Opinions - 11.03.2018

Rym Ghachem Attia: Arrêtons les compromis et les non-dits !

Rym Ghachem Attia: Arrêtons les compromis et les non-dits !

"L’arbre ne doit pas cacher la forêt avec tout son oxygène"

En 2011, quand un bon nombre de jeunes et d’adultes  s’étaient rassemblés pour crier fort « Dégage » au Tyran, on s’était  dit « plus jamais peur » !

Sept ans après, on se retrouve  avec une certaine angoisse ! On a peur les uns des autres ! Il y a trop de compromis et trop de non dits qui semblent éloquents pour les uns et insignifiants pour les autres. Méfiance et perte de confiance sont bien partagées dans toutes les catégories sociales du pays. On se sent souvent seuls et isolés car on n’arrive pas à saisir l’opinion des autres  et ce qu’ils disent n’est pas conforme à ce qu’ils font ! Le triple langage perturbe notre bon sens.

Que dire à propos de la grève des résidents ? On y perd toute logique  tout en essayant de positiver : un statut des résidents a vu le jour alors qu’il a été demandé depuis plus de 30 ans ! Le diplôme n’est plus pris en otage ; le diplôme de spécialité non plus. La réforme va être reprise en vue d’être améliorée. Les modalités du service civile restent à préciser ce qui est néanmoins un détail par rapport à tout le reste. Je réagis en tant qu’enseignante et en tant que mère.

Vous avez abandonné vos patients qui devaient être pris en charge alors que vous assistez au congrès et au cours dispensé dans les Certificat d’étude complementaire par nous enseignants ; on continue à vous signer vos prises de fonction pour ne pas vous punir et on encadre vos thèses et vos travaux.

Certains résidents manquent de respect à leur maître oui je dis maître car la médecine n’est pas n’importe quel métier et je me rappelle en 1983 quand je ne voulais plus faire médecine, le journal que ma mère m’a donné « le plus beau métier du monde : être médecin » je ne la remercierai jamais assez de m’avoir dit ce jour-là d’essayer et de voir. En une semaine j’ai été conquise par cet art et cette ambiance de famille médicale. J’ai eu de la chance c’est vrai j’avais un modèle un excellent modèle, un  père qui avait tout donné pour sa profession jusque à sa santé. Il était pour cette génération des premiers enseignants pionniers en Tunisie. Ils ont enseigné à travers tout le pays ils étaient inépuisables et toujours avec une élégance et un respect mutuel. Ils étaient respectés par les autorités, ils ont fait un code de déontologie ; ils ont tout construit pour nous et nous ont tout facilité.

Ils étaient à l’affût de toute innovation et c’est avec beaucoup d’enthousiasme que la réforme de 1988 a été engagée sans donner lieu à toutes les difficultés qu’on voit aujourd’hui. Nous n’avons pas le droit de démolir les acquis obtenus par les sacrifices de nos ainés et d’assister par paresse, par peur d’engagement, par peur d’être responsables de la démolition de cet arsenal magnifique de notre pays la médecine Tunisienne

Nos maîtres ont été appelés à faire des évaluations qu’ on devrait relire car elles existent. Les rapports n’ont pas été suivis. Les commissions l'une après l’autre n’ont pas réussi à élaborer depuis 2006 une réforme préparée par je ne sais qui est  appliquée en 2011 !!! On nous en a informés en 2015 et on a appris au fur et à mesure des insuffisances des incohérences et des injustices !!

Je suis consciente de notre part de responsabilité mais quand on se voit exclu du fonctionnement de la faculté de manière perverse on continue à travailler dans son service aloïne mais Noether

Ce qui me retient à l’hôpital c’étaient les résidents mon oxygène ! Ils nous apportaient à chaque fois un souffle nouveau une envie de donner de transmettre de travailler ensemble. Ils étaient réellement nos enfants avec tout ce qu’on peut avoir comme enfants des bons des mauvais des brillants, des narcissiques, des passionnés et parfois des moutons qui suivent.

Mais j’aimais travailler à l’hôpital avec eux et je pense n'avoir maltraité personne, sciemment en tous les cas. Je les remercie pour ce bonheur. D’ailleurs, certains sont aujourd’hui professeurs, chefs de service et leur réussite est la mienne.

Je voudrais revenir à mon but en rédigeant cet article : la médecine est un sacerdoce une passion.

On ne peut abandonner nos patients pendant un mois. Ce n’est pas possible ; il fallait trouver d’autres moyens de revendiquer. Personnellement aucune revendication personnelle ne peut me permettre de renvoyer un suicidaire ou un malade dangereux qui pourrait pour soulager sa souffrance accomplir un acte irrévocable !

Je suis étonnée  par  cette nouvelle jeunesse ! Nos résidents étaient là dans les moments difficiles, lors des premiers jours de la « révolution » quand les urgences étaient pleines de blessés etc Je saisis cette occasion pour rendre un vibrant hommage  à tout le personnel de santé qui au risque de leur vie prêtent assistance  aux  victimes de Ben Guerdane,  du Bardo et de Sousse etc.

Certes, l’attente a duré  longtemps et  quelques enthousiastes poussés par « une main invisible » réclament « Ici et maintenant » Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt et tout son bon oxygène.   

Que la « tohu- bohu »  qui règne dans certains plateaux ne vous contamine pas ! Là où chacun fait de son mieux s’écouter parler et  pour crier lorsqu’il n’a rien à dire de concret. Ayons le sens du relatif ! Vous avez obtenu un statut, un diplôme. Arrêtez cette grève sauvage indigne des médecins .Arrêtez de tergiverser et de trop personnaliser  vos problèmes !

En médecine je le redis nous sommes une famille et nous avons tous été étudiants, externes, internes et résidents. Avec toutes les difficultés de ces années d’apprentissage,  ces années resteront les plus belles car elles sont celles de notre  jeunesse, de notre soif d’apprendre auprès de nos  maitres Professeur Mrabet, Professeur Douki, Professeur Haffani, professeur Halayem et surtout les plus belles grâce à mon père le Doyen Abdelaziz Ghachem à qui je n’arrêterai pas de rendre hommage et de lui être éternellement reconnaissante comme plusieurs de mes confrères pour tout ce cas il a donné à la médecine tunisienne.

Il s’agit d’un cri du cœur face à cette nouvelle jeunesse emportée par cet effet de « partage » et d’une euphorie virtuelle !

Vous avez eu gain de cause, revenez à la réalité et ne gâchez pas en détruisant ce que vos aînés et vos  maîtres ont construit en prenant du temps aux dépens de leur famille et de leur santé. L’enjeu est grave et très important.Il s’agit de notre santé, de la santé des tunisiens.

Rym Ghachem Attia