News - 27.12.2017

Un cours intensif de Bioinformatique et d’Analyse des Génomes à l’Institut Pasteur Tunis

Un cours intensif de Bioinformatique et d’Analyse des Génomes l’Institut Pasteur Tunis

Un cours de « Bioinformatique et d’Analyse des Génomes » a été organisé à l’Institut Pasteur de Tunis du 18 Septembre au 15 Décembre 2017 (https://webext.pasteur.fr/tekaia/BCGAIPT2017.html).
Ce cours a été organisé grâce au concours de l’Université Tunis El Manar et de l’Institut Pasteur de Tunis.

Il a regroupé une vingtaine de jeunes chercheurs, thésards et de post-doctorants ainsi qu’une dizaine d’Enseignants et de conférenciers provenant d’Institutions Françaises (dont une majorité de l’Institut Pasteur de Paris), Américaine, Canadienne, Suédoise et Tunisiennes dont l’Institut Pasteur de Tunis.

Le total des heures des cours théoriques et des travaux pratiques délivrés en Français et en Anglaisdans un environnement Unix,s’est élevé à 450 heures et à un minimum de 120 heures de travail personnel supplémentaire de préparation en dehors des heures du cours.

Les objectifs principaux du cours étaient de familiariser les participants :

I- aux méthodes et outils bioinformatiques pour l’analyse à grande échelle des données génomiques dans un environnement Unix:i) des génomes complets,ii) des données de type NGS (Next Generation Sequencing) et iii) des données métagénomiques

II- au travail dans un environnement scientifique (coopération, préparation, analyse d’articles, suivi bibliographique, présentation écrite et orale)

La réalisation de ces objectifs a consisté:

  1. en une mise à niveau en Shell Unix, en langages perl et R, qui a duré deux semaines,
  2. en une mise à niveau aux méthodes et outils d’analyses de séquences, qui a duré deux semaines,
  3. aux analyses génomiques à grande échelle qui a duré 7 semaines et concernaient les génomes complets (Eukaryotes et Bacteriens),les données de type NGS et les données métagonomiques.

Des exposés théoriques approfondis pour chacun de ces thèmes ont été suivis par des travaux pratiques dans un environnement Unix, consistant à écrire des scripts en shell sh, en perl ou en R.

Par ailleurs, une réunion de laboratoire hebdomadaire a été réservée au suivi de l’actualité scientifique concernant les thèmes du cours selon les publications parues dans la semaine ainsi qu’au suivi des projets de synthèses bibliographiques que chaque participant a choisi d’entreprendre sur un sujet de son choix.

Le cours a été complété et terminé par une série de conférences assurées par des enseignants et chercheurs internationaux, sur le thème « Bioinformatique et Analyse des génomes : qu’avons-nous appris et perspectives ». Les conférenciers ont développé les résultats des recherches dans leur domaine et les perspectives futures et multidisciplinaires de la génomique,de l’analyse des variants dans le génome humain, des génomes des virus géants, de la biologie structurale et de la Bioinformatique.

Par ailleurs pendant la même semaine, chaque participant a présenté une synthèse de son projet bibliographique selon le thème qu’il a choisi permettant une mise à niveau et une ouverture sur les méthodes et les résultats les plus récents exploités dans le domaine de la Bioinformatique et l’analyse des génomes.

Ce cours intense, à raison de 8 heures par jour et de 5 jours par semaine et d’un niveau avancé selon les standards internationaux, a nettement amélioré le niveau de la majorité des participants. Les collègues enseignants et conférenciers ont grandement apprécié les fortes motivations des participants ainsi que leurs implications et leurs interactions multiples lors des exposés et des travaux pratiques délivrés en Français et en Anglais. Tous les documents du cours sont en Anglais.

Les horaires fixes et les conditions de participation contraignantes (ponctualité, présence continue, préparation, participation active,…) du cours n’étaient pas faciles pour les étudiants, étant malheureusement habitués à des conditions plus permissives et moins rigoureuses. Mais dès le départ les étudiants sélectionnés avaient l’unique choix entrerespecter les conditions du cours ou ne pas y participer. De ce point de vue, la majorité des étudiants a relevé le défi et avec l'avancement du programme, la progression et l'évolution des participants, les organisateurs ont été satisfaits des conditions rigoureuses de travail et de la réalisation du programme planifié des parties théoriques et pratiques du cours.

