ses responsables. Car côté bonne gouvernance, il n’y a plus rien à en attendre. Il est crédité de 24% en mars et de18% en mai 2019, selon Sigma.
  • Nidaa se délite. En perdition accrue, son noyau varie entre 5 et 8 % selon que l’on considère l’union future ou la désunion définitive de ses deux clans. Quoiqu’il en soit, l’évolution de son potentiel électoral se contracte de façon drastique, dans la mesure où les tunisiens sont sceptiques sur les valeurs, la vision et les projets qu’il défend, sinon la poursuite de ses guerres intestines. Que BCE se présente ou non, l’avenir de ce parti, sensé représenter « l’État profond », est très compromis à cause de toutes les errances de ses dirigeants. Donc une périphérie quasi nulle pour les élections de 2019. On verra peut-être après…
  • TahyaTounes parti «né grand» selon ses promoteurs, organe transplanté, dont le leader et en même temps CDG, reste incapable de résoudre les difficultés et les frustrations d’un nombre croissant de citoyens. Depuis les accords avec Ennahdha qui ont été ressentis comme une trahison suprême à l’égard des tunisiens, ce fut le début de la fin… avant le début. Et ce, malgré tous les dénis. Crédité d’un score entre 8 et 12%, cette perception de parti-champignon lui confère un noyau dur peu stable. Son périmètre extérieur semble peu susceptible de croître (2 à 4% maximum), malgré l’avantage que donne le pouvoir à son leader. Dès que celui-ci quittera son poste (car il faudra bien que cela arrive), le mouvement de repli risque de s’amorcer vite, d’autant plus que la lutte pour les têtes de listes aux législatives commence à s’enfiévrer.
  • Le PDL vient de loin. Presqu’invisible dans le radar électoral il y a six mois, ce parti et sa présidente y font une entrée tonitruante. Il représente en fait le vrai «Etat profond», celui qu’a créé Bourguiba et qui reste solide et vivace dans la culture moderniste du pays, chez les entrepreneurs et les artisans, les enseignants et les médecins, dans l’administration, au cœur des campagnes et des villes. Il veut rétablir l’Etat, réhabiliter la République, moderniser le pays, ressusciter la valeur travail. Son noyau représente aujourd’hui 12 à 14% de l’électorat, mais sa périphérie est très importante. En matière électorale, on sait que la dynamique est un indicateur majeur de la progression d’un parti. Or, celle du PDL est très fortement ascendante.
  • Attayar s’appuie, depuis toujours, sur la lutte et l’éradication de la corruption. Un thème porteur aussi bien en Tunisie que sous d’autres cieux (Slovaquie, Ukraine), mais qui risque d’être emporté chez nous par l’accusation de populisme. Le parti de Abbou a un noyau (4 à 5%) et un potentiel assez large, mais qui dépend de « l’air du temps » : la conjoncture des mois qui restent peut centrer l’intérêt de l’électeur sur cette question (qui, soit dit en passant, a été confisquée en partie par le CDG actuel), au détriment d’autres attentes : pouvoir d’achat, inflation, Dinar. Mais il faudra alors que ce parti propose une vision plus complète de la gouvernance qu’il propose aux tunisiens.
  • Le parti des travailleurs de Hamma Hammami a un solide noyau de 6-7% des électeurs. Mais difficile à bouger dans son idéologie d’extrême gauche, il a une périphérie assez réduite de 1 à 2%, tant il est difficile de le voir évoluer vers une vision réaliste de la politique. 
  • Les autres partis : Al Badil, Afek, Al joumhouri, Al Massar, etc… se réclamant d’un centrisme moderniste ou d’un social-libéralisme restent cantonnés dans des scores variant entre 0,3 et 2,5% au maximum. Seul un mouvement de fond les incitant à se regrouper pourrait s’avérer salvateur et leur conférer une présence active et utile dans le champ politique.

Le paysage est susceptible de forts soubresauts d’ici la date des élections et les surprises vont être grandes de la part de certains partis, notamment le Parti destourien Libre, considéré comme négligeable par ses contempteurs. La partie est loin d’être finie.

Taïeb Houidi