Opinions - 29.01.2018

Mohamed Meddeb: Quand l’Etat persiste à se dérober de ses responsabilités et abandonne ses soldats à leur sort,tels des criminels de droit commun !

Quand l’Etat persiste à se dérober de ses responsabilités et abandonne ses soldats à leur sort,tels des criminels de droit commun ! ux

Lors du soulèvement populaire 2010 / 2011,dans un climat de forte insécurité et de confusion totale, l’Armée a dû se déployer dans les espaces publics pour contribuer au maintien de l’ordre,certaines formations militaires ont reçu alors l’ordre de protéger certains sites et points sensibles. Lors de ces missions, ces militaires se sont souvent trouvés face à des éléments suspects, refusant généralement d’obtempérer aux sommations règlementaires.Ainsi, ilsont dû, dans certains cas, faire usage de leurs armes, ce qui a été à l’origine de blessures et de très raresvictimes qui, peut-être sans s’en rendre compte, par leurs comportements suspects, se sont faitattirer les feux des soldats.

Ainsi, ces militaires, en service commandé, agissant au nom de l’Etat pour l’intérêt général, en conformité aux ordres reçus et conformément au règlement et procédures militaires en vigueur, se sont trouvés accusés selon le cas, d’homicide et d’autres accusations aussi graves les unes que les autres. Ces mêmes soldats,depuis janvier 2011,affrontent seuls leur destin face à la justice, absolument tels des criminels de droit commun.A titre d’exemple, un homme du rang, un sous-officier et un officier supérieur,impliqués dans une même affaire, se trouvent depuis sept ans,malmenés entre le Tribunal de Première Instance, la Cour de Cassation et de nouveau, dans quelques jours, et pour la troisième fois devant la Cour d’Appel ; et ils ne sont toujours pas au bout de leur peine, car ils restent, Dieu seul sait pour combien de temps encore, sous la menace de lourdes sentences.

Certes, il faut rendre justice aux victimeset que chacunassume la responsabilité de ses décisions et les conséquences de ses actes, mais il ne faut surtout pas se tromper de responsables.Dans le cas d’espèce, d’abord il ne s’agit nullement d’une infraction de droit commun, les acteurs sont des agents de l’Etatd’un statut très particulier, des militaires formés et équipés pour agir au nom de l’Etat dans un esprit de discipline la plus rigoureuse. Alors qui assume la responsabilité des conséquences de leurs actes, eux-mêmes conséquences des ordres reçus, si jamais il y a bavures et victimes ? 

1. Est-il juste de responsabiliser le militaire en mission commandée des conséquences de l’application des ordres reçus de ses chefs ?

Les militaires en question ont été d’abord condamnés, en première instance puis en appel selon les articles 217 et 225 du code pénal, tels des criminels de droit commun, c’est à dire sans aucune considération de leur statut de militaires en mission commandée. Les faits remontent au 15 janvier 2011 vers vingt et une heure du soir, soit quatre heures après l’entrée en vigueur du couvre-feu, ces militaires faisaient de leur mieux pour protéger la population de tout type d’agression et rétablir l’ordre public. Et en l’absence de textes juridiques spécifiques aux situations "d’état d’urgence" et aux militaires dans les missions de maintien de l’ordre précisant la responsabilité de chacun, ces militaires se trouvent considérés,dès le départ du procès comme de simples criminels de droit commun qui agissaient de leur propre initiative et pour leur propre compte. Et c’est ainsi, que ces soldats se trouvent condamnés par le même code pénal, avec la très grave accusation d’homicide volontaire pour l’un, involontaire pour le deuxième et de violence causant de graves préjudices corporels pour le troisième !