Sur le plan administratif, financier et logistique, nous sommes heureux d’avoir bénéficié du support et des encouragements effectifs du Président de l’Université de Tunis El Manar et du Directeur Général de l’Institut Pasteur de Tunis.

Par ailleurs, nous remercions vivement l’Institut Français de Tunisie, l’Agence Universitaire de la Francophonie ainsi que l’Université de la Manouba pour leurs contributions financières à ce cours.

Le programme ainsi que l’ensemble du matériel du cours sont disponibles à partir du lien: https://webext.pasteur.fr/tekaia/BCGAIPT2017/BCGAIPT2017_Prog.html

Nous encourageons vivement les jeunes chercheurs à le visiter et à télécharger et bénéficier des exposés faits pendant ce cours.

Pourquoi il faut investir dans la Génomique et la Bioinformatique

Comme nous l’avions indiqué dans un précédent article dans ce journal, l’Université Tunisienne a besoin d’inscrire dans son cursus universitaire les connaissances cumulées depuis plus de 20 ans que les projets de séquençage de génomes complets ont commencé (plus de 116000 projets au début de ce cours). L’analyse des données génomiques qui augmentent d’une manière exponentielle a nécessité le développement d’un nouveau domaine : La Bioinformatique. C’est un domaine qui se situe à l’intersection des Mathématiques, des Statistiques et de l’Informatique dont l’objectif est de répondre à des questions biologiques en utilisant les séquences et les informations qu’elles portent.

La génomique a des applications concernant la santé de l’Homme (microbiome, cancer, médecine personnalisée, immunothérapie, prévention des maladie génétique, …), l’environnement (métagénomique, sol, mer, l’eau, …), l’Agronomie (sélection des plantes, variétés animales, champignons, luttes antiparasitaires et anti-ravageurs, …), la Biotechnologie (sécurité de la nourriture, bio-énergie,….Edition de génome, biologie synthétique, biomolécules thérapeutiques,…) et surtout la recherche scientifique. La génomique est une science relativement récente, multidisciplinaire, en évolution rapide avec des horizons de recherche fondamentale et appliquée sans frontières entre la génétique, la biologie, les mathématiques, les statistiques et l’informatique. Ces derniers domaines étant au centre de la Bioinformatique.

Toutes ces nouvelles connaissances acquises avec l’avènement de la génomique et les méthodes mises au point pour traiter ces données doivent faire partie de la formation universitaire. Les laboratoires de recherche impliqués dans ces domaines doivent impérativement avoir en leur sein des membres actifs qui maitrisent ces méthodes et qui soient capables de les développer.

Un exemple peut éclairer l’importance de la génomique concerne le programme 1000 génomes (terminé en 2015) qui a concerné en réalité le séquençage de 2504 génomes humains appartenant à 26 populations différentes, nous a révélél’existence d’environ 85Millions de « SNVs (Single-Nucleotide variants) », de 3,6 Millions « indels variants » et de plus de 600000 « structural variants » (c’est à dire impliquant des séquences de tailles supérieures à 15 bases).

On sait que les « SNVs » impactent 5Mb du génome humain qui en compte 3 Milliards de bases environ, que les « Indels »(insertion/deletion) impactent 3Mb et que les « Structural variants (SVs) » (Variants Structuraux) impactent 10Mb.

Sachant que ces altérations sont corrélées avec des maladies (génétiques, cancer, maladie du sang, maladie du système immunitaire, …), ces nouvelles connaissances sont capitales pour la découverte de solutionsspécifiques à chacune de ces maladies.

D’autres applications récentes de la génomique concernent l’édition des génomes, pour les modifier. Ces éditions concernent les plantes, les animaux et même l’homme. La biologie synthétique a permis de créer des génomes (virus, bactérie et même un Eukaryote : Saccharomyces Cerevisiae)à partir de séquences composées des bases (A, T, C, G) du code génétique. Il va sans dire que ces applications révolutionnaires posent au-delà de leurs intérêts majeurs pour la recherche et la santé de l’homme en particulier (mais aussi intérêts agricoles, biotechnologiques, ...) des problèmes éthiques, légaux et sociaux, que seule leur maitrise peut en faire profiter à l’homme des aspects bénéfiques et éviter les conséquences négatives.

