News - 05.08.2018

Révélations - Pourquoi Youssef Chahed a-t-il sollicité Kamel Hadj Sassi

Révélations - Pourquoi Youssef Chahed a-t-il sollicité Kamel Hadj Sassi

C'est officiel. La Kasbah annonce lundi 6 août 2018 la nomination de Kamel Hadj Sassi en qualité de conseiller auprès du chef du Gouvernement.Offensive de charme à l’adresse des Destouriens et anciens hauts cadres de la nation. Le casting est ouvert. Youssef Chahed a lancé la campagne de recrutements. Premier trophée de son palmarès : Kamel Hadj Sassi, reçu pour un deuxième oral de confirmation, vendredi, après un premier entretien d'approche, il y a une dizaine de jours. ‘’Un véritable couteau suisse, multifonction, ce Hadj Sassi. Il lui sera très utile à la Kasbah et … pour l’accomplissement de sa nouvelle ambition. Belle prise au tableau de chasse, bien joué !’’ commentent des connaisseurs du sérail.

Pur produit de la jeunesse bourguibienne, ancien gouverneur (L’Ariana et Kairouan), ancien secrétaire d’Etat à la Culture et au Fonds de Solidarité nationale 2626 et ancien ambassadeur (Prague), Kamel Hadj Sassi, ce juriste (titulaire du CAPA pour exercer en tant qu’avocat), doublé d'énarque, poète dans l’âme, diplomate à la base (premier stage diplomatique à la mission de Tunisie auprès de l’Unesco à Paris), a en fait dédié toute sa carrière à la politique au sein du Parti socialiste destourien, à commencer par ses mouvements de jeunesse.

L'homme des missions opérationnelles

L’enfant de Kerkennah, nourri aux valeurs de Hached et Achour, et encouragé par un père très cultivé, Am Salah Hadj Sassi, s’était distingué au lycée de garçons de Sfax, dès la fin des années 60, par son activité au sein de la Jeunesse scolaire. Il en sera, une fois bachelier et monté à Tunis, le secrétaire général national. Tour-à-tour, Kamel Hadj Sassi dirigera l’Union tunisienne des Organisations de Jeunesse (UTOJ), puis présidera l’Organisation tunisienne de l’Education et de la Famille (OTEF), fondée par feu Ali Marrakchi et longtemps conduite par Habib Guerfal. Alternant des fonctions dans les instances du Parti et au gouvernement, il sera toujours chargé des missions opérationnelles d’encadrement, de mobilisation et d’organisation de grandes manifestations, sur qui tous pouvaient compter.

Un cartographe de la Tunisie et des Tunisiens

La Tunisie, Kamel Hadj Sassi la connaît douar par douar, tout comme ses militants de la première heure, ses cadres administratifs, politiques et syndicalistes, ses mouvements de jeunesses et leurs dirigeants. Pas un seul fark, même aux fins fonds du désert, été comme hiver où il ne se rend pour présenter ses condoléances. Pas une catastrophe où il n’accourt pas porter secours et réconfort. Pas un Aïd, où il n’est pas le premier à souhaiter ses meilleurs vœux. Un carnet d’adresses très garni et surtout un inépuisable capital d’estime et d’amitié. Mais, aussi un grand lecteur. Son père lui avait appris dès l’âge de 15 ans à lire Le Monde, puis Le Monde diplomatique, mais aussi à dévorer les livres, une habitude qu’il garde à ce jour, s’arrangeant à obtenir de suite les dernières parutions à Paris, en plus de celles en Tunisie. C’est son style, et c’est ce qui a retenu sans doute l’attention de Youssef Chahed. Peut-être aussi un autre aspect : malgré ses états services et toute son intégrité, en plus de sa compétence, Kamel Hadj Sassi n’avait jamais été élevé au-dessus du grade de secrétaire d’Etat, et guère bénéficié du moindre privilège. Un soldat !

Un calvaire insoutenable

Meurtri par l’implication qu’on a voulu lui attribuer dans l’affaire du concert de Mariah Carey, Kamel Hadj Sassi a vécu dans sa chair le cauchemar des interrogatoires, l’angoisse des tribunaux et l’iniquité d’une condamnation à six ans de prison. Pour ce fragile du cœur, comme pour sa famille et tous ses (nombreux) amis, le calvaire était insoutenable. Il fallait voir les milliers d’amis qui ont afflué chez lui pour lui exprimer toute leur solidarité. Heureusement que la loi sur la réconciliation l’en a finalement délivré.

