Opinions - 27.09.2017

Un Manifeste financier et budgétaire pour la Tunisie

Manifeste financier et budgétaire pour la Tunisie

La rentrée financière 2018 rappelle déjà ses précédentes. Le même lexique, la même atmosphère.

S’attendre donc à une loi de finances de rupture serait naïf. Est-ce notre mal national ancestral et absolu, de la finance et de la banque, qui nous rattrape de nouveau ? Les LF post 2010 ont déjà apporté leurs réponses : La finance y a été réduite à sa seule expression fiscale des impôts et des taxes. Désormais ; les banques financent une partie de leurs crédits par le Budget de l’Etat.

En conséquent, les grandes voies que nous donnent le bon usage de la finance et de la banque pour sortir le pays de l’affaissement économique qu’il endure restent ignorées. Inexplicablement inexplorées.

Construire le Budget dans la baisse, au moins -4% du PIB, -4 milliards de dinars

Difficulté à mobiliser les ressources du Budget de l’Etat, déficits intenables des Caisses, les subventions pèsent lourd, nos réformes seront douloureuses. Liquidités à sec, la TVA devrait augmenter, forment tous les termes et la sémantique même de l’insuffisance et de la surenchère budgétaire dans lesquels nous nous sommes mis et cloitrés.

Par l’aggravation de toutes les impositions qui s’en est résulté, notre pression fiscale a atteint aujourd’hui les 21% du PIB. Un taux de pression, impôts et taxes, record. Les statistiques mondiales montrent, depuis les années 2000, que les taux Tunisiens sont largement plus élevés que ceux EU ou OCDE. OCDE, où les taux en question sont constamment inférieurs à 17% PIB.

21% PIB, comment dire alors que nous sommes en manque de ressources ? Tous les politiciens avertis diront que la fiscalité se construit dans la baisse et dans la constance. La notre, entre 2000 et 2014, elle a augmenté de 7%. Autre excès, record mondial, qui laisse perplexe.

Baisser l’enveloppe fiscale est donc capital. Un engagement politique impliqué et fort pour la décroitre et la baisser de 4% PIB devrait se déclarer. Soit 17% du PIB ; 4 milliards de dinars en baisses des taxes et des impôts.

Voilà comment l’on pourrait faire

  • Les lignes de financement adjointes à la LF 2017, Crédits 1e logement, micro crédits, n’ont pas vocation à figurer dans une LF. Ces financements se faisaient et se font naturellement via le système bancaire, le marché bancaire.

    Faire de la sorte c’est tomber dans deux erreurs. Se mettre dans la logique de l’alourdissement des charges fiscales pour les contribuables, individus et entreprises. Se mettre dans le défaut de redonner à ces mêmes contribuables les intérêts et les commissions engrangés sur les crédits qu’ils ont eux-mêmes financés, 400 millions de dinars.
  • Aux 400 millions de dinars sus mentionnés, nous pouvons ajouter toutes les subventions faites au Tourisme, 80 millions de dinars au moins.

    Aujourd’hui les professionnels du marché avec au moins 40 ans d’expériences, sont aptes à gérer d’eux-mêmes leurs activités, la promotion de leurs unités, la formation de leurs employés. Ils incluront alors leurs dépenses dans leurs tarifs et gagnerons alors en compétitivité et en qualité. Ce n’est qu’ainsi que nous offrirons au Tourisme national le cadre et les moyens de progresser et de ramener plus d’argent.

    Notre médecine privée, l’une des meilleures au monde, nos Chirurgiens du public, se sont tous faits sans subventions. Notre enseignement privé, universitaire et scolaire, aussi.

    La LF 2018 gagnerait donc à inviter toutes les unités en rapport avec les encaisses en monnaies étrangères de facturer et de garder une comptabilité en devises, de tenir des comptes locaux en devises en € ou en $, dans la monnaie qu’il juge utile pour leurs activités. Ce n’est pas une faveur pour eux, c’est une obligation à laquelle il faudrait se tenir.

