Opinions - 08.02.2018

Mohamed Larbi Bouguerra: L’internat de Thala… et la responsabilité

Mohamed Larbi Bouguerra: L’internat de Thala… et la responsabilité

L’une s’appelait Rahma et l’autre Sourour !

Notre société n’a pas été à la hauteur de la signification de ces jolis prénoms. Elle les a trahis. Elle les a fauchés à la fleur de l’âge. Sans la moindre rahma !
Et de la pire façon.

En livrant les petits corps de Rahma Saïdi et Sourour Hicheri aux flammes. Les flammes de l’incompétence et de la négligence.

Des fils électriques nus dans un dortoir. Nus et pendant des murs  depuis un certain temps.

Mohamed Fahem Arfaoui (Syndicat du Secondaire) affirme que le corps enseignant avait déjà attiré l’attention, l’année dernière, sur ces fils nus, sur ces murs menaçant ruine, sur ces toilettes immondes. (Le Maghreb, 8 février 2018, p. 6).

Où est alors l’Enorme Service des Bâtiments de l’Enorme  Ministère de l’Education ? Aux abonnés absents.

Ni le directeur du collège, ni les représentants du ministère à Kasserine, ni son Excellence le Ministre à Tunis n’ont bougé le petit doigt.

Pourront-ils dormir dorénavant sur leurs deux oreilles sans que les flammes de Thala ne les hantent ? Sans que les torches des corps enflammés de Rahma et de Sourour ne les poursuivent ?

En démocratie, il y a une règle intangible chez les serviteurs de l’Etat dignes de ce nom : en pareil cas, la démission est présentée automatiquement. Une question d’honneur et d’estime de soi. Et au diable l’équilibre du gouvernement et les « savants »  dosages  politicards !

Qu’est devenue notre école ?

Est-elle à l’image de celle du Quartier Agricole (Hay Filahi) de Sidi Bouzid ?
Voilà une école qui a pour voisine une décharge anarchique : odeurs pestilentielles, insectes innombrables, fumées asphyxiantes sont le lot des écoliers et du personnel. Les enseignants se sont mis en grève – avec l’approbation des parents- et les enfants souffrent d’allergie, d’hépatite et de problèmes respiratoires. Tous demandent l’élimination de cette décharge. Le gouverneur,  M. Anis Dhaifallah, et le représentant du ministère de l’environnement disent que cela est au-dessus de leurs forces et qu’une étude est lancée. La belle affaire ! Face à une décharge anarchique, est-il  au-dessus de la force publique d’arrêter les frais ? D’interdire au moins l’arrivée de nouvelles cargaisons  d’ordures ? Bureaucratie crasse,  sans initiatives et sans imagination!

M. Hatem Ben Salem, est-ce là la mission de l’école ?  Brûler vifs des enfants ? Leur coller des allergies ? Les maintenir dans un  environnement pathogène ?

Une circulaire ministérielle française datant de 1858, oui, 1858, ordonnait : « Il importe au plus haut point que les écoles soient protégées autant que possible contre tout voisinage gênant, dangereux ou insalubre : cafés, auberges, marchés, abattoirs, etc… ; en un mot, contre tout ce qui peut nuire à la santé, à la moralité et aux études des élèves. »

Qu’il est triste l’état de notre école en ce jour du 8 février qui marque les soixante ans du bombardement criminel par l’armée française de l’école primaire de Sakiet Sidi Youssef.
Les âmes de Rahma et de Sourour ont rejoint,  mardi,  celles des neufs écoliers  assassinés par l’aviation française à Sakiet.

Sauf que,  cette fois, c’est nous, et nous seulement, qui sommes responsables de ces atroces morts. Notre peine est grande, comme celle du père de Sourour qui, hier, à la télévision, a fait preuve d’une dignité exemplaire.

Mohamed Larbi Bouguerra