Blogs - 05.10.2017

Hédi Béhi : Ah, cette extrême gauche tunisienne qui nous désespère !

Ah, cette extrême gauche tunisienne qui nous désespère !

Le Front populaire a fêté dernièrement ses cinq années d'existence. Pourtant, l'évènement est passé inaperçu. A part quelques manifestations, un domaine dont parti  a fait sa raison d'être, sa principale activité et arme de combat politique. Il est vrai que l'ambiance n'est pas à la joie au sein de la principale composante de l'extrême-gauche tunisienne, minée comme elle l'est par les divergences idéologiques et les ambitions personnelles.

Ah, cette extrême gauche tunisienne ! Elle nous désespère avec son archaïsme, son sectarisme et son immaturité. Comment ne pas s'exclamer en entendant les vociférations de ses dirigeants à faire trembler les murs de l’Assemblée pour empêcher l’adoption d’un projet de loi sur la réconciliation administrative ? Comment ne pas être outré par sa démagogie quand on entend les harangues incendiaires du président de son groupe parlementaire ? Comment ne pas être choqué par son inconstance en voyant Hamma Hammami, Mongi Rahoui et Ziad Lakhdar défiler «mano en mano» avec des membres du Cpr et de la ligue de protection de la révolution, hier tenus pour responsables de l'assassinat de Chokri Belaïd ? Comment ne pas être indigné face à l'inconscience d'une Radhia Nasraoui qui menace de brûler le pays si on touchait à un seul cheveu de son mari tout simplement parce qu’on venait de remplacer sa garde rapprochée ? Comment ne pas être surpris par  son rejet de toute alliance avec Nidaa Tounès en 2014, tout en sachant que ce refus reviendrait à rejeter ce parti dans les bras d'Ennahdha. Ce qui qui s'est produit.

Orpheline de Chokri Belaïd, le seul dirigeant à être doté s'une vision politique claire, l'extrême gauche tunisienne aura été depuis 2012 souvent incapable de se hisser au-dessus des contingences. La page du sit in d'Irrahil tournée, elle a retrouvé ses vieux démons, se vautrant dans un infantilisme révolutionnaire suicidaire, un nihilisme systématique et une logomachie passée de mode. Arborant fièrement le marteau et la faucille, elle est l'une des dernières sequelles du stalinisme, non pas dans son fonctionnement interne qui l'apparente plutôt aux groupuscules gauchistes, mais par ses référents idéologiques qui la mettent en total décalage avec les réalités pollitico-économiques du pays. Quand ils n'ont pas sombré dans le populisme, comme la parti de Mélenchon, la plupart des partis d'extrême-gauche dans le monde ont entrepris leur mue en faisant une croix sur l'idéologie communiste ou du moins en l'expurgeant de ses scories, l'extrême gauche tunisienne, elle, s'accroche mordicus à ses vieilles lunes, sans manifester la moindre velléité d'autocritique, se situant délibérément hors de l'histoire. Plus dure sera la chute.

Hédi Béhi