De nouveaux programmes encore plus audacieux concernent l’écriture de grands génomes (ingénierie de la biologie ou biologie synthétique). Il s’agit du projet GP-Write (http://engineeringbiologycenter.org) qui ambitionne de construire des génomes humains (entre autres) à partir de zéro (c’est-à-dire d’une séquence de combinaison de bases A, T, C et G). L’idée fondamentale derrière ce projet est que jusqu’à présent le scientifique « observe pour comprendre » on ambitionne maintenant de « créer pour comprendre ».

Tous ces projets nécessitent et exigent des compétences multidisciplinaires à la fois conceptuelles et technologiques.Dans ce domaine, il est possible de nos jours de faire avancer les connaissances et même de faire des découvertes fondamentales en travaillant sur un ordinateur. Les données génomiques et les données bibliographiques sont accessibles publiquement. De grands projets stratégiques de séquençage, de génomique, de Bioinformatique, de banques de données, de banques de souches microbiennes et cellulaires sont engagés par les pays avancés pour bénéficier des connaissances actuelles et futures dans le domaine du vivant. Une participation des pays du sud dans le savoir et les acquis de la génomique est urgente pour garantir un avenir et une place pour la génération actuelle et future.

Les collègues mathématiciens, statisticiens et informaticiens sont vivement invités à explorer ces domaines en plein développement (une simple recherche dans Google peut leur offrir plusieurs exemples) et à s’y engager sérieusement. Ils y ont beaucoup à gagner pour l’épanouissement de leurs recherches.

Une formation continue est nécessaire

Par ces exemples nous souhaitons exprimer clairement la nécessité de mettre à jour les programmes universitaires pour prendre en compte ces avancées scientifiques et de permettre aux étudiants d’avoir un enseignement à jour par rapport à l’actualité scientifique et aux standards internationaux.

Il y a une nécessité à développer ces domaines dans les Institutions de recherche, une animation scientifique permettant d’attirer les jeunes chercheurs afin qu’ils se fixent en Tunisie et qu’ils puissent s’y épanouir.

Plusieurs pays avancés réforment et structurent leurs programmes de formation aux nouvelles connaissances pour préparer les jeunes compétences à des nouveaux métiers. La mise à jour continue et régulière des programmes de l'enseignement supérieur multidisciplinaire est une urgence universitaire vitale pour la recherche et le développement socio-économique.     

Notre cours n’a pas vocation à remplacer ces objectifs ni de couvrir toute la diversité des formations en Génomique et en Bioinformatique. Il permet plutôt d’avoir une ouverture vers les développements récents dans le domaine de la Bioinformatique et de la Génomique ce qui offrira une sorte de mise à jour aux quelques (faute de places pour les travaux pratiques) étudiants qui peuvent y participer.

Aussi vu le manque flagrant, il faut le noter, ce cours n’est qu’une initiativevolontariste des organisateurs. D’autres cours dans ces domaines sont nécessaires. Il y a largement de la place pour d’autres bonnes volontés pour renforcer progressivement les compétences en Génomique et en Bioinformatique des jeunes chercheurs, thésards et post-doctorants dans les Universités et les Instituts de recherche tunisiens.

Nous nous préparons, toujours avec le soutien du Président de l’Université de Tunis El Manar et du Directeur Général de l’Institut Pasteur de Tunis, à une seconde opportunité d’organiser cecours de «Bioinformatique et d’Analyse des Génomes" pour la période Septembre - Décembre 2018 à l'Institut Pasteur de Tunis. Nous allons évidemment profiter de notre première expérience et suivre les recommandations des participants de cette année pour améliorer l’organisation et élargir le programme du cours à des thèmes que nous n’avons pas pu aborder.

Il va de soi que la volonté des organisateurs ne suffit pas à mettre en place ce type de cours. Nous avons besoin d’un budget qui nous permette de travailler dans de bonnes conditions. Le soutien du Ministère de tutelle et de la Direction Générale de la Recherche scientifique est vivement souhaité.
L’avenir de l’enseignement et de la recherche Scientifique de qualité en dépend.

Les organisateurs

Abdellatif Boudabous (Professeur à la Faculté des Sciences de Tunis)
Dhafer Laouini, Fatma Guerfali, Amel Ghouila (Chercheurs à Institut Pasteur de Tunis)
Fredj Tekaia (Chercheur invité, Institut Pasteur de Paris)

Autres références