News - 05.04.2018

Salon annuel des Arts de Sfax: l’être et le paraître (Galerie de photos)

Salon Annuel des Arts de Sfax, l’être et le paraitre

En ce début de printemps, j’ai eu l’occasion de revenir sur une des participations artistiques « Salon Annuel des Arts de Sfax » oragnisé du  2 au 6 avril. Il a ouvert, une fois encore, les portes à une meilleure compréhension de l’Art. À ce jour sont invités des artistes, des œuvres et bien sur le public.

Le Salon des Arts Plastiques de Sfax a dans son effectif vingt cinq expositions collectives depuis les balbutiements de ses premiers pas jusqu’à nos jours, c'est-à-dire la vingt cinquième édition. Son parcours compte des hauts et des bats et englobe des nuées de conflits : conflits de générations, conflits entre abstraction et figuration, à part les écarts entre les différentes formes d’expressions dont résonnances, dissonances, embrouilles, clartés, classicismes et avant-gardisme règnent sur l’ambiance générale de ce salon. La question qui se pose face a son contenu concerne les enjeux de la pratique artistique et à quel point peut-on dire qu’il est dans l’air du temps, et qu’il obéit aux normes internationaux de toute pratique artistique car on remarque, dés le premier coup, le manque de formes d’expressions contemporaines telles que installations, art in situ, ou performances ; on dirait que les années d’absence et le manque d’expositions et de participations ont affecté la pratique artistique et ont tué toute passion avant-gardiste. Faut-il souligner que les œuvres sont exposées dans un lieu qui n’est pas approprié et qui est devenu galerie malgré lui.
Si on procède par analyse devant les formes d’expressions présentées, on remarque que la peinture est plus présente que les autres disciplines vue son accessibilité, ensuite la céramique, la sculpture, la gravure et la photographie.

Jeu et questionnement s’inscrivent dans le domaine de l’Art du XXe siècle et un triple questionnement se pose : l’Art est-il représentation du monde ? Qu’est-ce que l’œuvre d’Art ? Que doit-elle dire ?

Ce salon qui embrasse plus que cinquante artistes dans différents domaines : peinture, tissage, céramique, photographie, gravure,…est une sorte d’ouverture par laquelle on peut accéder à des nouveaux horizons de la perception. Les œuvres se transforment en un battement rythmique et une palpitation du visible.

Que se passe-t-il dans les lieux d’Art ?

On regardant les œuvres présentées, nous avons l’impression qu’il n’existe aucun lien possible entre les différentes expressions. Chacun dans son petit atelier œuvre pour dégager sa propre identité ; et nous avons des couleurs, des textures, des matériaux qui se présentent tels un vacarme ou une cacophonie qui montre la dissonance qui se présente dans ce contexte. On a l’impression qu’il n’y a pas de fil conducteur qui pourrait atténuer les différences et permettre aux spectateurs d’apprécier les œuvres à leurs justes valeurs et d’instaurer ainsi les repères de la lecture de l’œuvre d’art dans un champ précis ainsi que de les situer dans une nouvelle cartographie de l’expression artistique. Ce qui nous pousse à se poser la question de thème du salon, malgré la présence d’un poème, « citation, incitation, excitation », « Cinquième chapitre d’étonnement » du poète Mohamed Baklouti ; ce qui pose le problème du thème que certains refusent et d’autres acceptent et nous permet de se poser la question sur la relation de l’œuvre d’art avec son cadre spatio-temporel avec le concept, l’idée et comment un ensemble d’artistes de différents disciplines et expressions peuvent se réunir autour d’une question essentielle commune pour nous donner une proposition plastique, précise, actuelle et enrichissante. De ce fait, l’absence du thème et de la contrainte abolissent toute possibilité d’harmonie. Nous sommes obligatoirement devant des expressions hétérogènes, anciennes ou récentes, sans lien précis. Ce qui pourrait être dans certain cas bénéfique et dans la plupart des cas de mauvaises influences sur l’innovation artistique. De ce fait, le regardeur n’arrive pas à comprendre les images proposées ; il apprécie ou désapprouve d’une manière arbitraire les différentes propositions. On peut dire qu’il est égaré et que le salon reste une occasion pour marquer la présence/absence d’une pratique artistique très libre.

Les questions posées

Face à ce flot d’expressions, on se propose des questions tout autour des enjeux picturaux, de toute pratique artistique, de sa relation avec son environnement et son temps. On se demande si l’artiste est encore renfermé sur lui-même et qui n’entend que sa voix ; car les propositions du salon restent axés sur le corps comme axe de recherche, ou sur le corps de l’œuvre, c'est-à-dire matière, transparence, opacité et ouverture poétique. À part quelques œuvres qui se proposent une nouvelle esthétique comme celle d’Anis Ben Salem « Face et Profil » (ill. 1) et celle de Haifa Abdelhedi « Sans titre » (ill.2), qui fait partie de l’éphémère en utilisant des produits de sa cuisine tels que fruits, légumes…et qui nous semble être une céramique dans une structure modulaire questionnant l’espace et invitant à toucher ; on peut dire que les autres expressions restent dans l’ordinaire du trop dit ou non dit, n’empêche que la céramique et la sculpture restent fidèle à leurs questions ancestrales dans un discours établit avec la matière, l’espace et le mouvement. Nous pouvons citer l’œuvre de Belhssan Kchaw, « Paroles », Kamel Kchaw « Saisi d’argile » (ill.3) ainsi que la sculpture provocatrice de Semi Klibi « Sculptographie en Knock-down », minimaliste et contemporaine dans son apparence, classique dans ses origines. Les questions posées paraissent s’enchevêtrer, se disloquer et se tordre pour s’évanouir dans une ambiance de confusion.

