Hommage à ... - 15.03.2018

Figure de proue du Bourguibisme, Mohamed Sayah est décédé (Album Photos)

Mohamed Sayeh

L’enfant de Bouhjar et le fidèle disciple de Bourguiba, Mohamed Sayah, 85 ans, est décédé ce jeudi 15 mars à l’issue d’une longue maladie. Avec lui disparait l’un des plus proches dirigeants politiques du Combattant suprême, l'un des plus brillants. Aussi, celui qui s’était évertué à écrire, en plusieurs ouvrages, son combat contre le colonialisme et exécuter sa politique à la direction du Parti socialiste destourien (PSD), en tant qu’ambassadeur à Rome et Genève, ou à la tête de divers ministères, de l’Information à l’Equipement, de la Jeunesse et Sports à l’Education... Apprécié ou contesté, Mohamed Sayah aura été une figure à part dans le système Bourguiba, après l’indépendance.

Se rendant à son chevet, il y a quelques mois à l’hôpital militaire où il était pris en charge, le président Béji Caïd Essebsi, était fort ému de la dégradation de son état de santé. Dans un communiqué publié ce jour, la Présidence de la République salue en lui « un patriote sincère, un militant irréductible dans ce qu’il considérait comme une garantie de l’immunité de la Tunisie et de sa gloire. » « Il était resté, poursuit le communiqué, toute sa vie durant, parmi les plus fidèles au leader Habib bourguiba et son historiographe personnel. »

Une carrière très politique

Dès ses années lycéennes (notamment à Sfax), il adhèrera à la Jeunesse scolaire puis à l’Union générale des Etudiants Tunisiens (UGET) dont il assurera le secrétariat général, en 1960). L’organisation estudiantine était le vivier riche en jeunes pousses où le président Bourguiba repérait les plus prometteurs et les injectait dans différents postes pour les préparer à de hautes fonctions à ses côtés. 

Irréductiblement aligné sur les positions de Bourguiba, Mohamed Sayah était classé parmi les faucons du régime, ouvertement hostile à la gauche tunisienne  dont il était, pourtant issu, et à l’UGTT, notamment dans la confrontation du 26 janvier 1978, et accusé d’avoir formé et dirigé une milice du parti. Ce statut, il l’assumait pleinement et ne cherchait pas à s’en défendre. Que des manifestations s’organisent contre lui, en Tunisie ou à l’étranger, que des articles et des tracts l’attaquent, que des récriminations le visent ici et là, il avait la carapace d’encaisser, sans réagir directement.

Un politique né

Doué d’un sens politique très développé et d’une belle plume, il savait les mettre au service de Bourguiba. Séduit par le Combattant suprême, il savait lui parler et le séduire à son tour. Alors que tous s’acharnaient contre lui et tentaient de remonter Bourguiba à son encontre, l’adjurant de le limoger du parti ou du gouvernement, quitte à l’envoyer dans une ambassade à l’étranger, Mohamed Sayah savait faire le dos rond, traverser le désert en s’acharnant au travail, avant de rebondir et revenir au pouvoir.

Parmi tous ceux qui avaient servi Bourguiba depuis le début des années 1960 jusqu’au 7 novembre 1987, Mohamed Sayah a toujours fait figure d’exception. Il était ministre de l’Education, lorsqu’il avait été cueilli dans la nuit du 7 novembre, et interné à la caserne d’El Aouina, comme tous les proches de Bourguiba. Après son  assignation à résidence chez-lui, puis la levée progressive de cette restriction, il renoncera à toute activité politique, se gardant d’intervenir dans les débats publics, encore moins se rallier à Ben Ali et renoncer à son engagement bourguibiste. 

Une fidélité sans faille

Juqu'au bout, Sayah restera fidèle à son leader, ne ratant aucune occasion pour lui réitérer sa fidélité, dénonçant avec l’habilité qu’on lui connaît les conditions de sa « prise en otage » à Monastir, jusqu’à son décès, le 6 avril 2000. 

Confident de Bourguiba, témoin de moments forts de l’histoire contemporaine de la Tunisie depuis l’indépendance, détenteur des secrets les plus gardés du PSD, du gouvernement et de la République, fin connaisseur de la classe politique, il était resté attaché à la confidentialité absolue sur toute cette époque. Ses mémoires auraient été aujourd’hui précieuses pour nous éclairer.

Taoufik Habaieb