    Le Dinar Convertible, incongru à la bonne finance, devrait être supprimé.
  • Revenir à la grille 2016 des impositions des revenus des personnes physiques, serait de la bonne décision et ce pour plusieurs raisons. Le minimum non imposable de la nouvelle grille, de 2017, n’est pas en rapport avec la cherté de la vie. Ce minium devrait se situer à un montant de l’ordre de 8 000 à 10 000 dinars.

    Dans la nouvelle grille de 2017, la répartition des tranches et l’augmentation des taux intermédiaires ont en effet pris en compte les salaires réduits et moyens. La grille 2017 fait gagner à de tels salaires une dizaine de dinars en retenues d’impôts. Mais, revers de la médaille, pour que de tels salariés puissent bien avancer en rémunérations, l’effort en augmentations salariales que devrait fournir leurs employeurs sera multiplié et fort. Une grille inique qui piège tout le monde, employés et employeurs.Nous gagnerons donc à revenir à la bien vieille mais stable et intelligente grille d’avant 2017. Augmenter sa tranche minimale de franchise, garder son noyau tel quel, lui adjoindre 2 ou 3 nouvelles tranches de plus de 50 000 dinars et en augmenter les taux d’impositions, sortir des assiettes imposable les frais engagés par les ménages pour la scolarité de leurs enfants, les entretiens de demeures, les réparations, sont parmi les mesures et les logiques appropriés et efficaces qui rapprochons les contribuables de leur administration et fiscalité nationales.

    La LF 2018 devrait œuvrer efficacement à parfaire et à renforcer le rapprochement et l’entente, la facilité et la fluidité des rapports, entre toutes les parties concernées par la délicate et précieuse chaine des impôts. 

Le Partenariat Public Privé, évitons le Budget 

Financer le PPP par le Budget de l’Etat nous ferait retomber dans la logique stérile et dangereuse de l’aggravation fiscale. Le Titre II, des investissements, devrait en ce sens s’optimiser. Y consacrer dans les 6 à 7 milliard de dinars alors que les taux de réalisations de ses lignes sont faibles est à méditer. Si l’on table sur 50% de réalisations, il ne faudrait prévoir qu’au plus, et largement, 4 milliards pour 2018. Soit au moins 3 autres milliards à diminuer du Budget.

La LF 2018 devrait donc plutôt favoriser le bon retour des banques et du marché financier à occuper le rôle et les métiers qui sont les leurs. En ce sens ; les investisseurs et les entrepreneurs, qu’ils soient locaux ou étrangers, c’est vers leurs banquiers qu’ils doivent se diriger exclusivement et en premier pour monter ou conduire leurs affaires.

Le PPP ne devrait donc pas échapper pas à cette règle saine et cadre normal du bon usage des affaires.

En un premier lieu, le PPP ne devrait pas couter de l’argent à l’Etat, pas de budgétisation. Un exemple pratique et utile de PPP est de faire naitre tout un réseau ‘d’Ateliers Mécaniques’ équipés pour pouvoir attester le bon fonctionnement des véhicules. Les structures publiques en charge du transport terrestre agréeraient et inspecteraient. Les banques financeront se réseau qui sera rentable.

Les citoyens n’auront plus à subir les délais d’attentes épuisants et improductifs des queues insensées qu’ils font pour accéder aux Centres Publics des visites techniques.

 
La liquidité, le Single Rule Book - EU

Faire une méga lecture de notre économie nous donnerait certainement d’innombrables motifs de fierté et de satisfaction. Les insuffisances et les asymétries, qui ont eu des effets déstabilisateurs sur cette économie et sur les Tunisiens, s’y trouvent aussi.

Il y eu la période du leurre ‘Maëstricht’ qui nous a emmené à circonscrire notre économie dans la logique des ses Critères.