Il est clair que la Cour n’a tenu aucunement compte de la qualité de "militaires" des concernés, et non plus du fait qu’ils agissaient au nom et pour le compte de l’Etat, sur ordre de leur commandement, conformément aux règlements et procédures militaires en vigueur, naturellement avec l’obligation et le devoir d’obéir à leurs chefs et d’exécuter les ordres reçus sans aucune possibilité de s’y dérober. De ce fait, il aurait été impérieux de se s'interroger sur les vrais responsables des conséquences de l’exécution des ordres reçus et sur la part de responsabilité de ces agents d’exécution, si jamais il leur en revenait une.

La sagesse et la justice veulent qu’on ne peut être responsable que de sa propre volonté dedécision, ce qui présuppose la possibilité de choisir entre au moins deux alternatives, mais le militaire a-t-il  cette liberté de choix, peut-il l’avoir même si on voulait la lui concéder ? Quelle Armée aurions-nous si le soldat a légalement la latitude de décider de l’opportunité de l’exécution ou non des ordres reçus de ses chefs ? Soyons sérieux, la responsabilité des bavures et dégâts occasionnés par l’accomplissement de telles missions commandées, ne peut en aucun cas incomber aux agents d’exécution, ceux-ci n’agissaient ni de leur propre initiative ni pour leur propre compte et n’ont aucune latitude de refuser les instructions reçues. Au contraire, on leur demande de bien mener à terme les missions dont ils sont chargés même à leur risque et péril. En quoi donc consiste leur responsabilité quant aux éventuels dégâts occasionnés durant l’accomplissement de ces missions commandées ?

Faut-il aussi préciser que les faits reprochés par la Justice à ces militaires, n’ont jamais été condamnés ou réprouvés par leur Haut Commandement militaire, au contraire, ces trois militaires ont été  promus au grade supérieur respectif et l’Officier Supérieur, et pendant que le procès suit son cours, fut aussi nommé dans une haute fonction de direction, ce qui est loin d’être une sanction ! Au vu de la nature de la question, seul le Commandement militaire, ayant l’expertise et la compétence requises, est habilité à juger s’il y a infraction,crime, ou pas.  D’ailleurs, je me demande pourquoi la Cour n’a, à aucun moment du procès, ordonné une enquête/expertise "technique" au Commandement Militaire pour qu’il l’éclaire sur l’éventuel irrespect des ordres, des procédures et règlements en vigueur, ce qui aurait engagé leur responsabilité.Pourtant, il s’agit d’une procédure d’usage courant, auquel la Justice a recourt dès qu’il s’agitd’une question nécessitant une certaine expertise, médicale, financière, technique ou autres.Encore une fois, il s’agit de soldats d’une Armée Régulière, gérée par des textes et des normes bien spécifiques aux militaires, mais la Cour dans ce procès, ne voit dans ces militaires que des criminels de droit commun ! Le comble, c’est qu’il s’agit de la Justice Militaire, supposée bien au fait des spécificités de l’Institution Militaire !

2. Exigences de discipline militaire et responsabilité personnelle pénale du soldat, quelles bases juridiques ?

Les procès intentés aux militaires en question sont atypiques à tout point de vue : les événements ont eu lieu dans des circonstances exceptionnelles, la nuit du 15/16 janvier 2011, alors que régnait l’anarchie totale. Par ailleurs, les accusés sont des soldats qui agissaient en exécution de missions ordonnées par leur chef hiérarchique, et sont soumis entre autres aux exigences de la discipline militaire et l’obligation de mener la mission à terme et ce quelques soient les sacrifices nécessaires. Ce sont là, la discipline, l’obéissance, la mission et le sacrifice, des valeurs militaires fondamentales, indiscutables, qui font des militaires ce qu’ils sont. Des valeurs confirmées et valorisées lors de la formation et de l’instruction des militaires et par quasiment tous les textes juridiques et règlementaires militaires, en particulier :

