News - 21.11.2018

Le massacre de 51 palestiniens à Kafr Qassem cachait un odieux plan secret Israelien…toujours à l’œuvre !

Le massacre de 51 palestiniens à Kafr Qassem cachait un odieux plan secret Israelien…toujours à l’œuvre !

L’un des responsables de l’affreux assassinat de 51 Palestiniens du village de Kafr Qassem, le 29 octobre 1956, le  général Issachar Shadmi, né en 1922, est mort  le 28 septembre dernier à Tel Aviv.
L’historien Adam Raz - auteur d’un livre sur ce massacre - déclare qu’il a découvert avec surprise, au cours de ses recherches sur la tuerie de Kafr Qassem, qu’il est plus facile d’écrire sur l’histoire du programme nucléaire israélien que d’écrire sur les politiques d’Israël vis-à-vis de ses citoyens arabes.

Il est facile de comprendre ces mesquines et tragiques cachotteries à la Barbe Bleue ! Il y a tant de massacres cachés dans l’armoire sioniste: Abou Shusha, Dawamiya, Lydda, Ain Ez Zeitoun, Deir Yassine… ! Ainsi, les 22 et 23 mai 1948, quelques 200 jeunes villageois de Tantoura - filles et garçons, hommes et femmes,  voire  un centenaire - furent abattus par les troupes de la Haganah dans ce village au pied du mont Carmel (Ilan Pappé, « « L’affaire Tantoura » en Israël »,  Revue d’Etudes palestiniennes, été 2001, p. 54-69).

La tragédie de Kafr Qassem de 1956 permet cependant de mettre à jour un plan machiavélique… et en juillet 2018, « la justice » militaire israélienne continuait de s’interroger : faut-il en dévoiler tous les mystères comme le demande Raz ?

Ce massacre, à l’aube de la naissance de l’Etat sioniste, a marqué de façon indélébile la communauté palestinienne en Israël, comme l’a affirmé devant le tribunal, en juillet dernier, le député à la Knesset du parti Meretz, Issawi Frej, originaire de Kafr Qassem, et dont le grand-père a été assassiné en 1956.

De plus, pour la première fois, fait exceptionnel, le 26 octobre 2014, le président israélien Rivlin Reuven s’est rendu à Kafr Qassem pour fleurir la plaque commémorative aux 51 noms de l’ignoble forfait. Il a fortement condamné le massacre qu’il a qualifié de « crime terrible pesant lourdement sur la conscience collective d’Israël. » (The Times of Israël, 26 octobre 2014). Aucun membre du gouvernement d’extrémistes sionistes présidé par Netanyahou n’était présent à cette commémoration !

Il n’en demeure pas moins que, même mort, le général Shadmi porte toujours au front la marque infamante de Caïn et, dans sa tombe, les 102 yeux des suppliciés de Kafr Qassem lui rappelleront éternellement son horrible forfait.

Même si  Israël persiste à cacher ses crimes.

La genèse d’un massacre

Les parents du général Shadmi venaient d’Europe Centrale et son père avait servi dans l’Armée Rouge soviétique. Arrivés en Palestine, ils ont changé (hébraïsé) leur nom, passant de Kramer (colporteur en allemand) à Shadmi (champ d’où agriculteur en hébreu). C’était là un mot d’ordre de la révolution sioniste : « fini le juif commerçant et financier, place à l’agriculteur et aux travaux champêtres » écrit en substance Ofer Aderet (Haaretz, 13 octobre 2018) !

Le jeune Issachar fera donc des études agricoles et aura pour condisciple un certain Yitzhak Rabin. Le père, Nahum Kramer, servira dans la Haganah, l’embryon de l’armée israélienne. Son fils Issachar sera élevé parmi les enfants palestiniens. Il parlera avec eux un arabe mâtiné de yiddish. La révolte arabe (1936-1939) lui fera découvrir « les bons et les mauvais Arabes ». Les « mauvais » sont ceux qui portent des armes. Il servira lui aussi dans la Haganah et combattra les Anglais durant le Mandat. Durant la guerre contre les forces arabes, il commandera un bataillon de la brigade du Neguev.

Kafr Qassem est un village agricole palestinien proche de la Ligne Verte de l’Armistice de 1949 avec la Jordanie. Ses habitants sont donc des citoyens arabes d’Israël. Le 29 octobre 1956 est le premier jour de l’agression israélo-anglo-française contre l’Egypte. Pour Shadmi, il s’agissait de surveiller la frontière jordanienne. Ce jour-là, un couvre-feu était en vigueur dans le cadre de la loi martiale imposée aux Palestiniens. Shadmi décida de l’avancer dans tous les villages palestiniens de son secteur. Shmuel Malinki, le commandant de la Police des Frontières, déclarera à son « procès » qu’il avait fait remarquer à Shadmi que les villageois étaient dans les champs et n’étaient pas avertis du nouvel horaire du couvre-feu. « Que faire ? » Shadmi répondit : « Pas de sensiblerie. Pas de prisonniers. » Et Malinki d’insister pour avoir un ordre clair et net. « Allah Yarhamou » répondit Issachar Shadmi. Résultat : Entre 5 et 6 heures de l’après-midi ce jour-là, 47 Palestiniens furent exécutés par la Police des Frontières, un vieillard succomba à une crise cardiaque quand il apprit que son petit-fils avait été tué. Au total, pour les villageois, 51 personnes furent froidement exécutées au retour des champs.