Nous nous sommes rendus fiers de respecter certains parmi eux. Nous nous sommes alors suffis aux 5% de croissance que réalisait notre PIB. Soit la valeur minimale qui nous permettait d’honorer nos engagements. Telle est conçue mathématiquement la péréquation dynamique des dits Critères et où les engagements publics devaient êtres inférieurs à 60% des PIB. Condition que nous remplissions à l’époque.

Nous nous sommes donc mis dans les contraintes des convergences monétaires de nos amis EU vers l’Euro. Contraintes qui ne concernaient en rien et en aucun cas le Dinar. Le résultat, comme le dit assez correctement la Banque Mondiale, notre économie s’est figée.

Actuellement, nous vivons l’époque leurre de la liquidité. Nous avons adjoint toutes les contraintes monétaires et bancaires post crise systémique mondiale 2008 aux nouveaux statuts de la BCT.

Une crise 2008, de liquidité, où, encore une fois, le Dinar, monnaie non convertible et non d’échange international, où les banques tunisiennes avec leurs actifs exclusifs en Dinars, n’avaient été, et ne sont toujours pas, en aucune proportion, un élément déterminant.

La BCT, et à mon avis, s’est munie de nouveaux statuts fortement inspirés du Single Rule Book, le Règlement bancaire et uniforme EU. Un Consilium bancaire EU certes fort et savant, bien articulé, intelligemment contraignant mais totalement non approprié à notre cas à nous pour le moment.

Il faudrait d’abord redresser l’économie tunisienne, reprendre une bonne parité Dinar-€, puis alors se rapprocher au plus prêt de notre espace bancaire EU, naturel et historique.


Voulons-nous une économie non de sous-traitance, non de Hub, non d’Outlet ?

Répondre à cette question déciderait du sort de notre économie. Si nous voulons la rendre forte et dynamique alors il faudrait repenser notre politique monétaire.

L’équation est simple : mettre le Taux Directeur de la BCT autour de 0 (actuellement il est à 5%). Faire converger la BCT de nouveau vers la logique de ses statuts 2006 et déclencher un nouveau débat bancaire national. Un débat autour du rôle et des objectifs de la BCT, l’avantage de sortir les structures du contrôle en une instance autonome, l’avantage de faciliter les conditions d’octroi des agréments bancaires.

Croyons-nous sérieusement qu’une seule banque des régions saura régler les problèmes économiques de l’intérieur ?

Ne faudrait il pas plutôt que l’on facilite les créations bancaires régionales de toutes formes et de tout secteurs. Exiger alors un capital minimum de départ de banque, un statut de SA, est une logique asymétrique qui nuit à notre économie. Les Places significatives parlent plutôt de capital initial accessible à tous, toujours réduit.

Une nouvelle vision de la finance et de la monnaie, de la construction des réglementations en rapport, est facile a monté. Analytiquement, c’est autour du taux directeur BCT nouveau ramené à 0% qu’elle se fera et que toutes nos réformes devraient se penser.

Le Taux Directeur réduit, le père de toutes les réformes intelligentes, généreuses, faciles et douces dont a besoin notre économie.

Il n’y aura plus alors de subventions infructueuses et coûteuses du TRE. Le marché financier se développera et progressera à souhait. Les ménages tunisiens acquerront leurs demeures par des emprunts hypothécaires, 20 ans à 30 ans, sans aucun apport, à un taux d’intérêts bas, 1% à 2%. Le Trésor public ne paierait pas autant excessivement cher, dans les +6% de taux, pour les intérêts de ses emprunts publics, les BTA.

Cette année 2017, les intérêts sur BTA seraient dans l’ordre des 700 millions de Dinars. La nécessaire réforme du taux directeur BCT, 0%, rendrait ce montant au plus à 100 millions de dinars.

Soit encore et à terme, au moins +600 millions de dinars de gagner dans les futurs Budgets.

Mohamed Abdellatif Chaïbi
Banquier, Statisticien ISUP-Paris