  • Le code de Justice Militaire, qui dans ses Articles 78 et 79 prévoit pour ceux qui désobéissent les ordres, selon le cas, des punitions allant d’un mois à deux ans d’emprisonnement, ce, sans compter les sanctions disciplinaires sévères qui peuvent être décidées par le Commandement à l’encontre du militaire récalcitrant ;
  • les Instructions Ministérielles, relatives à la Discipline Générale, Nr 2223 du 23 janvier 2002, précisent dans l’article19 intitulé "les devoirs et les responsabilités des subordonnés" paragraphe (1), que « l’obéissance est le premier devoir du subordonné. Celui-ci exécute les ordres qu’il reçoit. Il est responsable de leur exécution ou des conséquences de leur non-exécution… ». Donc la responsabilité du militaire se limite à l’acte "d’exécution" même et non aux conséquences de l’exécution, par contre, il reste entièrement responsable des conséquences de la non-exécution des ordres en question. Certes,c’est une question de nuances, dont les conséquences sont de taille, ce qui ne doit échapper à personne.
  • Les textes réglementaires militaires, le code de justice militaire, les Statuts Général et Particulier des militaires et les Instructions ministérielles, relatives à la Discipline Générale et citées ci-dessus, prévoient les cas de fautes et manquements commis en temps de paix et en temps de guerre ; mais ne prévoient rien pour les situations du cas d’espèce, le cadre du maintien de l’ordre public en "état d’urgence". D’ailleurs, il n’est fait nulle part, la moindre allusion aux situations d’intervention de militaires dans les opérations de maintien de l’ordre et en Etat d’Urgence, et c’est une défaillance juridique majeure de la part des autorités politiques et du Commandement militaire, un manquement que payent chèrement depuis 2011 les militaires engagés dans ce cadre, et c’est une grande injustice;
  • A la seule exception des Instructions Ministérielles relatives à la Discipline Générale (Art 18- parag. 3) où il est fait, une seule fois référence à "la responsabilité pénale personnelle", ces textes juridiques et règlementaires ne se réfèrent nullement à la responsabilité personnelle pénale du militaire. Ceci s’était traduit dans les faits, il faut que l’Institution militaire le reconnaisse clairement et en assume la responsabilité, par le peu d’intérêt accordé à cette question de "responsabilité pénale personnelle" du militaire dans les programmes de formation des différentes écoles militaires. La culture militaire dominante dans l’Armée tunisienne, veut que la discipline et l’exécution de la mission soient des valeurs militaires sacrées, en effet selon cette culture,ʺle succès de la mission prime sur toute autre considération", oui là, c’est la réalité que l’Istitution militaire doit reconnaitre et assumer les conséquences qui en résultent.
  • La contribution de l’Armée aux opérations de maintien de l’ordre, selon les mesures convenues depuis de longues années entre les deux institutions, militaire et sécuritaire, devait se limiter à remplacer les Forces de Sécurité Intérieure dans la protection de certains points sensibles, locaux d’institutions publiques et de représentations diplomatiques étrangères sur le sol tunisien. Au fait, il n’a jamais été,parce qu’il ne peut pas l’être, question de charger les militaires de missions de police, car ceux-là n’ont nil’habilitation légale nécessaire "d’officiers ou d’agents de Police Judiciaire", ni la formation appropriée, ni l’équipement adéquat et nécessaire pour agirdans le respect des principes de"progressivité et de proportionnalité" requisdansles opérations de maintien de l’ordre.C’estpour cela, que le maintien de l’ordre, reste une mission propre à la Police, légalement habilitée, formée et équipée pour. Ainsi les militaires n’ont pas du tout à se frotter à la foule et à traiter avec les civils. Cependant, lors des évènements 2010-2011 et particulièrement pendant la période entre janvier et fin mars 2011, les militaires se sont vus, dans pas mal de cas, assignés par leur Commandement, la mission d’intercepter des éléments suspects, dangereux et armés ; d’où le risque d’éventuelles bavures qui pouvaient en résulter, mais a-t-on pensé un instant à qui incomberait la responsabilité de ces éventuelles bavures ? Eh bien, on l’a faite tout simplement supporter, au maillon le plus faible,aux soldats exécutants, ensuite, on les a abandonnés affronter seuls la justice,incriminés selon le Code Pénal tel des criminels de droit commun.