Un procès de polichinelle

En 1958, devant l’indignation internationale, Shadmi fut traduit en justice. Il confessa qu’on lui avait promis un excellent avocat et Meir Shamgar, un haut responsable de « la justice » militaire, futur président de la Cour Suprême israélienne, lui assura : « C’est un procès pour la forme. »

De fait, l’accusation ne lui reprocha que la mort de 25 villageois - la moitié des Palestiniens assassinés - car « il n’existait aucune preuve d’un ordre de tirer sur les femmes et enfants contrevenants au couvre-feu. » Casuistique sioniste !

En conséquence, le juge décida que les accusations portées contre lui étaient «  non prouvées et dénuées de fondement en général et en principe ». Il fut condamné pour « excès de pouvoir » à payer 10 prutot (un dixième de livre). Hilare, il sortit du tribunal en brandissant une petite pièce de monnaie.

Voilà ce que vaut la vie de 51 Palestiniens pour « la justice » sioniste !

Pour Israël, il fallait à tout prix éviter de « mouiller » les supérieurs de Shadmi dans l’armée et les politiques : Ben Gourion, Moshé Dayan et Tzvi Tur, le chef d’état-major. Il ne fallait surtout pas que Shadmi dise d’où venait l’ordre de tirer, avait averti Ben Gourion lors du conseil des ministres, le 23 novembre 1958, un mois avant l’ouverture de la parodie de procès….pour tromper l’opinion internationale !

Opération taupe… hier et aujourd’hui

Suite à des recherches approfondies, l’historien Adam Raz est d’avis que « le procès » intenté à Shadmi était destiné à couvrir ses supérieurs mais aussi à cacher l’existence d’un programme secret « Opération Taupe » dont le but était l’expulsion vers la Jordanie des Arabes du Triangle - qui comprend la localité de Kafr Qassem.

Raz pense que le massacre dans ce village s’inscrit dans le contexte suivant : « Le massacre n’a pas été perpétré par un groupe de soldats incontrôlés comme on l’affirme encore de nos jours. De leur point de vue, ils obéissaient à des ordres qui devaient essentiellement conduire à l’expulsion des villageois. »

La tête pensante de ce plan était le général Avraham Tamir qui affirma par écrit que cette mission lui avait été confiée par David Ben-Gourion en personne, au cas où la guerre impliquerait la Jordanie. Pour Tamir, les Palestiniens constituaient les éléments d’une « Cinquième Colonne » qu’il fallait neutraliser.

Pour le militant israélo-palestinien Odeh Bisharat (Haaretz, 15 octobre 2018), le rappel des tragiques évènements de Kafr Qassem est un crève-cœur. Il note  que le Plan Taupe n’est pas le seul de son espèce.

Le Plan Dalet, un programme concocté par la Haganah - avant la création d’Israël - visait à prendre le pouvoir en Palestine et à exproprier les Palestiniens. Il y a aussi le Plan Oranim qui a été mis en application lors de la première guerre du Liban et Bisharat de poursuivre : «Je suis triste car les plans de déportation [des Palestiniens d’Israël] n’ont jamais cessé [depuis Kafr Qassem]. En 1967, les habitants de la vallée du Jourdain ont été expulsés et actuellement, on expulse ceux de la Zone C* en Cisjordanie. » Bisharat critique ensuite le ministre en charge de la Sécurité israélien Gilad Erdan,  qui voit dans les leaders de la population arabe « des ennemis de l’Etat »  comme il fustige  le ministre des Armées extrémiste démissionnaire,  Avigdor Lieberman,  qui appelle « avec désinvolture  à l’expulsion des Arabes de ce pays. »

Et Odeh Bisharat de conclure, angoissé : « Au nom de la transparence, ou plus simplement au nom de la vie, je demande la publication de tous les plans qui traitent de l’avenir de la population arabe de ce pays. Que sont-ils en train de préparer pour nous, nous qui sommes restés ici ? …..Nous ne devons pas oublier les pleurs du poète juif Mordechai Avi-Shaul qui déplorait à la suite du massacre [de Kafr Qassem],  que l’arbre empoisonné n’avait pas été déraciné.»

Mohamed Larbi Bouguerra

*Zone sous le contrôle total d’Israël en vertu des accords d’Oslo. Elle représente 62% de la Cisjordanie occupée.