News - 14.03.2019

Mohamed Larbi Bouguerra: Il n’y a pas que l’école… de la météo à la navigation aérienne…. l’islamisation rampante est la !

Mohamed Larbi Bouguerra: Il n’y a pas que l’école… de la météo à la navigation aérienne…. l’islamisation rampante  est la !

« Le fanatisme est un monstre qui ose se dire le fils de la religion. » (Voltaire)

La bien triste affaire du devoir de physique du lycée pilote de Kairouan s’inscrit dans une islamisation rampante qui ne doit pas faire oublier que,  tous les soirs,  sur la télévision nationale, les heures du lever et du coucher du Soleil sont données sous réserve de « la volonté divine » et que,  lorsque nos avions décollent et atterrissent, c’est toujours par « la grâce de Dieu » - énoncé exclusivement en langue arabe- qu’ils accomplissent le voyage, à en croire  le chef de cabine! Ainsi, sont passés à la trappe les calculs des astronomes,  la poussée des réacteurs voulue par les ingénieurs et le carburant qui ne gèle pas dans le réservoir de l’avion alors que la température à l’extérieur de l’avion est à -50°C grâce au travail du chimiste !

Hypocrisie à tous les étages ! Evacuation de la Science…pour « déculturer » et enfermer les gens dans la  camisole de force de l’irrationnel. Pour s’emparer de leur libre arbitre. 
L’imam Ghazali en personne, loin de tout concordisme, écrivait vers 1100 : « L’homme qui imagine que l’Islam est défendu quand il rejette les sciences mathématiques commet en vérité un crime grave contre la religion. »
Récemment M. Abdelaziz Kacem rappelait fort opportunément le sage conseil de Jacques Berque aux musulmans de ne pas faire du Coran un manuel de sciences exactes (Lire sur le site de Leaders) et de citer le cas de l’Eglise catholique qui a dû, toute honte bue, déclarer le 9 mai 1983, par la voix du pape Jean-Paul II : « C’est seulement à travers l’étude humble et studieuse que l’Eglise apprend à dissocier l’essentiel de la foi des systèmes d’un âge donné. » Triste victoire pour Galilée en vérité que l’Eglise  avait rendu aveugle et contraint d’abjurer son travail ! Triste victoire pour Giordano Bruno brûlé sur le bûcher par l’Eglise catholique !

Versets du Coran dans le devoir de  physique ? Gare aux contre-sens!

La grande islamologue Jacqueline Chabbi rappelle dans un excellent ouvrage « Les trois piliers de l’Islam » (Editions du Seuil, Paris, 2016) que l’interprétation des djihadistes- qui prétendent faire retour à la lettre du Coran et à l’islam des origines- ne repose sur aucun fondement : «  Les mots du Coran, si on les analyse dans une perspective historique, répondent d’abord à un terrain et aux conditions de vie des hommes qui y habitent ». Pour un bédouin,  au VIIème siècle,  le mot « charia » veut dire : « point où l’eau affleure et où le troupeau peut s’abreuver. » Jacqueline Chabbi montre ainsi que cela n’a rien à voir avec la prétendue loi divine élaborée bien plus tard.

Des visions diamétralement opposées

En 1869, l’empereur du Japon Mustsushito (dynastie Meiji) est arrivé à mettre fin à la suprématie des Shoguns, ces seigneurs féodaux qui,  depuis 250 ans,  fermaient l’archipel nippon  face à l’influence européenne et spécialement face  à celle de la Compagnie de Jésus (Ordre des jésuites). Il mit fin à l’isolement du pays en proclamant que « La connaissance devra être recherchée à travers le monde pour renforcer le pouvoir impérial….Si nous voulons placer notre pays sur des fondations sûres, assurer sa prospérité et en faire l’égal des nations avancés, la meilleure façon de le faire est d’augmenter notre savoir et de ne plus perdre de temps pour développer la recherche scientifique. »
Aucune référence à la religion bouddhiste ou shintoïste pratiquées dans l’empire du Soleil Levant…alors que l’empereur était encore considéré comme un dieu et que nul ne devait regarder et alors que le Japon était couvert de temples!
On décida d’importer la science et la technologie occidentales. Le ministère de l’Engineering est fondé en 1870, des centaines d’ingénieurs étrangers furent embauchés pour construire le réseau ferré et celui du télégraphe. La technologie étrangère permit de développer les mines, la filature du coton. La première école d’ingénieurs vit le jour en 1873 avec un corps enseignant du Royaume Uni  utilisant exclusivement l’anglais. Des facultés furent construites pour former des agronomes, des médecins, des biologistes, des chimistes et des physiciens.

Nulle considération religieuse ne gêna cet effort.

Comme nous sommes loin de tout cela dans notre sphère culturelle !

