News - 08.09.2017

Neziha Labidi: «Je suis une femme d’action porteuse d’une vision que je transforme en stratégies»

Neziha Labidi: «Je suis une femme d’action porteuse d’une vision que je transforme en stratégies»

A la veille du remaniement du gouvernement, Leaders a adressé trois questions aux ministres. 14 ont répondu dont Néziha Labidi, ministre de la Femme, de la Famille  et de l'Enfance qui a été d'ailleurs reconduite dans ses fonctions dans le gouvernement Chahed II. Voici ses réponses:

Quelles sont les épreuves les plus difficiles que vous avez dû affronter ?

Heureusement que je suis dans un système où j’ai toujours exercé, et auquel j’ai toujours été dévouée, que ce soit du côté de l’administration ou de la société civile. Déjà en 1972, je militais pour les droits des femmes avec feu Simone Veil pour soutenir la loi sur l’avortement et avec le  Mouvement de libération des femmes (MLF) présidé par l’avocate Gisèle Halimi. Et ces dossiers que je suis en train de gérer en tant que ministre en charge de la femme, de la famille et de l’enfance, j’y avais contribué en tant que directrice de la coopération internationale et en tant que directrice des affaires de la femme avant 2011; et en tant qu’experte avec les ONG aussi bien nationales qu’internationales entre 2011 et 2016.

De fait, ce secteur qui me passionne, la cause féminine, le droit des enfants et la dignité des personnes âgées, quelles que soient leurs conditions et là où ils sont, constituent un souci personnel auquel je me porte garante avant d’être une charge professionnelle à mener. Ceci n’empêche que lorsqu’on est le premier décideur pour le secteur, et lorsqu’on est avisé des différentes facettes qui le caractérisent, on n’arrive jamais à être satisfait de ses réalisations.  Et la principale épreuve que je suis en train d’affronter depuis ma nomination à la tête de ce ministère, c’est le sentiment constant de vouloir faire plus et plus rapidement, même si le budget et l’effectif ne parviennent pas à suivre.

Quelles sont les trois principales mesures que vous avez prises et dont vous êtes le plus fière ?

J’ai la chance d’avoir une équipe performante qui se dévoue à la tâche, surtout que nous sommes dans un secteur où il faut croire à la cause pour pouvoir réussir. En 365 jours, avec détermination et dévouement, nous avons pu relever un certain nombre de défis en lien avec des dossiers qui ont si longtemps résidé dans les tiroirs. D’ailleurs, je trouve trop restrictif de me demander de citer juste trois mesures, puisque j’ai pu prendre plusieurs mesures dont mes collaborateurs et moi sommes fiers. Et je me permettrai de tripler le quota que vous m’allouez et de vous citer neuf réalisations dont je suis particulièrement fière sur les quatre secteurs, à savoir la femme, la famille, l’enfance et les personnes âgées:

En ce qui concerne la femme :

1. L’élaboration d’un plan national d’action en faveur des femmes en milieu rural, basé sur une étude scientifique des réalités du terrain et constitué d’activités clairement définies, réalistes et faisables. Ce plan mettra sur les rails la mise en œuvre de l’amélioration effective des conditions des femmes en milieu rural, leur accès à la protection sociale, aux services et à des conditions de travail décentes.

2. La contribution à la réduction du taux de chômage féminin en un temps si court, et en touchant toutes les régions, sans discrimination aucune, et ce à travers la mise en œuvre du Plan national de l’entrepreneuriat féminin. Je suis même très fière d’avoir pu financer 1 736 projets TPE et PME en faveur des femmes entre septembre 2016 et août 2017, garantissant une source de revenus à plusieurs familles. Nous comptons accompagner à terme encore 8 000 porteuses de projets d’ici 2020.

3. L’organisation d’une rencontre sous forme de « retraite » pour les membres du gouvernement en vue de former et sensibiliser les premiers décideurs de l’exécutif à l’approche genre et à son impact sur le développement et l’économie nationale. Cela démontre une réelle volonté politique de changer la donne et voir la participation de la femme comme une composante primordiale dans le développement de l’économie nationale, dans le processus d’instauration de la paix sociale et dans une gouvernance efficace.

4. La finalisation et la mise en place d’une stratégie de plaidoyer à la loi organique portant élimination de la violence à l’égard des femmes, en impliquant la société civile, et qui a été couronnée par l’adoption de la loi le 26 juillet 2017. Cette loi qui fait partie de la stratégie de lutte contre la violence faite aux femmes élaborée en 2006 n’avait commencé à voir le jour qu’en 2013 avec les premières réflexions sur le sujet. Et je suis particulièrement fière d’avoir pu contribuer à rajouter la violence politique à cette loi et à élever l’âge de maturité sexuelle à 16 ans au lieu de 13 ans, malgré la résistance politique.