La photographie essaye malgré la facilité d’exécution qui lui est attribuée de s’imposer entre ses origines numériques et son impact plastique. À cet égard, nous citons l’œuvre de Helmi Jribi « Origine », qui essaye de donner une dimension entre l’être et le paraitre. La peinture reste toujours fidele à ce geste d’effacement originelle, constructif et destructif, nécessaire pour toute expression du bidimensionnel. Une certaine poésie se dégage de certaines œuvres telles que ceux de Najoua Abdelmaksoud « Champ Matinal » (ill.4) et Nizar Mwakkher « Révélation 2 » (ill.5). Les différentes expressions se manifestent tel un champ à son doux ou aigue et c’est au regardeur de faire la synthèse.

Les distances parcourues

Malgré les dissonances qui pourraient se remarquer dans cette vingt cinquième édition du salon a vu le manque d’initiative avant-gardiste qui pourrait marquer les variations expressives de ce dernier, on pourrait dire que sa reprise forcée pourrait présenter une occasion pour les artistes pour s’exprimer et traiter des questions essentielles à toute esthétique. Les enchevêtrements et les croisements qui pourraient s’effectuer aboutiraient à une épuration et assureraient la continuité de leur pratique dans un environnement qui devient de plus en plus passif face à la culture. De cette manière, on pourrait gérer la continuité des générations, dévoiler les nouvelles créations et aider les jeunes à s’affirmer dans cette vie culturelle ainsi la présence de beaucoup d’amateurs ou de jeunes étudiants est un signe de bonne santé pour le salon malgré les hauts et les bas quipourraient s’y dégager.

La persévérance, la continuité de la créativité et la mise en valeur des nouvelles expressions pourrait être des distances à gagner.

Le conflit perpétuel entre figuration et abstraction

L’abstraction peut-elle, aujourd’hui, libérer les pratiques artistiques et leur donner un aspect avant-gardiste qui obéit à son ère. Saura-t-elle, apporter un souffle nouveau et assurer la qualité des œuvres qu’elle présente. Le salon réunit des artistes de différentes générations ; elle déclenche un débat autour des tendances qui pourraient s’y dégager.

Le mérite de cette manifestation est de mettre en évidence entre les générations malgré leurs tendances figuratives ou abstraites. Ce qui ajoute une certaine richesse et pourrait reconquérir une meilleure place dans notre culture contemporaine. Trois prises de positions se dévoilent dans les œuvres présentées.

La figuration héritière de certaines écoles : la nouvelle figuration, figuration classique ou critique, se situe dans la représentation et essaye d’innover dans la facture pour mettre des accents colorés, linéaires, ou matiéristes paraient décalés dans le temps ou dans l’espace. Ou peut être on a l’impression qu’elle est hors du temps car le soucie reste technique puis expressif. Prenant l’exemple de Doha Weli, « Oiseau et deux femmes » (ill.6) et « Deuil » de Fatma Dammak (ill.7).
Une deuxième figuration s’annonce par une présence forte car elle innove dans la technique, le support, et oblige le spectateur à calculer ses distances et à interroger l’œuvre dans ses moindres détails. Elle rompt avec la figuration classique et parait prometteuse, songeons à l’œuvre de Kamel Abdellah (ill.8), « Formalités et autres choses 2 », Oumaima Mziou, « Convulsion 2 » (ill.9) et « Rencontre » (ill.10) de Najoua Abdelmaksoud.

Face à cette figuration, l’abstraction se manifeste fortement dans une condensation de signes colorés, une économie de couleurs et une négation de toute figuration directe ; on peut ainsi apprécier le talent des artistes et leurs capacités à absorber, emmagasiner, rejeter et ainsi élaborer leurs nouvelles expressions dans « Confusion » de Lobna Abdelmouleh (ill.11), « Harmonie » d’Abdelltif Hachicha (ill.12) et « Le mythe de la caverne » de Mohammed Ben Ayed (ill.13).

L’abstraction ne se limite pas dans une expression reliée à la peinture tout simplement mais elle touche la sculpture et surtout la céramique fortement présente par tout ce que peut permettre l’eau, l’argile, les émaux, le feu, le hasard, et la synthèse qui s’effectue pour nous présenter de merveilleux résultats se manifestant dans l’œuvre de Kamel Kchaw et celle de Monji Weli « Orgasme » (ill.14). La céramique reste particulière et très proche de l’abstraction vue ses spécificités et ses exigences.

Malgré tous ce qui pourrait se dire autour du salon, de la qualité des travaux qui sont présentés, des prix attribués dégageant des malentendus entre les artistes qui n’arrivent pas à comprendre pourquoi certains sont primés et d’autres non. On peut dire qu’assurer sa continuité et permettre à la vie culturelle de s’épanouir, reste le premier souci des plasticiens afin de s’exprimer et être actif pour cela faut-il instaurer des normes de participations, de créations et d’évaluations autour de thème précis et actualiser pour qu’ils puissent s’épanouir.

Randa Daoud