News - 19.07.2018

Exclusif - Pourquoi le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker ne viendra pas la semaine prochaine à Tunis

Exclusif - Pourquoi le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker ne viendra pas la semaine prochaine à Tunis

Annulation ? Non simple ‘’report’’, affirme-t-on à Leaders. Révélations. Il en avait sincèrement rêvé, et l’avait confirmé à maintes reprises, malgré la réticence de certains de ses conseillers : Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne tenait beaucoup à sa visite à Tunis, initialement prévue la semaine prochaine. Cette visite-passion et hommage, comme il l’avait qualifiée lui-même en recevant le chef du gouvernement, le 25 avril dernier à Bruxelles lui tenait particulièrement à cœur. C’aurait été la première depuis 2011. Le hasard avait en effet voulu que sa dernière visite à Tunis remonte au 30 novembre - 1er décembre 2010, quelques jours seulement avant le déclenchement de la révolution, en tant que premier ministre du Luxembourg. Le président Juncker doit patienter encore quelques mois avant de pouvoir exaucer son vœu. Pourquoi ?

« D’un commun accord avec les autorités tunisiennes, explique à Leaders l’ambassadeur de l’Union européenne à Tunis, Patrice Bergamini, il a été convenu de reporter cette visite. Une nouvelle date est même retenue, fin octobre prochain. En fait, c’est essentiellement en raison de la situation politique interne. Le président Juncker voulait attendre que ça se décante. Quel que soit  le titulaire de la Kasbah, il viendra dans un seul état d’esprit, celui de donner le signal fort de quelqu’un qui aime la Tunisie et appuie sa démarche. »

L’ambassadeur Bergamini précise que le président de la Commission européenne avait lui-même appelé Youssef Chahed le 5 juillet courant pour évoquer avec lui le report de son déplacement à Tunis, avec cette perspective de l’accomplir fin octobre prochain.

L’huile d’olive contre les pommes de terre et le lait

En fait, il n’y a pas que « la situation politique interne en Tunisie » qui est à l’origine de ce report. Il y a ce fameux dossier de l’huile d’olive qui, au lieu de lubrifier davantage les relations de l’Europe avec la Tunisie, pose aujourd’hui problème. Triomphalement à bonne raison, Youssef Chahed avait annoncé à l’issue de ses entretiens le 24 avril à Bruxelles l’augmentation du quota d’exportation d’huile d’olive en Europe de 30 000 tonnes supplémentaires sur deux ans, soit 95 000 tonnes. La décision est de taille, un millier de tonnes seulement est déjà significatif. Imaginez l’impact de 30.000 tonnes additionnelles d’huile d’olive en bouteille, pour le cultivateur, l’oleifacteur, l’embouteilleur, l’exportateur, tunisiens... Sauf que trois mois après cette annonce, rien ne s’est fait. 

La mise en place devait commencer à la rentrée, dès le mois de septembre, le dossier est bloqué. Bruxelles en accuse « la bureaucratie tunisienne qui tarde à mettre au point par des tergiversations les modalités opérationnelles y afférentes ». « Grave accusation » que Tunis dénonce avec vigueur. « En fait, l’Union européenne conditionne ce quota supplémentaire par l’autorisation de l’accès en Tunisie de certains produits d’origine européenne, tels que les pommes de terre et le lait. C’est du donnant-donnant qui s’exerce sur nous en pression bien pénalisante», révèle à Leaders une source proche du dossier. Pas de pommes de terre et de lait, européens en Tunisie, pas d’huile d’olive tunisienne, en plus, en Europe !
Bref, attendons donc que « ça se décante » de part et d’autre... Mais, avec l’Union européenne, il n’y a pas que cela : parlons migration respectueuse et organisée, Aleca équitable, appui substantiel au budget et au développement, politique de voisinage, sécurité dans le bassin méditerranéen, protection des fonds marins et de l’environnement... Des dossiers qui ne peuvent attendre.
 
Taoufik Habaieb