News - 30.08.2018

Journées de l’Entreprise 2018 : L’Entreprise et les Réformes : Rigidité ou rupture ?

Journées de l’Entreprise 2018 : L’Entreprise et les Réformes : Rigidité ou rupture ?

La 33ème édition des Journées de l’Entreprise, grande messe annuelle de l’IACE se tiendra cette année les 7 et 8 décembre à Tunis. Le thème choisi est essentiel : L’Entreprise et les Réformes : Rigidité ou Rupture. La réglementation de change et la politique monétaire, la réforme du code de travail : productivité et sécurité, et la réforme fiscale : ressources et pression en constitueront les questions essentielles à débattre. Parmi les objectifs à atteindre, l’élaboration d’un pacte national de compétitivité.

« Entre rigidité et rupture, le chemin devient de plus en plus exigu pour notre pays, souligne la note conceptuelle introductive. Il est temps de faire des choix audacieux et judicieux. Le statu quo ne peut être salvateur. Comme l’a dit Ghandi, vous ne connaitrez peut-être jamais les conséquences de vos actes, mais, si vous ne faites rien, il ne se passera rien ! ».
Premier forum pour Taieb Bayahi en tant que président de l’IACE, ces assises s’inscrivent dans la lignée tracée par son fondateur Mansour Moalla, avec des thèmes d’actualités, des présentations approfondis et des intervenants de marque. L’organisation méticuleuse assurée en interne sous la conduite de Majdi Hassen confère aux Journées de bonnes conditions de débats et de rencontres utiles. Le gouvernement y puisera sans doute des recommandations pertinentes.

Note conceptuelle

La Tunisie post-révolution a vu ses équilibres macro-économiques se détériorer de manière régulière:

  • Croissance en berne, passée de plus de 5% à moins de 2.5% annuels
  • Explosion du budget de l’Etat, passé de 16 milliards de TND en 2010 à plus de 32 en 2018, essentiellement dans sa composante rémunération des fonctionnaires, qui représente aujourd’hui près de 15% du PIB et plus de 40% du budget
  • Balance commerciale encore plus déficitaire en 2018
  • Productivité en baisse de 2.7%
  • Réserves en devise en dessous de 90 jours d’importation et flirtant maintenant avec les 70 et moins
  • Recours à l’emprunt extérieur pour couvrir les besoins de fonctionnement et le remboursement des échéances antérieures, conduisant à un taux d’endettement qui est passé de 40% du PIB en 2010 à 70% en 2018.
  • Pression fiscale de plus en plus lourde pour le secteur organisé pour combler les déficits

Le rang du pays dans le classement dudoing business est ainsi passé de 77 en 2017 à 88 en 2018 et dans celui du forum économique mondial, de 92 à 95. Des réformes structurelles significatives sont demandées par les bailleurs de fonds pour continuer de soutenir la Tunisie, considérée désormais comme un pays fragile dépendant de plus de ces bailleurs pour maintenir ses équilibres macro-économiques.

Pour répondre à ces demandes, certaines réformes ont été menées, avec des résultats mitigés. On a vu ainsi la mise en place d’un nouveau code de l’investissement, un début de rapprochement des statuts on-shore/off-shore, une nouvelle loi bancaire, une loi pour les PPP et d’autres mesures entreprises.

Certaines autres réformes sont actuellement débattues, même si elles n’ont pas encore beaucoup avancé. On parle ainsi de la réforme de la fonction publique, des caisses sociales, de la caisse de compensation et des entreprises publiques.

En revanche, d’autres réformes, pourtant nécessaires, sont aujourd’hui occultées, sous prétexte du risque qu’elles pourraient représenter au niveau des réserves de change, de l’équilibre social ou du déficit budgétaire. Il s’agit de tout ce qui touche à la réglementation de change, au marché du travail et à la pression fiscale.

L’entreprise, qu’elle soit privée ou publique, est ainsi appelée aujourd’hui à mieux performer dans un environnement où il est de plus en plus difficile de se mouvoir. Sous prétexte de préserver les réserves de change, on complique toutes les opérations en capital et même les opérations commerciales avec l’étranger. Sous prétexte de préserver la paix sociale, on accepte de sacrifier productivité et valeur travail. Sous prétexte de combler le déficit public, on accable l’entreprise d’impôts nouveaux et d’avances diverses et on tarde à rembourser les trop-perçus, sans réduire le train de vie de l’Etat.

Est-ce que la rigidité dans l’application des réglementations actuelles, le refus d’entamer des réformes sensibles permettra de maintenir la stabilité recherchée pour amorcer une relance de l’économie qui permettra d’envisager ces réformes ultérieurement ? ou bien est-ce que cette rigidité, par le carcan qu’elle impose en particulier au secteur privé, seul à même de générer la croissance tant espérée pour faire sortir le pays de cette zone dangereuse, affaiblira le secteur privé formel au point de « tuer la poule aux œuf d’or » ?

Existe-t-il des solutions de rupture, où ces reformes seront menées, sans nuire aux équilibres fragiles actuels, mais en permettant à l’Entreprise de trouver l’oxygène permettant la relance ? La marge de manœuvre pour entamer ces reformes a toujours été réduite, mais elle s’est de plus en plus amenuisée au fil du temps. Par peur de rompre des équilibresmacro-économiques et sociaux fragiles, nous avons reporté à demain… et le risque d’une rupture brutale devient de plus en plus grand aujourd’hui. Alors, faut-il continuer à maintenir une certaine rigidité pour passer le cap, en attendant que les choses s’améliorent ? faut-il procéder par petites touches en espérant que l’on enclenchera une spirale vertueuse ? ou bien faut-il aller vers des solutions de rupture qui donneront une véritable impulsion nouvelle, au risque d’avoir un dérapage majeur si les choses se passent mal?