3. Est-il concevable d’assimiler"un soldat en mission commandée",à moins qu’un fonctionnaire de l’Etat, pour le réduire à un simple criminel de droit commun ?

Outre, l’ignorance totale de la qualité de "militaires" des concernés,il reste difficile,dans cette affaire, d’expliquer et de situer les condamnations de ces militaires au vu de l’article 42 du code pénal qui stipule que :"N'est pas punissable, celui qui a commis un fait en vertu d'une disposition de la loi ou d'un ordre de l'autorité compétente" ? Mais Dieu seul sait, pourquoi MM. les juges ont ignoré cet article dans ce cas ! Je ne veux pas croire, un seul instant, que ces soldats furent tout simplement et très injustement sacrifiés aux profits d’un bras de fer entre la Justice et autres partiesmieuxpositionnées sur l’échiquier national.

Pire encore, contrairement à tout ce qu’on ne cesse hypocritement d’exprimer à leur égard, ces soldats sont dans les faits, considérés moins que de simples fonctionnaires de l’Etat, autrement, ils auraient bénéficié au moins de la Loi de la Réconciliation Administrative. Cette Loi, très discutable par ailleurs,prévoit le blanchiment des fonctionnaires de l’Etat des irrégularités qu’ils auraient commises, à deux seules conditions : les agissements en question ont fait l’objet d’instructions du supérieur et ne pas en avoir tiré avantages personnels. Dans les cas de ces militaires, il a été établi sans le moindre doute que leurs actions ont parfaitement fait l’objet d’ordres militaires, et il va de soi que dans le cas d’espèce, il ne peut aucunement s’agir d’un quelconque profit personnel ! De la sorte, encore une fois, ces militaires, ces protecteurs de la « Révolution » et défenseurs du pays qui se sacrifient tous les jours pour la nation, sont dans les faits, considérés, moins que fonctionnaires de l’Etat, des criminels anodins ne méritant aucune considération particulière en dépit de leur statut de militaire !

De ce qui précède, il ressort entre autres, un manque évident de textes juridiques protégeant les soldats en missions ordonnées par leur commandement ; bien sûr tant qu’ils agissent conformément aux procédures et règlements en vigueur et cela en tout temps et tout lieu. Les militaires inculpés pour les préjudices portés aux citoyens décédés ou blessés pendant le soulèvement de 2010-2011, ne sont, au fait, que les victimes de la défaillance  de l’Etat. Ce dernier et ses institutions, auraient dû assumer la responsabilité des conséquences de leurs décisions et leurs manquements, rendre justice auxvictimes, martyrs et blessés, reconnaitre et réparer les torts,  dédommager les victimes moralement et matériellement comme il se doit, mais sans jamais abandonner ses soldats affronter seuls et à sa place, la justice pour des faits dont ils ne sont pas responsables !