Les seules invitations, c’étaient des convocations de justice

« Depuis 8 ans, les seules invitations que je reçois, sont des convocations au poste de police, à la Police judiciaire, chez un juge d’instruction ou devant un tribunal », dit-il avec humour pour cacher ses souffrances. « Le seul qui m’avait invité, est le président Béji Caïd Essebsi, en 2013, lorsqu’il avait fondé Nidaa. Me connaissant de longue date, il m’avait alors ouvert les portes du parti, me proposant de faire partie de ses instances. A ma grande peine, faisant encore alors l’objet de poursuites judiciaires, je ne voulais pas lui causer la moindre gêne, bien que j’était convaincu de mon innocence. Je reste reconnaissant à Sil Béji, édifié par son oeuvre’’, ajoutera-t-il.

Radhia Haddad et Hassib Ben Ammar

Bien qu’affranchi des poursuites judiciaires, ce n’est pas sans appréhension que Kamel Hadj Sassi a reçu, il y a une dizaine de jours l’invitation de Youssef Chahed à le rencontrer. Kamel avait connu de près sa grand-mère, Radhia Haddad, et son grand-oncle Hassib Ben Ammar, mais lui, pas (encore). Que lui vaut l’honneur de cette invitation a-t-il dû se demander ?

Couteau suisse

Chargé le mercredi 2 août 2016 de former son gouvernement, Youssef Chahed avait entamé l’après-midi même à Dar Dhiafa son casting (choisi et/ou désigné) pour la constitution de son équipe. Deux ans après, presque jour pour jour, le revoilà de nouveau en casting. Cherchant à élargir ses cercles et renforcer son staff, il se met en chasse de bonnes têtes. Le nom de Kamel Hadj Sassi lui a été soufflé en un couteau suisse, capable de servir pour tant de besoins. Chahed était alors de le connaître et intéressé par connaître, au-delà de son riche parcours, l’étendue de sa connaissance de la cartographie du pays et l’épaisseur de son carnet d’adresse. Un point particulier a retenu son attention, l’expérience effective du FSN 2626, son fonctionnement et son impact réel, s’interrogeant sur son devenir actuel (ou plutôt son hibernation).

Etablir des ponts, reconstituer des réseaux et plus si affinités

D’emblée, Youssef apprendra ce qu'il en coûte à la Tunisie toute cette perte en compétences, intègres et patriotes, laissées en rade depuis 2011, voire bannies dans un amalgame affligeant pour la simple raison d’avoir servi l’Etat sous l’ancien régime. Dans son projet de remodeler dans l’immédiat son équipe et son ambition de donner (très prochainement) à son avenir politique une nouvelle marche (et démarche), Kamel Hadj Sassi est l’homme qu’il lui faut, à ses côtés. Le couteau suisse à multifonctions, associant de nombreux outils, pouvant servir à la tête de nombre de ministères s’avère en fait si précieux qu’il lui est surtout indispensable à la Kasbah. Etablir les ponts avec les Destouriens d’abord mais aussi d’autres familles politiques et les syndicalistes dont il est toujours resté proches, renouer avec les cadres de la nation voués à l’exclusion, suivi des dossiers politiques (le poste est resté vacant depuis l’exfiltration en novembre dernier de Fayçal Hefiane, dernier conseiller politique en titre), et plus, si affinités…

Une incorporation aux arômes de ralliement ?

Lors de ce premier entretien, Youssef Chahed n'a fait aucune proposition à Kamel Hadj Sassi, même si le coup de foudre était perceptible. Ce n’est qu’en le revoyant vendredi dernier qu’il lui fera une offre directe, lui proposant de se joindre à son équipe de conseillers à la Kasbah. Sans doute sensible à cette sollicitation (il y voit une marque d’estime personnelle et d’attention aux militants et cadres de sa génération), Hadj Sassi n’a pas encore conclu le deal, mais finira par le faire. Nombre de ses amis l’en dissuadent, arguant que son contrat à la Kasbah risque d’être de courte durée, que son incorporation dans le staff de Chahed vaudra ralliement personnel et qu’un jour ou l’autre, il devra le suivre dans sa nouvelle ambition politique. Il y prête écoute, mais en bon soldat qu’il a toujours été, Kamel Hadj Sassi ne peut pas refuser. Sans calcul, il se livre à son destin.