News - 30.01.2019

Exclusif : Les confidences à Leaders, de l’ancien ambassadeur des Etats-Unis, à Tunis, Daniel Rubinstein

Ambassadeur des Etats-Unis Daniel Rubinstein

Son affectation à Tunis en octobre 2015, et devant durer trois ans, a été prolongée jusqu’en janvier dernier. C’est non sans pincement au cœur que l’ambassadeur des Etats-Unis, Daniel Rubinstein, 51 ans, est rentré à Washington. Il passe le témoin à son successeur, Donald Armin Blome, qui prenrdra officiellement cette semaine ses fonctions à Tunis. 

La Tunisie restera gravée dans la mémoire du désormais ancien ambassadeur Daniel Rubinstein. Jeune diplomate, il y avait fait ses débuts, parmi ses premiers postes à l’étranger, depuis 1989 dans une longue carrière qui l’avait conduit au Brésil, en Angola et au Moyen-Orient...

Il y avait également célébré son mariage en 1999, avec son épouse Julie Adams, diplomate elle aussi, qui était alors en poste à Tunis. Et il y a occupé son premier poste d’ambassadeur. Mais aussi, en le décorant, au terme de sa mission, des insignes de Grand Officier de l’Ordre de la République, le président Béji Caïd Essebsi ne pouvait lui rendre meilleur hommage au cours de sa carrière diplomatique.

S’il ne connaît pas encore sa nouvelle destination, au Département d’Etat à Washington, ou en poste à l’étranger, l’ambassadeur Rubinstein ne manque pas de confier que la Tunisie lui sera toujours très proche. Ceux qui le connaissent de près soulignent «d’un côté son caractère réservé en public, et de l’autre, celui courtois et direct lors des rencontres officielles, prêtant une écoute attentive et délivrant des messages clairs. A la tête de l’ambassade, il sait animer son équipe tout en l’entourant de son attention. Se tenant loin des feux de la rampe, il est parcimonieux dans ses apparitions médiatiques, mesurant méticuleusement ses déclarations à la presse. Sa règle d’or, ajoutent-ils, est de savoir porter la voix des Etats-Unis au bon endroit, au bon moment et sur le sujet approprié. En privé, l’ambassadeur Rubinstein est d’un humour raffiné.»

Le solliciter pour une traditionnelle interview d’adieu risque de ne recueillir que des déclarations anodines, comme savent faire les diplomates. Pour innover, Leaders a proposé à l’ambassadeur Rubinstein de choisir lui-même quelques photos de son album pour les commenter. L’exercice l’amusera et il s’y pliera aimablement. Mais, au cours de la rencontre, mi-janvier, dans sa résidence de Sidi Bou Saïd, classée par les Top 5 magnifiques résidences américaines au monde, nous n’avons pas manqué d’y ajouter d’autres photos et de lui poser quelques questions directes sur ses motifs de satisfaction, ses regrets et ses sources d’inquiétude. Sa réponse n’a pas manqué de pertinence. Parmi ses phrases clés, deux messages en substance sont à retenir le plus:

  • Les débats, aussi nécessaires et utiles qu’ils soient, n’ont d’intérêt que s’ils aboutissent à des décisions significatives
  • Tout retard dans la prise des décisions relatives aux grandes réformes économiques —et ce n’est pas facile à prendre— est préjudiciable.

Satisfaction

Quand on l’interroge sur sa plus grande satisfaction au cours de sa mission à Tunis, il répond sans hésitation : «C’est surtout l’impact positif des programmes destinés aux jeunes qui est un motif de satisfaction et de fierté. Les programmes militaires et sécuritaires permettent de faire face aux défis actuels. L’investissement dans la jeunesse consolide le futur. Nous comprenons leurs attentes et mesurons leur réactivité aux différents programmes qui leur sont offerts et espérons faire plus, convaincus que nous sommes que plus ils en profiteront aujourd’hui, plus ils contribueront demain à la dynamique économique, sociale et politique en Tunisie.»

Et d’ajouter: «Un progrès significatif est accompli dans la coopération économique, sécuritaire et militaire. Le renforcement depuis 2015 des capacités opérationnelles des forces tunisiennes a permis d’enregistrer des réalisations remarquables.»

Regrets

Quant à ses regrets, il dira : «C’est celui de n’avoir pas eu suffisamment de temps pour visiter tous les coins où j’aurais tant aimé me rendre dans les différentes régions du pays. Je suis persuadé que mon successeur le fera. Ce qui m’a consterné, c’est ce sentiment de désespoir qui ronge certains Tunisiens, notamment des jeunes, à cause de la situation économique. Les amis de la Tunisie sont tenus d’y apporter leur soutien. Il y a des moyens déjà mobilisés mais qui n’ont pas été pleinement utilisés du fait de la lenteur dans la prise de décision, de débats non aboutis quant à des politiques publiques de grandes réformes économiques. Je dois reconnaître que la prise de décision dans les grandes réformes n’est pas facile. Mais, reporter ces réformes n’est pas dans l’intérêt de la Tunisie. Cela l’accablera sur le plan économique. Nous espérons que la situation s’améliorera de manière plus rapide et plus bénéfique.»

Inquiétude

Qu’est-ce qui pourrait nourrir en lui une inquiétude tunisienne? «Ce sont les perspectives économiques qui peuvent inspirer inquiétude,» confie à Leaders l’ambassadeur Rubinstein. «La Tunisie fait face à d’énormes défis. Certains échappent à la volonté de la Tunisie et à sa maîtrise, et aussi aux échéances de prise de décision. D’un autre côté, les attentes sont grandes. Un manque de confiance gagne certaines franges de la société. Des difficultés sont perceptibles dans la prise des décisions économiques importantes. La gestion des débats n’est pas exempte d’embûches. Ces mécanismes de dialogue, de concertation, d’échanges et de débats ne sont pas une fin en soi. Ils doivent tous avoir pour objectif de prendre les décisions qui s’imposent dans les délais impartis.»

 

Lire la suite dans le numéro de Février 2019 de Leaders Magazine