News - 30.04.2019

Nebiha ben Hammoud: Le pouvoir de la musique, suffit-il ?

Nebiha ben Hammoud: Le pouvoir de la musique, suffit-il ?

Il y a de la musique dans le soupir du roseau ; Il y a de la musique dans le bouillonnement du ruisseau ; Il y a de la musique en toutes choses, si les hommes pouvaient l'entendre.(Lord Byron)

L’APAHT, voilà il y a plus de deux décennies que cette association existe et lutte pour sa survie, pour la vie de ses enfants et pour leur épanouissement. Avec peu de moyens et beaucoup d’amour, de dévouement, d’inventivité et d’affinité, l’association a, petit à petit, construit son success story.

L’APAHT (Association des parents et amis des handicapés de Tunisie) vient d’organiser son spectacle annuel au Théâtre Municipal de Tunis comme à l’accoutumée.   Ce sont les enfants de la Chorale du centre « Jeunes d’Al Walid », dont l’âge moyen est de 30 ans -car ils ont bien grandi, et certains approchent de la quarantaine- qui ont présenté leurs dernières  et remarquables performances dans un décor merveilleux qui ne leur est pas du tout étranger.

Ces manifestations annuelles, couronnent, à chaque fois, le labeur de cette association, sa persévérance et ses réalisations telles que concrétisées, lors de ce spectacle,  par la petite chorale aux grands exploits.

Or, ce centre a une particularité : il a, parmi les différentes thérapies adoptées, misé, semble-t-il, sur la musicothérapie. La musique s’avère être donc la thérapie idéale  pour ces enfants certes handicapés mais comblés, offrant l’image de personnes, adultes, mélomanes, épanouies et fières de ce qu’elles font.

En d’autres termes, prendre part à ces spectacles  est une invitation à entrer en symbiose avec cette petite communauté qui a, malgré la souffrance, grandi par, pour et dans la musique. C’est avouer qu’à chaque spectacle, nous prenons  conscience d’un phénomène qui nous échappe souvent : Nous nous rendons à l’évidence qu’il y a, devant nous, des êtres, maintenant femmes et hommes, dont le rêve est de prouver, par le chant, qu’ils sont nos égaux, qu’ils apprécient, qu’ils ressentent et extériorisent leur amour pour la musique et pour la vie.

Il est à noter que la chorale offre, chaque année, un programme innovant, un code vestimentaire rigoureux mais select, un décor inspirant et une  musique puisée dans le patrimoine musical national et arabe puisqu’on y écoute aussi les maqamat.

C’est dire que pour initier ces enfants à la belle musique, la délicate tâche est confiée, depuis le début, au Maestro Zouhair Mili. Evidemment, son rôle est central  dans la mesure où, avec  sa baguette magique, il dirige sa chorale. Et ayant pour seul geste expressif, un large sourire, le chef d’orchestre, tel un père Noël, invite ses enfants  à décoller, à être emportés haut, très haut.... ils  planent sous son regard affectueux. Ils laissent libre cours à leurs impulsions, ils se déchainent et ôtent leur handicap. Et avec l'enchantement et les applaudissements des spectateurs, ils extériorisent leur joie. Ils sont maintenant libérés, balancés par les rythmes d’une musique authentique, une musique qu’ils assimilent bien. De quel handicap parlez- vous, donc? Au rythme des mélodies, ils savent quand  être sensibles et interpréter le rôle d’un chanteur ravagé par un amour intransigeant et prétentieux. Ils savent aussi exprimer   le bonheur d'un être comblé, aimé et aimant. Et pour  interpréter une chanson culte de l’icône égyptienne Shadia, un duo mère-fils impose le  changement et les visages deviennent sereins. L'audience presqu'entièrement en larmes, se laisse balancer, entraîner par cette mélodie emblématique.
Il faut dire que pour comprendre l’impact de la musique sur ces jeunes gens, l'explication de l’une des mères, au cours d'une interview, est sans équivoque « dans les moments difficiles, je me mets à chanter et mon fils prend plaisir à écouter et à interagir... » C'est dire que pour cette communauté, il s'agit plutôt et essentiellement de musicothérapie. C’est que la musique, selon le rythme, aurait disposé ces enfants à la retenue, à l’action ou au plaisir.

Il faut dire aussi, que c’est, sans aucun doute,  grâce à cette sorte de maïeutique opérée par le Maestro Mili, que les enfants d’Al Walid prouvent, à chaque performance, qu’ils possèdent bien des vertus, qu’ils savent aimer et se laisser guider.

Par ailleurs, l’une des fondatrices de l’association, a, dans son discours de bienvenue, souhaité un soutien plus prononcé. Mais, a, amèrement transmis un message fort  retentissant : « Nos enfants grandissent, certains approchent de la quarantaine, nous aussi, prenons de l’âge. Qui prendra la relève, qui parmi les jeunes, nous soutiendra et aidera nos enfants à vieillir dans l’aisance. »
Une phrase qui retentit sans cesse, ébranle notre conscience et  nous invite à renforcer notre engagement.

NBHA