News - 04.12.2017

La mort évitable d'un pêcheur tunisien en Italie

Mohamed Adel Chehida: Une mort évitable

J’écris ces lignes sous l’effet du choc et j’aurais aimé n’avoir jamais eu à les écrire. Les écrire me plonge dans une tristesse et une colère immenses. En effet on vient de m’apprendre la disparition d’un pêcheur TUNISIEN en mer suite à un accident de travail. Si Abdallah MSADDAK est mort à l’âge 52 ans, Allah Yarhmou. C’est en faisant son travail qu’il est tombé à la mer à 12 miles de la côte, (l’enquête en cours). Une perte cruelle, il laisse derrière lui une épouse éplorée, une fille et deux garçons tous mineurs. J’avais rencontré Si Abdallah il y a quelques jours, je revois encore son doux sourire et j’ai une colère sourde contre ceux qui n’ont rien fait pour éviter ce drame.

De fait quand j’avais publié il y a un mois sur Leaders.com (www.leaders.com.tn/article/23374-pecheurs-tunisiens-en-italie) un texte prémonitoire qui dénonce les conditions de travail et le sort réservés aux pêcheurs tunisiens en Italie. J’aurais tellement voulu que les faits ne me donnent raison, pas si tôt et jamais de façon aussi tragique.
N’ai-je rien à ajouter aujourd’hui…? Oh que si, et plus que jamais, j’ai beaucoup à dire encore! Le temps des tergiversations est fini. Un père de famille est mort à cause de son travail et sa mort était évitable.

Cette mort est une grande injustice.

Il est plus urgent que jamais que les autorités Italiennes prennent les choses au sérieux et traitent ce dossier avec la célérité nécessaire.

Il est grand temps de reconnaitre les risques et la pénibilité du métier de pêcheur. Les faits prouvent que les risques d’accident de travail et de décès sont réels aujourd’hui. Il est grand temps aussi qu’ils soient protégés lors de l’exercice de leur travail et socialement, ils doivent avoir le droit de partir à la retraite précocement. Une loi doit être votée. Il est temps également qu’une transparence absolue dans le mode de paiement des salaires soit respectée. Pour un même travail, un même salaire. Les employeurs doivent arrêter de profiter sur les zones grises de la légalité et surfer avec la loi du travail dans l’élaboration des fiches de paye.

Dimanche dernier Silvio Berlusconi, déclarait sur RAI1” beaucoup des jeunes nés en Italie de parents étrangers, viennent de familles qui haïssent les chrétiens, haïssent les juifs et haïssent Israël”,  Berlusconi vous pensez que le problème majeur de ces adolescents soit ça ?

Quel sera le futur des enfants et de la famille de Mr Abdallah Msaddak ? Maintenant qu’ils ont perdu leur père, qu’ils n’auront plus un salaire qui leur permettra de vivre décemment ? Eux qui sont nés et ont grandi en Italie. Eux qui n’ont connu la Tunisie que durant les vacances. Peuvent-ils rentrer et vivre en Tunisie ? Eux qui se sentent Italiens et n’imaginent leur avenir qu’en Italie. A supposer qu’ils partent vivre en Tunisie, pourraient-il s’adapter à cette nouvelle vie avec quels moyens vont-ils pouvoir vivre ?

Je lance un appel personnel au gouvernement Italien actuel et à tous les politiciens, députés et sénateurs Italiens pour qu’en leur âme et conscience ils aient le courage de voter le projet de loi IUS SOLI (loi du sol) en dehors de tout populisme. Ils doivent réaliser qu’il s’agit bien du futur de milliers de jeunes et de mineurs dont l’immense majorité vivra dans le pays où ils sont nés, c’est à dire en Italie, n’en déplaisent aux démagogues.

Il s’agit bien là du futur de l’Italie aussi et non d’un simple décès suite à un accident du travail d’un immigré.

Que dieu te bénisse et t’accorde sa miséricorde Abdallah. Que ta famille puisse surmonter cette terrible épreuve. Mais au point où nous en sommes ta mort doit servir de leçon à tous.

Quant à la question que vous vous posez tous, que font ou que peuvent faire les autorités tunisiennes ? Elles ont une responsabilité morale certaine. Ma critique s’adresse en particulier à nos trois représentants au sein de l’ARP. Ils sont inscrits aux abonnés absents en Italie depuis leurs élections ! Ils ont été élus pour nous représenter et nous avons un court moment pensé que nous serions enfin bien représentés et défendus comme communauté tunisienne en Italie par eux. Hélas notre déception a de loin dépassé nos attentes. Pour le moment je ne fais qu’exprimer notre colère, d’autres actions suivront…

Dr  Mohamed Adel Chehida
Coordinateur Albadil Ettounsie en Italie