News - 10.11.2017

Mohamed Kasdallah: Recruter dans la police en passant par l’Armée

Recruter dans la police en passant par l’Armée

Sujet brûlant et pourtant incontournable, l’actualité récente le souligne avec acuité: La question se pose sur la problématique de la "militarisation" excessive du corps de la police sans entraînement réel qui peut dissiper toute crainte de dérives possibles particulièrement dans une société de plus en plus violente.

Cela conduit à quelques réflexions et peut-être aussi à une proposition sur le recrutement et la formation de nouvelles recrues au sein de la police.

Cette proposition serait recevable par les uns, contestable par les autres ; l’objectif est de susciter un débat entre militaires et sécuritaires et nullement  d’introduire la discorde au sein de nos rangs.

Tout d’abord, Il faut prendre en compte le contexte intérieur et jeter un clin d’œil sur notre environnement sécuritaire et militaire qui est devenu complexe et polymorphe:

  • Les armes de guerre semblent proliférer sur notre territoire
  • Les terroristes, les contrebandiers, les malfrats n’hésitent plus à tirer y compris avec des armes de guerre sur les forces de sécurité
  • L’apparition spectaculaire de  nouvelles armes aussi redoutables l’une que l’autre tel que le camion-bélier ou le couteau et dérivés (cf. l’assassinat du colonel  Barrouta au Bardo) reculant le seuil de violence acceptable et contraignant à réagir
  • Le sentiment d’insécurité prospère malgré les efforts des uns et des autres que l’on pourra toujours contester entre trop de répression et trop de laxisme sur fond de crise économique.
  • Malgré le renforcement majeur de la protection de nos concitoyens, il existe toujours des gens ou des ONG qui n’aspirent qu’à limiter et à contrecarrer les capacités d’agir de nos forces de sécurité. Ces acteurs de la société civile n’hésitent pas aujourd’hui à provoquer des incidents afin de jeter le discrédit sur les institutions et les forces chargées de faire appliquer la légalité.

Un attrait de l’uniforme qui perdure encore

La Tunisie a une grande chance, celle d’avoir une jeunesse encore motivée par l’engagement au service de la Nation. Une jeunesse prometteuse, attachante, dynamique bien loin des clichés d’individualisme forcené dont on l’affuble.

Chaque année, des milliers de jeunes  de moins de 25 ans témoignent d’une envie encore notable de s’engager dans un métier en uniforme. Malheureusement, faute de postes en nombre suffisant, ¾ ne sont pas retenus et seront déçus de ne pas pouvoir être ainsi utiles à la société.

L’action initiée par les ministères de la Défense et de l’Intérieur qui venait en application du plan de modernisation des deux institutions  et qui porte sur l’amélioration des compétences et sur le perfectionnement de l’élément humain, a suscité un véritable engouement chez un grand nombre de candidats.

Confronté, après la révolution, aux problèmes d’augmentation très sensible des effectifs pour répondre à un besoin grandissant de sécurité et à une palette de situation allant du simple service d’ordre à l’émeute, voire à l’insurrection, le Ministère de l’Intérieur tend à trop "militariser" les policiers en leur confiant des armes de guerre  sans entraînement réel et adéquat avec un état d’esprit qui peut se traduire par un excès de zèle assaisonnée d’abus de pouvoir et dont les conséquences, notamment en cas de bavure, peuvent gravement affecter la vie sociale et politique .Dans une démocratie naissante ces "soldats" de maintien de l’ordre sont confrontés non pas à des ennemis mais à des concitoyens temporairement “égarés” qui convient de contenir avec le minimum de violence.

La question se pose donc sur les garanties face à une incorporation hâtive qui n’est pas valorisée par un entraînement approprié devant les contraintes fort stressantes du service et aussi des horaires de travail?

Je préconiserai volontiers une solution pour développer le sens de l’engagement par exemple pour le recrutement.

Maintenant, n’est-il pas temps de construire un système novateur de recrutement des forces de sécurité ? En particulier, tous ces volontaires pour être policiers et donc servir le pays ne méritaient –ils pas d’être orientés vers un engagement dans les armées ? Là, effectivement ils apprendraient à servir, à utiliser une arme et à gérer le stress dans la durée avec ensuite une possibilité de rejoindre la police s’ils le souhaiteraient après un temps de service dans les armées par exemple de 3ans.

Ils auraient fait leur preuve, ils auraient été entrainés et aguerris. Ils auraient, en outre, pris conscience de leurs aptitudes et auraient développé le goût de l’effort, Le dépassement de soi et du courage. Cet état d’esprit est renforcé par un entrainement physiqueconséquent. 

Les ministères respectifs seraient dans une logique «gagnant-gagnant». La Défense aura profité d’un potentiel humain non négligeable, les services de sécurité bénéficieront  d’un personnel fin prêt  pour accomplir la mission dans la règle de l’art.

Il va de soi que ce transfert sera suivi d’un stage de formation court dans une institution de police nationale. Egalement, tout  transféré  vers la police bénéficiera  d’une conservation de son ancienneté des années  passées  dans l’armée.

Je sais, les syndicats de sécuritaires n’aiment pas beaucoup que des militaires intègrent leurs rangs sauf à doses homéopathique .Leur mentalité est effectivement différente mais cela ne ferait- il pas du bien aux forces de police et au pays?

Ce sujet reste évidemment du domaine de la réflexion, il est donc loin d’être clos .Pour ma part, je considère que le monde est désormais celui de l’interconnexion, l’interdépendance et l’interpénétration dans tous les domaines. Pour le cas d’espèce, je pense que les hommes en place, soit au MDN soit au MI se font confiance  mutuellement et travaillent en harmonie. Ilssont, desurcroît, contraints de faire des économies en tirant le meilleur parti des ressources humaines mises  à leur disposition.

Mohamed Kasdallah