News - 18.09.2017

Un procès en sorcellerie dans une école de Sfax

La  Sorcière de Sfax

Scène d hystérie collective, hommes femmes, parents d’élèves et activistes salafistes notoires, tous réunis dans la cour d’école, non pas pour célébrer la rentrée de leurs enfants mais pour scander un énième « Dégage ». L’accusée n’est ni une tortionnaire corrompue, ni une ex conseillère de Ben Ali mais, une enseignante, une femme qui lutte contre l’ignorance dans cette école de la cité populaire  El Bahri à Sfax. 34 ans à enseigner pour se retrouver la  cible d’une chasse aux sorcières indignement orchestrée par des parents d’élèves.
« Athée, agnostique, kefra », les accusations pleuvaient sur cette pénible vidéo, mise en ligne par les parents au moment où ils chassaient Faïza Souissi. Le délégué Régional à l’éducation national à Sfax1 a jugé bon d’obliger l’institutrice à demander sa mutation, par crainte pour sa sécurité. Mais le ministère de l’Education a l'a désavoué, en ordonnant à l'institutrice de ester à son poste, tout en ordonnant l'ouverture d’une enquête sur l’incident scolaire. Plusieurs voix se sont élevées en soutien à l’institutrice, L’Ugtt, L’Atfd, Machrou Tounes, Afek Tounes, et le Front populaire.
L’agression de Faiza Souissi, est révélatrice d’un mal profond. Celui de la haine de l’altérité  et de la différence. Car l’enseignante, membre de la section de Sfax de l’Association tunisienne des femmes de démocrates (ATFD) n’est accusé d’aucun manquement ni délit à part celui de la liberté de pensée.
Qui aurait imaginé qu’en 2017 une enseignante à Sfax et non pas à «Salem»(1) au 17ème siècle, doit bénéficier d’une protection policière pour dispenser ses cours aux écoliers .
La vidéo de cette scène qui a fait le tour des réseaux sociaux depuis samedi montre des parents furieux, devant une école réclamant le renvoi pur et simple de l’enseignante. Pis encore: la scène, une sorte de tribunal de l’inquisition, se passe devant les yeux des enfants qui assistent à l’humiliation de leur institutrice.
Comment après cette scène pourra t-on enseigner la tolérance, l’histoire  de l’art ou la philosophie à cette pauvre génération ?
Dans cette cour d’école, le jour de la rentrée, une bataille a été peut-être perdue, mais pas la guerre, celle-ci reste un choix politique et social, à faire d’urgence.

 

(1)Les Sorcières de Salem, pièce de théâtre d'Arthur Miller