4. S’agirait-il d’une mauvaise appréciation de la situation par ces militaires, d’où l’erreur fatale ?

Quant à l’hypothèse d’une mauvaise appréciation, de la part des militaires concernés, de la situation au moment de la bavure supposée et qui serait à l’origine de l’acte fatal de tireret des dégâts occasionnés, il est aisé après coup de disserter et palabrer autant qu’on le désire sur la pertinence de cette décision et sur ce qui aurait dû (!) être fait. Apprécier la situation, décider et agir sous la pression et la confusion des évènements en quelques fractions de seconde, c’est tout autre chose. Rappelons-nous que nous sommes la nuit du 15/16 janvier 2011 où régnaient la confusion totale et la psychose des « snipers » tunisiens et/ou étrangers et où les Forces de Sécurité Intérieure se sont faites plutôt discrètes dans les espaces publics. Et puis, faut-il rappeler que les soldats ne sont dotés que du seul célèbre Fusil Steyer et de munitions réelles, donc d’aucun moyen approprié aux missions de maintien de l’ordre, qui doivent être multiples et variés permettant d’allant crescendo,graduellement avec l’évolution de la situation. Et même s’il s’agissait d’une erreur d’appréciation ou d’une réaction maladroite, le soldat, n’a-t-il pas le droit à l’erreur ? Considère-t-on le combat et la guerre une science exacte ? Est-il juste, donc, que l’Etat et l’Institution militaire sesoustrayaient à leurs responsabilités?  A-t-on songé un seul instant, en abandonnant ces soldatsde la sorte, au message qui pourraitêtre perçu par le reste des militaires ? A quelle réaction s’attend-on d’un militaire au milieu du Dj Chambi par exemple, face à un suspect n’obtempérant pas à ses sommations ? Hantés par les attaques terroristes, il doit l’abattre, me diriez-vous ! Et s’il s’avère, après enquête, que le suspect abattu est un simple un berger sans le moindre lien avec le terrorisme, mais étant malentendant, n’a pas réagi aux sommations du militaire et il courait, tout simplement pour chercher l’une de ses brebis qui s’était éloignée du troupeau ? Qui assumerait alors la responsabilité des préjudices ? Est-il juste dans ce cas de trimballer ce militaire devant la justice pour "homicide», même involontaire ? Est-il juste alors de qualifiercet acte d’homicide ? La qualification de "volontaire" étant assurée puisqu’il s’agit d’un acte militaire, le tir, qui ne peut être,par définition que prémédité,car ce militaire n’est déployé à Chambi ou ailleurs,que pour justement abattre ceux qui par leurs actes ou leurs comportements menacent la sécurité des tunisiens, ne pas obtempérer aux sommations est un acte hostile auquel un bon soldat doit répondre par le feu. Ainsi, faisant fi dela spécificité des opérations militaires, on finit par assimiler l’acte de tirer, propre au soldat en opérations, à un crime de droit commun ! Et en l’absence de textes juridiquesspécifiques, on se rabat sur le code pénal, puisqu’il n’y a pas de texte qui couvre de telles actions, ni en temps de paix, ni en état d’urgence ! N’oublions pas, qu’en dépit de tout ce qui s’est passé dans le pays, déjà depuis bien avant 2011, l’Etat n’a toujourspas jugé utile de déclarer les unités engagées, le long des frontières contre le terrorisme, légalement en ʺopérations de guerre", et ce malgré les nombreuses déclarations du Président de la République Commandant Suprême des Forces Armées, que le pays est en guerre contre le terrorisme !

Quelle ignorance de l’essence même du métier de soldat, de ses spécificités, de la nature de la guerre et de ses exigences… ! Quelle injustice, quelle ingratitude envers les fils de l’Institution Militaire ; peut-être parce qu’il s’agit d’une "grande muette» !
En tout cas, la question des responsabilités de l’ensemble de ce qui est réellement survenu entre Décembre 2010 et Mars 2011, est encore loin d’être élucidée. Néanmoins, dans un Etat de droit auquel on aspire, il est impératif de pallier ces insuffisances juridiques, en prenant d’urgence, notamment les initiatives suivantes :

a. D’abord, et en toute urgence, innocenter les militaires inculpés très injustement dans des affaires les dégâts occasionnés ne sont que les conséquences de l’application des ordres reçus de leurs chefs ;

b. Annuler les procès intentés contre ces militaires, les déclarer "nuls et non avenus".Et si procès il devrait y avoir pour rendre justice à d’éventuelles victimes dans de pareilles situations, que des procès justes et équitables soient intentés mais contre l’Etat en tant que vrai responsable, et non contre ses soldats, simples agents d’exécution ;
Il est quand même inadmissible de ne pas rendre justice à ses soldats, alors qu’on a bien pris la peine d’adopter,avec toutes les difficultés du monde, une nouvelle Loi, dite "de la réconciliation administrative" pour sauver une catégorie de citoyens!

