News - 09.04.2018

Bons baisers de Buja!: Ma carte postale de Bujumbura!

Bons baisers de Buja!: Ma carte postale de Bujumbura!

Je n’aurais jamais cru que la vue de bougainvilliers ici à Bujumbura ou ‘’Buja’’, comme ses habitants aiment l’appeler, me ferait un si grand plaisir. Peut-être parce qu’ils ressemblaient trop à ceux de notre jardin de Korba et que leur beauté effaçait les milliers de kilomètres entre eux!

Mon hôte qui m’avait invitée à prendre un café a préféré commencer par me faire découvrir la ville et j’ai compris aux intonations de sa voix qu’il aimait profondément ce pays! Il a insisté pour que nous montions jusqu’au sommet de la colline qui surplombe toute la capitale avec une vue imprenable sur le majestueux Lac Tanganyika: «C’est le deuxième lac le plus profond au monde, me dit-il fièrement, presque deux kilomètres!». Il est vrai que sa beauté entourée de toute cette verdure est époustouflante!

«Vous savez, j’ai séjourné pendant plus de six ans à Tunis et mes enfants sont même allés à l’école internationale de l’Ariana»! Sans pouvoir m’en empêcher, je me suis surprise à prier au fond de moi-même que les six années aient été très belles et qu’ils en aient gardé tous les plus beaux souvenirs. Je détesterais, en effet, qu’ils aient souffert du moindre acte raciste de la  part de l’un de nos concitoyens.

Ayant lu sur des sujets aussi divers que l’économie, la politique, etc. sur le Burundi, j’étais intriguée par le fort pourcentage de femmes au gouvernement et au parlement: 36 et 47% respectivement. Alors, j’ai posé tout naturellement la question: «Qu’en est-il des droits des femmes ici ?». L’expérience m’a appris qu’entre les rapports et les statistiques officiels, la réalité pouvait être parfois très différente! «Oh, me dit-il, pas de problèmes, elles ont tous leurs droits…» Intriguée, je lui répondis: Vraiment? «Oui, oui, renchérit-il, tout va bien». Je n’ai pas pu m’empêcher de demander: «Et les mutilations génitales féminines (MGF), c’est combien le pourcentage ici?» Sa réponse me choqua au plus haut point: «On n’a pas ça ici!» Incrédule, je le regardais et dans mes yeux il a dû voir que je n’arrivais pas à croire pareille affirmation! Je lui dis enfin: «Comment cela se fait-il, pourquoi de tous les pays africains qui pratiquent l’excision, le Burundi soit une exception?» Il me répondit le plus sérieusement du monde, avec un accent africain à la Dieudonné: «Vous savez, ici, nous on aime taper fort sur le clitoris pour donner le maximum de plaisir à nos partenaires»! J’avoue sincèrement être restée bouche bée! «Des femmes mutilées, non, non on n’en veut pas ici, continua-t-il avec un profond dégoût dans sa voix, comment voulez-vous que je puisse lui donner de l’orgasme ?»

Durant les deux décennies que j’ai passées à parcourir les pays africains et arabes, jamais je n’ai entendu un homme défendre, avec une telle verve, l’importance de donner du plaisir à une femme. Même en Europe, les statistiques révèlent que seule une femme sur trois atteint l’orgasme lors des rapports sexuels. Pourquoi alors, dans ce pays, les hommes seraient différents? Je me suis mise à imaginer de produire beaucoup de petites émissions radiophoniques dans toutes les langues africaines et qui seraient broadcastées sur toutes les radios de tous les pays, même dans les zones les plus reculées. Des émissions qui promouvraient un tel discours qui pourrait faire changer l’attitude de tous les hommes africains et ceux des quatre pays arabes où cela se pratique (Egypte, Soudan, Djibouti et Somalie) qui, à l’opposé, préfèrent se marier avec des femmes excisées.

Soudain, je me suis alors souvenue d’une autre information que je voulais vérifier: «On m’a dit que dans un quartier populaire, un pays du Golfe avait construit plus de 14 mosquées, est-ce que cela est vrai ?». «Qu’à cela ne tienne, me dit-il, je vous y emmène». Effectivement, dans un quartier très populaire, où la densité était des plus hautes au monde, où il n’y avait ni routes, ni trottoirs…nous avions découvert presque une mosquée dans chaque rue avec au bout du quartier une très grande mosquée. Il faut savoir que le Burundi est un pays majoritairement chrétien à plus de 70 ou 80% avec 2 à 10% de musulmans.

Il enchaîna en affirmant: «Kadhafi a aussi construit ici!» Je lui ai demandé: «Quoi, une mosquée aussi?» Non, me dit-il fièrement: «Il nous a construit notre Bibliothèque nationale». Et je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer que si à la place de toutes ces mosquées, le pays du Golfe en question avait construit des écoles, des hôpitaux et des centres de soins  dans ce quartier populaire qui n’en comptait aucun! Ce quartier où de petits enfants couraient dans tous les sens, pieds nus et visiblement démunis du strict nécessaire. Ce pays du Golfe n’aurait-il pas mieux fait de les aider à avoir des potagers dans chaque école, afin de leur garantir au moins un repas par jour!

Il est évident que je ne partage pas la même définition du développement que certains pays donateurs qui préfèrent inciter les populations de plusieurs pays à chercher comment garantir d’aller à un paradis potentiel sans se préoccuper de les aider à sortir de l’enfer de la pauvreté, de la malnutrition et des épidémies dans lequel ils vivent!

En finissant notre promenade par un saut à ‘Buja Café’, où on sert le meilleur café que j’aie jamais goûté dans ma vie, je me suis souvenu des millions d’infections par le paludisme ici, et je n’ai pas pu m’empêcher de penser au Zaim Bourguiba qui, dès 1957, a ordonné une grande campagne pour éradiquer le paludisme en Tunisie et fièrement, en 1978, notre pays n’a plus recensé aucun cas jusqu’à aujourd’hui!

Nous avons parfois besoin d’un leader comme Bourguiba dans la vie d’un pays, pour faire toute la différence! Où en serait l’Afrique aujourd’hui, si elle avait eu un Bourguiba dans chacun des 53 pays qu’elle compte, au lendemain de leur indépendance? Certainement pas là où elle est aujourd’hui!.

Khadija T. Moalla