Pour en débattre, la 33ème session des journées de l’entreprise qui se tiendra les 7 et 8 décembre sera organisée sous le thème :

L’entreprise et les réformes: Rigidité ou rupture

La première séance  portera sur «la réglementation de change et la politique monétaire» Le dinar tunisien s’est détérioré significativement lors des dernières années, nos réserves de change sont à leursplus faibles niveaux, les entreprises tunisiennes trouvent de plus en plus de difficultés dans leurs opérations à l’international, la menace d’une inflation grandissante a conduit la BCT à augmenter ses taux, ce qui ne manquera pas d’affecter l’investissement et la profitabilité des entreprises.L’internationalisation de nos entreprises, la convertibilité courante effective, la facilitation du financement des entreprises sont délaissés au profit d’une rigidité accrue dans l’application de la réglementation en vigueur et ce dans un souci de soutenir les réserves de changes et contenir le déficit de la balance des paiements.
N’avons-nous pas d’autres leviers à actionner, tels une amnistie de change, un ancrage du dinar ou une libéralisation des opérations de capital pour améliorer les choses tout en libérant un peu plus les énergies de nos entreprises ?Est-ce qu’une politique de taux d’intérêts différenciés n’est pas à même de protéger l’investissement ? quid du marché parallèle alors que l’on assiste à un durcissement et un ralentissement des opérations courantes pour les entreprises structurées pour cause de conformité bancaire dans la lutte contre le blanchiment et le terrorisme ! faut-il légiférer sur les termes de paiement des transactions commerciales, avec un impact majeur sur le BFR et le financement court terme des entreprises, et sur le risque de défaillance de certains acteurs à l’échelle macro-économique,  comme cela a été fait dans certains pays européens ? comment passer d’une culture de contrôle a priori à celle d’un contrôle a posteriori, qui rétablirait un peu plus l’équilibre en faveur de l’économie structurée, actuellement pénalisée au profit du marché parallèle qui échappe aux contrôles ?

La deuxième séance abordera le thème de « la réforme du code de travail : productivité et sécurité »: un débat pour des propositions de réformes entre les partenaires sociaux capables de ramener à la fois des gains de productivité et le maintien de la stabilité sociale L’observation de l’expérience des autres pays le montre : le retour de la croissance passe impérativement par des gains de productivité. La Tunisie est parmi les plus mauvais pays en terme de compétitivité de son marché du travail selon le classement du WEF.  Réformer le marché de travail ne signifie pas une flexibilité tous azimuts ou une détérioration des droits des travailleurs. Bien au contraire, l’objectif est de relancer l’emploi et l’attractivité du site Tunisie. Des concepts tels que la fléxi-sécurité, l’annualisation du temps de travail ou la rémunération indexée sur le résultat ne doivent pas être occultés dans les débats avec les syndicats, débats qui en viennent à se limiter presque aux seules augmentations de salaires, tant on a tracé de lignes rouges autour de thématiques pourtant fondamentales.,

La troisième et dernière séance, sous le thème « la réforme fiscale : ressources et pression » sera l’occasion de synthétiser des propositions de solutions concertées dans une vision globale qui peut faire l’objet d’un pacte national de compétitivité à l’instar de plusieurs pays.

En effet, depuis 2011, la pression fiscale a atteint des niveaux historiques en Tunisie et elle est considérée parmi les plus élevées au monde, touchant ainsi la compétitivité des entreprises transparentes, limitant leurs capacités de développement mais aussi permettant la prolifération du marché parallèle, de l’évasion fiscale et d’une économie sous-terraine grandissante.

L’amélioration des recettes fiscales ne passe pas nécessairement par l’augmentation des taxes et l’introduction de nouvelles taxes ! et la réduction du déficit budgétaire ne passe pas uniquement par une augmentation des recettes. Elle doit aussi imposer une réduction des dépenses. Une simplification des taxes avec un renforcement des contrôles peut améliorer les recettes. Une pénalisation de la fraude à la compensation peut réduire les dépenses. Une libéralisation du marché de la production de l’énergie peut réduire les dépenses en devises pour l’achat d’hydrocarbures et l’effort supplémentaire de compensation pour maintenir des prix d’électricité « abordables ». Une privatisation de nombre d’entreprises publiques défaillantes peut améliorer les recettes à court terme par une cession d’actifs et à moyen-long terme par des recettes fiscales plus importantes quand elles auront renoué avec la profitabilité, et nous avons plus d’un exemple en Tunisie pour le prouver. Au niveau de la fiscalité, la problématique des forfaitaires reste entière. Certains secteurs, comme le secteur agricole, sont pratiquement en dehors de l’assiette. Au niveau des dépenses, l’existence d’offices nationaux ayant le monopole de l’importation du blé, du sucre, de l’huile, du thé, du café et bien d’autres parait d’un autre âge et constitue clairement un poids supplémentaire sur le budget de l’Etat.

Entre rigidité et rupture, le chemin devient de plus en plus exigu pour notre pays. Il est temps de faire des choix audacieux et judicieux. Le statu quo ne peut être salvateur. Comme l’a dit Ghandi, vous ne connaitrez peut-être jamais les conséquences de vos actes, mais, si vous ne faites rien, il ne se passera rien !