c. Revoir le Décret Nr 50  de 1978 relatif à l’organisation de l’état d’urgence, pour mieux préciser le cadre, les conditions et les modalités d’engagement des Forces Armées en état d’urgence dans les différentes missions et particulièrement celles dans le cadre du maintien de l’ordre : quelles missions confier à l’Armée ? qui décide cet engagement ? selon quelles procédures ? avec quels moyens intervenir ? avec quelles règles d’engagement, règles d’ouverture du feu ?...

d. Concernant la responsabilité civile et surtout pénale, légiférer pour protéger les militaires en missions décidées par le Commandement et agissant dans le respect total des ordres, des règlements et procédures en vigueur et ce en tout temps et tout lieu.

Il est vrai que c’est un sujet hautement spécifique et serait l’objet dediscussions passionnées à ne pas finir, il s’agit de la responsabilité pénale des agents de l’Institution Militaire d’un côté et de cas de blessés et martyrs de l’autre. Cependant, il est aussi, juste et même impératif que l’Etat assume pleinement sa responsabilité et protège, par des textes juridiques clairs, les militaires agissant dans le cadre d’une mission commandée, et aussi par une meilleure formation dans ce domaine précis pour qu’ils soient bien avertis quant à leur responsabilité, leurs devoirs et également leurs droits à l’occasion d’opérations de ce type. C’est une question de justice envers ceux à qui on demande, au besoin, de se sacrifier pour défendre la patrie. Cela va, non seulement du moral et de la motivation de la troupe, mais aussi de l’efficacité des interventions de l’Armée. Voilà encore de la matière pour une réforme urgente et largement justifiée, que le Ministère de la Défense et la Commission parlementaire,"Commission de l’Organisation Administrative et Affaires des forces portant des armesʺ devraient initier sans plus tarder.

Par ailleurs, les responsabilités dans ce domaine devraient être définies selon les principes directeurs de bon sens et de justicesuivants:

  • la pertinence de la décision d’engager des forces militaires dans des missions, ainsi que leurs conséquences, relèvent de la responsabilité des seules autorités politiques et du Haut Commandement Militaire, origines des décisions d’engagement des forces;
  • la responsabilité des agents d’exécution se limite au seul respect, pendant l’accomplissement de la mission, des ordres reçus à l’occasion et des instructions et règlements militaires en vigueur. En cas d’irrespect délibéré et prouvé de la réglementation en vigueur par les agents, ceux-ci assument alors entièrement la responsabilité de leurs actes et il revient en premier lieu au Commandement militaire, en tant que référence d’expertise, de se prononcer s’il y a bien eu irrespect ou non des ordres et de la réglementation en vigueur ;
  • Quant à la réparation des dégâts de toute nature, éventuellement causés à des tiers, elle incombe toujours et entièrement à l’Etat, au nom duquel agissent les militaires. L’Etat doit assumer l’entière responsabilité des résultats des actions de ses soldats, réparer les dégâts à qui de droit. Mais dans tous les cas, l’Etat n’a pas le droit d’abandonner ses soldats qui n’ont rien fait d’autre que servir la patrie dans le respect total de la loi au sens large du terme.

Dans l’attente de ces réformes, il est encore permis d’espérer que MM. le Commandant Suprême des Forces Armées, le Ministre de la Défense, la justice militaire ainsi que le Haut Commandement Militaire, usent de leurs prérogativeslégales pour rendre justice, et rien de plus, rendre justice aux militaires qui risquent fort des sentences absolument injustes, en tout cas indignes de cette Armée de toujours et de cette Tunisie de 2017.     

-Que Dieu garde la Tunisie et bénisse ses martyrs-

Mohamed Meddeb
Général de Brigade (r) - Armée Nationale -