Opinions - 17.02.2019

Aïssa Baccouche: Le vieux renard et le jeune loup

Aïssa Baccouche: Le vieux renard et le jeune loup

Il était une fois un vieux renard qui se considérait, à l’instar de tous ses congénères, comme un animal rusé.

Quémandant l’adhésion des quadrupèdes, essentiellement des moutons et des brebis, qui peuplent son habitat, Panurge, c’est son nom, promit monts et merveilles : La paix, la prospérité, le progrès. Le paradis, quoi ! Son cri de ralliement fut : « la patrie avant les partis ».

Tout ce monde - beau et gentil – le crut sur paroles et accourut aux urnes pour exprimer au futur timonier un oui franc et massif.
Ces ouailles étaient d’autant plus emportés par cette verve messianique que son auteur, beau parleur de formation,  lui avait tenu un discours tranchant : ou c’est moi ou c’est le chacal, nommé Esope.

Les deux s’étaient apostrophés au premier temps de l’ébullition : « nous nous sommes tous les deux échappés des archives du Belvédère, chacun de son enclos », Mais grâce à l’entregent de deux âmes, nobles et charitables mais néanmoins volatiles comme la brise, les deux rescapés conclurent près des champs où se pavanent les coqs gaulois, un deal de bonnes manières : « A vous l’honneur et à moi le labeur ».

Le sort en fut jeté.

Le renard, bien assis sur son piédestal chargea un lionceau de gérer les affaires de la bergerie. Mais très tôt l’aîné des renardeaux, ne s’entendant plus avec le chargé d’affaires, convainquit son géniteur de remplacer ce dur à cuire par un louveteau docile.

Dépité, le lionceau ne manqua pas au moment de son départ, d’admonester le chacal, présent comme à son accoutumée à chaque relève de la garde : « la prochaine fois, tentez de trouver un autre subterfuge pour écarter celui qui me succède ! Paroles prémonitoires ? Oh que nenni ! Car le successeur ne l’entendit pas ainsi. « Je suis venu, j’ai vu et je vaincrais », Ainsi parlaient les triomphateurs d’une époque révolue.

Ainsi fera notre observateur, avisé. Quand le renard voulut refaire le premier coup, le loup, après s’être débarrassé de son « veteau », se rebiffa.

Apprivoisé par Esope, il tint tête à son ancien mentor. Et leurs obligés de gémir « notre prairie brûle et nos deux bergers regardent ailleurs ». Ils scrutent plus précisément, l’horizon 2019.

En attendant Godot comme dirait Samuel Beckett (1906-1989)-Samaouel en arabe comme le nom du poète arabe évoqué par nos duettistes dont l’un vient de parader au pays de Jules Renard (1864-1910) auteur de la pièce « le plaisir de rompre » et à quelques jours de la sortie du film « Le chant du loup », tandis que l’autre, plus disert, claironne : « je ne suis pas dans la même posture que l’autre ; je tiens ma légitimité directement du peuple alors que mon cher loup pour lequel d’ailleurs, je n’éprouve aucune animosité personnelle, doit requérir tout le temps l’investiture de l’assemblée des représentants du peuple ».

Notre renard bien-aimé doit sûrement se remémorer l’époque où le lion « suprême » de Carthage auprès duquel il avait affuté ses premières dents, gouvernait en rugissant et en proférant des sentences sans appel.

La constitution de l’an 14 a malicieusement mis ce genre d’oukases au rebut.

Les temps ont changé, messire !

PS : 
Aux dernières nouvelles divulguées par un canard d’outre-mer, habituellement à l’écoute des bruits et chuchotements dans la berberie orientale, son pays d’origine, notre jeune loup s’apprête à quitter, de son propre gré, l’enclos de la Kasba.
Revigoré par les prédictions de Zargo-la colombe, il entend chasser au-delà du monticule où il a été déposé, il y a plus de deux berges, par le vieux loup.

Aïssa Baccouche