Le regretté Rachid Mimouni décrit avec un humour acide la perception des sciences qu’avaient les étudiants  algériens lorsque le FIS tenait le haut du pavé: «Les sciences humaines restent globalement suspectes… et sont transformées en cours de propagande islamique. Les étudiants… n’entendent jamais parler de Darwin, Freud, Auguste Comte et encore moins de Marx… Ibn Khaldoun lui-même n’y est guère en odeur de sainteté. La biologie, la médecine et surtout la chirurgie suscitent des réticences [pour leur matérialisme]… Restent les sciences exactes supposées neutres… L’informatique est très prisée. Lorsqu’ils voient sur l’écran de l’ordinateur s’inscrire nos lettres arabes, ils sont convaincus que la langue du Coran est entrée dans la modernité, ignorant que ce n’est que l’effet du logiciel conçu aux Etats Unis avec la collaboration d’émigrés libanais*. » L’excellent Mimouni poursuit parlant des examens: « Dans certaines facultés, les islamistes sont assurés de leur réussite aux examens quelles que soient les notes obtenues. Tout enseignant qui s’aviserait de les recaler se verrait taxé de mécréant, car il aurait fait prévaloir les calculs de résistance des matériaux sur l’omnipotence divine qui peut faire tenir un immeuble dont les piliers ont été sous-dimensionnés ou provoquer l’écroulement d’un pont construit selon les normes requises. » et notre auteur  de conclure : « La religion a ainsi fini par investir tous les lieux de l’espace social, du culturel au scientifique. Dans ce cas, la barbarie n’est  jamais loin. Ni l’Inquisition et les bûchers. Les hommes de culture auraient été les premières victimes. »
En 1996, le FIS  déterra le cadavre de Mimouni et le démembra, affirment Jules Roy et Rachid Boujedra !

Il est clair que si nous laissons faire les adeptes du  sandwich physique-Coran concocté à Kairouan, nous allons droit  vers une situation  à la FIS pour  notre éducation. Enterrée l’école de 1956, l’école de Bourguiba, Chabbi et Messadi, l’école des Lumières ? Qu’il est triste de la voir ainsi sombrer,  tel un Titanic,  à l’heure où ailleurs,  les jeunes se mobilisent pour défendre l’environnement et leur devenir !

Mais  il est clair que l’examen de physique à la kairouannaise a des limites.

Empruntons au premier  musulman Prix Nobel de physique Abdus Salam*** (1979), spécialiste des particules élémentaires et grand promoteur des politiques scientifiques et d’éducation dans les pays en développement et au Pakistan quand il écrit : «  Une révolution explosive  dans la pensée s’est produite en 1926 quand Heisenberg a mis en évidence les limitations de notre Savoir. Le principe d’Incertitude de Heisenberg pose que,  alors que des expériences peuvent être faites pour déterminer où se trouve l’électron, ces expériences détruiront alors toute possibilité de trouver si l’électron est en mouvement et à quelle vitesse il se déplace. C’est là une limitation inhérente à notre connaissance. …Je tremble à l’idée de ce qui aurait pu arriver à Heisenberg s’il avait vécu au Moyen-Age… et les batailles théologiques qu’aurait suscité cette façon d’imposer une limitation au Savoir de Dieu**. »

Mais en science rien n’est révélé ni  définitivement admis,  poursuit le savant pakistanais même si l’expérimentation n’a jamais mis en échec le Principe d’Incertitude : on ne peut connaître  la fois la position et la vitesse d’un électron !  Einstein – ne pouvant contredire les données expérimentales- a passé une grande partie de sa vie à essayer de trouver une faille chez Heisenberg.

Sans résultat !

Mais, au fait, où sont le Ministre de l’Education et ses brigades d’inspecteurs et de délégués régionaux ? On compte, une fois de plus,  laisser passer l’orage comme pour la mort de Rahma et de Sourour, comme dans le cas de la soi-disant école coranique de Reguèb ? Le ministre de la Santé, lui, a eu la décence de démissionner ! Notre éducation passerait-elle après les minables dosages des politiciens ?

Même si «  rien n’égale la puissance de surdité volontaire du fanatisme » (Victor Hugo), ne mélangeons pas la foi avec la formation de nos enfants chez lesquels il faut allumer le phare de la Connaissance – dirait Aristote- et laissons à la seule science le soin de  décider de la pluie et du beau temps et de la marche de nos aéronefs !

Mohamed Larbi Bouguerra

*Rachid Mimouni, « De la barbarie en général et de l’intégrisme en particulier », Le Pré-aux-Clercs Editeur, Paris, 1992.
** « Ideals and realities. Selected essays of Abdus Salam », World Scientific, Singapore, 1987.
***Abdus Salam est un musulman ahmadi. En 1974, le gouvernement pakistanais déclara « non-musulman »tous les  ahmadi. Abdus Salam dut s’exiler en Grande Bretagne et démissionna de son poste de conseiller du gouvernement pour la physique nucléaire alors que l’Inde venait de réussir son premier essai de bombe atomique. Aujourd’hui, les fanatiques  ont  même effacé sur sa pierre tombale le mot de musulman ! Un film « Salam : The first****Nobel Laureate » vient de lui être consacré (Lire Science, 12 octobre 2018, vol. 362, n°6411, p. 162)