5. Le démarrage du Conseil des pairs pour l’égalité des chances entre les femmes et les hommes et dont l’attribution principale consiste à établir et mettre en œuvre un plan national d’action pour l’intégration du genre dans les politiques, les planifications et les budgets. Cette instance, présidée par le chef du gouvernement, est composée des hauts cadres de la Fonction publique représentant tous les ministères et quelques organismes publics en lien avec le dossier, ainsi que de représentants de la société civile actifs sur l’égalité entre les hommes et les femmes, constitue un instrument majeur dans l’intégration du genre et la garantie de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans les droits et les devoirs.

En ce qui concerne la famille et l’enfance :

1. La déclaration de l’année 2017 « Année nationale de l’enfance». A cet effet, nous avons renforcé nos services du délégué de protection de l’enfance et nous avons mis en place une stratégie nationale multisectorielle de développement de la petite enfance 2017-2025. Elle permettra d’assurer à tous les petits enfants en Tunisie et en particulier les petits enfants vulnérables et issus de milieux défavorisés, avant 2025 et de manière équitable, des services intégrés de développement physique et psychomoteur, cognitif, social et émotionnel à travers un cadre d’action commun, harmonisé et fonctionnel entre les différents intervenants.
2. L’adhésion à la Convention de Lanzarote relative à la protection des enfants contre les abus sexuels, qui constitue l’instrument juridique au niveau international le plus avancé de protection des enfants contre les abus sexuels. Ceci est une fierté pour la Tunisie, surtout qu’on est le premier Etat non membre du Conseil de l’Europe à signer cette convention.
3. Le lancement du Fonds Toufoulati sous le slogan « Chaque millime placé dans ce fonds peut changer la vie d’un enfant », destiné à soutenir les actions en faveur des enfants.
4. L’amorce de la réflexion sur un plan d’action pour la promotion des familles, qui vise à améliorer les conditions de vie des familles, en appuyant le rôle des parents et en soudant les liens entre l’école et les parents pour une meilleure prise en charge éducative des enfants.
6. L’élaboration d’un projet de loi pour l’abrogation de la loi relative au congé de maternité afin que ce congé s’aligne sur les normes internationales aussi bien dans la phase prénatale que postnatale, tout en appuyant l’implication du père dans son rôle parental à travers l’extension du congé paternel. Ce projet de loi annoncé par le chef du gouvernement le 8 mars 2017 à l’occasion de la Journée internationale de la femme a fait l’objet de plusieurs échanges au sein d’une commission dédiée, avant d’être soumis à un Conseil ministériel restreint le 11 août 2017.
7. L’avancement en classement de la position de la Tunisie quant aux droits des enfants pour occuper la 1ère place à l’échelle africaine et la 9e place à l’échelle mondiale. Chose très honorable pour notre pays.

En ce qui concerne les personnes âgées

1. Le lancement de la campagne “Le printemps des seniors” et notamment l’action baptisée “le sourire de nos aînés illumine nos foyers”, lors de laquelle les pensionnaires des centres de protection des personnes âgées ont pu bénéficier de consultations ainsi que de pose de dentiers.

2. L’élaboration d’un code pour les droits des personnes âgées, qui regroupera différents avantages et droits valorisant les personnes âgées afin de réduire cette marginalisation qui les affecte aussi bien moralement que physiquement. Ce recueil, qui est le premier du genre dans le monde, a été finalisé et sera bientôt soumis à un Conseil ministériel restreint pour avis.

Par ailleurs, je suppose qu’au cours de cette première année j’ai posé des bases solides sur lesquelles les autres actions envisageables deviendront possibles. Certes, il reste beaucoup d’actions à entreprendre pour concrétiser nos objectifs, et nous sommes toujours en veille et attentifs aux moindres problèmes. Je crois à la continuité de l’Etat et aux compétences de l’administration tunisienne qui a su préserver les acquis cumulés grâce aux différentes générations de patriotes.

Qu’est-ce que vous regrettez de n’avoir pas accompli à ce jour et comptez-vous le rattraper bientôt ?

Je n’aime pas parler de regrets. Je suis une femme d’action et je porte une vision que je transforme en stratégies. Je cherche avec mes collaborateurs comment redonner espoir aux uns et aux autres, voir des yeux étincelants de bonheur et croire en notre Tunisie prospère, sereine et où règne la douceur de vivre.

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